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Gisèle Lelouis
Question N° 10846 au Ministère du ministère de l’intérieur et des outre-mer


Question soumise le 8 août 2023

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Mme Gisèle Lelouis attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le malaise présent dans les forces de l'ordre depuis des années. Ce malaise a de nouveau été mis en lumière à Marseille suite à la fronde de la police, en raison du placement en détention provisoire d'un policier de la BAC soupçonné de « violences volontaires » sur un jeune homme à 2 h du matin le 2 juillet 2023 lors des émeutes ultra-violentes de près de 200 000 individus. Mme la députée, qui a traversé des barrages en feu cette nuit-là, tient à apporter son soutien à l'ensemble des forces de l'ordre qui ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour sécuriser la voie publique. Elle tient aussi à exprimer son émotion pour le jeune homme gravement blessé. Elle rappelle en outre à M. le ministre que la présomption d'innocence ne doit pas se transformer en présomption de culpabilité qu'intente le procès médiatique. Ayant échangé avec de nombreux policiers, elle rappelle que contrairement à ce qu'un camp politique véhicule, les policiers ne demandent pas à avoir une impunité, mais à être respectés par leur hiérarchie politique. À ce sujet, lors d'une audition de M. Darmanin, au Sénat le 5 juillet 2023 sur la gestion des émeutes par les forces de l'ordre, celui-ci a affirmé : « Faut-il mieux sélectionner les policiers ? Très certainement ». Avant de poursuivre qu'il était « à la tête d'un ministère d'enfants n'ayant pas fait de très grandes études », comprendre donc qu'il dirigeait des gens bêtes. Il s'agit là du summum du mépris, ces propos ayant jeté l'opprobre sur toute une profession, remettant aussi la faute sur des policiers qui agiraient selon leurs pulsions et non sur des procédures données lors des formations. Or la responsabilité politique sur ces formations (et le reste) est énorme puisqu'elle évite des drames. Selon une enquête réalisée par l'École nationale supérieure de la police et reprise dans un rapport de la Cour des comptes de 2022, si la formation est jugée satisfaisante pour les supérieurs hiérarchiques (93 %) et les commissaires (81 %), on ne peut pas en dire autant de celle des officiers et des gardiens de la paix. La cour alerte à ce sujet sur l'augmentation de la taille des promotions (70 élèves en moyenne entre 2015 et 2019, contre 400 en septembre 2022), ce qui « risque de susciter une diminution de la qualité de la formation ». Le rapport pointe le manque de sélectivité pour les gardiens de la paix, qui est passé d'un admis pour 7,6 candidats en 2015 à un admis pour 4,3 candidats en 2020 pour le concours externe. Or, selon le rapport, cette faible sélectivité « pose la question de la capacité du système à écarter les élèves démontrant des inaptitudes en cours de scolarité ». Mme la députée tient à rappeler que le manque de soutien de certains politiques, voire l'encouragement à la haine de certains élus, le lynchage médiatique permanent, les conditions difficiles et dangereuses (y compris parfois pour la famille) de cette profession ne rendent pas le métier attractif alors que c'est cette attractivité qui permet d'être sélectif et donc d'avoir une qualité du service public. Que propose M. le ministre sur ce sujet ? Mme la députée note aussi que les obligations d'entraînement, comme les « techniques et sécurité en intervention (TSI) » ou l'entraînement au tir sont rarement effectuées, faute de temps ou par manque de formateurs. Et en effet, le système accuse un déficit de 130 formateurs selon la Cour des comptes. Aussi, comment ne pas s'étonner que celle-ci pointe le « manque d'attention porté à la réalisation des entraînements aux pratiques professionnelles en intervention, qui recouvrent des gestes indispensables et aux conséquences physiques potentiellement lourdes, comme la maîtrise d'un individu récalcitrant » ? Au final, ceux qui trinquent, ce sont les forces de l'ordre et les citoyens. Les forces de l'ordre n'ont pas à payer des choix politiques et budgétaires. Il est donc compréhensible qu'ils expriment leur malaise lorsque le laxisme judiciaire perdure pour les autres mais pas dans leur cas. Mme la députée alerte sur le fait que ce malaise conduit à la radicalisation et à la démoralisation. En effet, si chaque année ce sont en moyenne une quinzaine de policiers et gendarmes qui décèdent durant leur service et une dizaine de milliers de blessés, elle tient à attirer l'attention de M. le ministre sur le taux de suicide des forces de l'ordre dû à cette absence d'écoute et de soutien. Alors qu'il était recensé entre 30 et 40 suicides par an il y a peu, l'année 2019 avait marqué un nouveau record avec 50 suicides dans la police. Avec le record mensuel de 12 policiers et gendarmes qui s'étaient donné la mort en moins d'un mois en 2022. Toutes forces de sécurité confondues (police municipale, nationale, gendarmerie, gardiens de prison, douane), en 2022 en France, il y a eu 78 passages à l'acte. 46 étaient des policiers. Quel est le plan du ministère sur ce sujet pour arrêter cette hécatombe et les taux de départ ? Payer enfin les centaines d'heures supplémentaires ? Rien n'est mis en place à part des numéros verts. Pour l'association « SOS Police en détresse », une association d'entraide entre policiers, sur les plus de 6 000 appels reçus en 2021 « le diagnostic » est « un syndrome de stress post-traumatique par accumulation » qui « conduit à la dépression ». Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde, le sociologue Mathieu Zagrodzki dénonçait à propos des forces de l'ordre, « une profession maltraitée et malheureuse » qui « peut difficilement rendre un service de qualité et nouer une relation apaisée avec le reste de la société ». Or le bonheur de la police fait aussi le bonheur des citoyens. La responsabilité politique de vouloir des résultats inouïs avec des moyens non adaptés entraîne une pression sur les supérieurs hiérarchiques des forces de l'ordre, dont beaucoup n'ont pas connu le terrain, qui retransmettent cette pression sur les FDO de la base. La manageralisation de l'intérieur est la principale cause d'un stress permanent chez ces protecteurs qui va d'ailleurs jusqu'au stress post-traumatique. Cette police chiffrée, à qui l'on demande d'avoir le bon chiffre d'amendes forfaitaires délictuelles pour avoir de bonnes statistiques à présenter en réunion hebdomadaire au directeur départemental de la sécurité publique (DDSP), au préfet ou au ministre met à mal la santé des forces de l'ordre et la sécurité du citoyen, juste pour que des chefs de service touchent des primes (l'IRP : l'indemnité de représentation et de performance) sur la base de ces chiffres fixés Place Beauvau. En définitive, le laxisme judiciaire envers les « racailles » qu'ils attrapent et qui sont relâchées, la pression d'en haut ou le manque de soutien conduisent à une démoralisation et un malaise dans cette profession qui altère le service au public et plus encore à l'avenir si rien n'est fait. Marseille mérite un service maximum. Elle lui demande donc ce qu'il compte faire de nouveau pour mettre fin au malaise qui existe au sein des forces de l'ordre.

Réponse

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