Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du jeudi 8 décembre 2022 à 9h00
Accord relatif à l'exécution des peines prononcées par la cour pénale internationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

La portée symbolique de cet accord est peut-être plus importante que sa portée pratique. En effet, depuis la création de la Cour pénale internationale en 2002, seules cinq personnes ont été condamnées. La recherche et l'arrestation des suspects relève largement de la coopération interétatique et les procédures judiciaires sont complexes. Voilà qui limitera la portée de cet accord et rendra assez ponctuelle sa mise en œuvre. Il importe toutefois que la France le ratifie et soutienne ainsi l'effectivité de la justice pénale internationale.

Notre histoire nous rappelle combien les crimes de guerre sont nombreux, notamment ceux qui ont été perpétrés sous le nom de « tactique du dégât ». Pour ceux qui ne savent pas en quoi cette dernière consiste, pensez à Oradour-sur-Glane : on enserre une localité, on tue tous les êtres humains qui s'y trouvent – hommes, femmes, enfants – et on brûle tout. Malheureusement, cette tactique a été largement employée par toutes les armées. Je pourrais citer le sac du Palatinat par l'armée française au XVIIe siècle, les massacres commis en Vendée sous la Révolution, les massacres commis contre les populations qui ont résisté aux armées napoléoniennes, que ce soit en Espagne ou en Autriche, ou encore la colonisation.

Vous me direz : « C'est bien gentil, monsieur Molac, mais tout cela, c'est de l'histoire. » Certes, mais notre histoire nous revient, et l'on a pu voir dernièrement sur le continent européen, avec l'Ukraine, que ces pratiques barbares – le viol systématique, l'élimination de toute une population – étaient malheureusement encore des pratiques courantes. Je pourrais citer évidemment le Tigré, le Yémen, la Birmanie, la Syrie ; notre collègue Lebon a rappelé le Rwanda et la Realpolitik en Afrique, laquelle pose un certain nombre de problèmes. Pour limiter le plus possible toutes ces pratiques barbares et totalement inacceptables, un petit pas dans la bonne direction est toujours bon à prendre.

La France soutient, dans les instances internationales, la compétence de la CPI et lutte contre la peine de mort dans le monde. Depuis l'origine de la Cour, la France promeut l'universalité du statut de Rome de 1998. Elle milite au sein des organisations internationales et dans le cadre des relations bilatérales pour accroître le nombre d'États parties prenantes. Aujourd'hui, la Cour n'est compétente que dans les 123 pays signataires du statut de Rome. En 2014, l'Ukraine, qui n'est pas signataire de ce traité, a tout de même accepté la compétence de la CPI – je pense qu'elle ne le regrettera pas – et, en 2016, la Russie s'en est retirée : on voit donc que son destin n'est pas un long fleuve tranquille vers l'entrée dans le droit international, car l'on peut s'en retirer en fonction des intérêts politiques du moment. La France répond aux demandes de coopération judiciaire, fournit une assistance opérationnelle – elle est l'un des États qui coopèrent le plus largement, en dehors des États dans lesquels sont perpétrés ces crimes – et participe financièrement au rôle de la Cour.

Notre groupe votera d'autant plus en faveur de cette ratification qu'elle respecte la souveraineté des États, par exemple en matière d'incarcération des condamnés. C'est un petit pas, certes, mais un pas symbolique, qui permettra, je l'espère, de poursuivre une série de criminels de guerre qui n'ont leur place que dans les prisons.

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