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Arnaud Le Gall
Question N° 10927 au Ministère auprès de la ministre de l’europe


Question soumise le 22 août 2023

M. Arnaud Le Gall interroge M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger sur l'accord de libre-échange conclu le 9 juillet 2023 entre l'Union européenne (UE) et la Nouvelle-Zélande. Celui-ci, qui doit encore être ratifié, soulève de graves et légitimes inquiétudes. D'après les principaux syndicats agricoles notamment, il va soumettre certains secteurs de l'agriculture française à une concurrence étrangère féroce et déstabilisatrice, puisque selon toute probabilité il entraînera l'arrivée sur le marché européen de milliers de tonnes de viande ovine et bovine et de produits laitiers. Il comporte en outre des risques sanitaires et écologiques clairement établis. La Nouvelle-Zélande continue par exemple d'autoriser l'emploi, dans son agriculture, de produits interdits dans l'Union européenne, comme l'atrazine, herbicide nocif et polluant et qu'il sera extrêmement difficile, sinon impossible, de s'assurer de l'absence de ces produits dans les marchandises importées sous nos latitudes. À l'heure où les conséquences du réchauffement climatique sont plus criantes que jamais, quel est en outre le sens d'importer depuis un pays situé à 20 000 kilomètres encore plus de marchandises pouvant être produites en Europe et en France ? Face à ces réalités, la prétention de la Commission européenne à avoir négocié l'accord « le plus ambitieux jamais pris en matière de durabilité », illustrée par une référence sans engagement concret à l'Accord de Paris sur le climat, apparaît largement théorique. Au niveau national, que reste-il de l'impératif de relocalisation et de souveraineté dont le Président Macron lui-même disait pourtant avoir pris conscience quand, en 2020, il déclarait : « déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie au fond, à d'autres, est une folie » ? Cet accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande est donc un choix politique majeur, qui aura des conséquences sur la vie des peuples du continent et notamment le peuple français. À ce titre, il doit faire l'objet de votes, non seulement au Parlement européen comme cela est déjà prévu, mais également au Parlement français. Par conséquent, dans l'hypothèse où cet accord serait approuvé par le Parlement européen, il souhaite savoir si le Gouvernement s'engage également à le soumettre à l'appréciation et à la ratification de la représentation nationale.

Réponse émise le 24 octobre 2023

La France a soutenu les négociations conduites par l'Union européenne avec la Nouvelle-Zélande depuis leur lancement en 2018 : la Nouvelle-Zélande est un partenaire stratégique dans l'Indopacifique, qui partage notre ambition pour le développement durable et pour un commerce plus durable à l'échelle mondiale. Son marché représente des opportunités économiques intéressantes pour nos entreprises. Sur le plan économique, alors que la France a régulièrement un excédent commercial avec la Nouvelle-Zélande, cet accord devrait ouvrir de nouvelles opportunités pour nos entreprises et consolider nos parts de marché, notamment dans les secteurs exportateurs de biens et de services comme les véhicules, les vins et spiritueux, les produits pharmaceutiques et le luxe. Il devrait également améliorer notre accès aux marchés publics néo-zélandais. L'accord protègera plus de 2 000 indications géographiques européennes de boissons et spiritueux (Champagne, Cognac, etc.) et 163 indications géographiques alimentaires (Comté, Jambon de Bayonne), soit plus de 550 indications au total pour la France, et soutiendra nos exportations agricoles et agroalimentaires. Nous avons par ailleurs activement œuvré à la protection de nos filières agricoles sensibles. Nous avons obtenu que cet accord les protège contre des ouvertures trop importantes en excluant des libéralisations complètes et en prévoyant des contingents au volume limité, ouverts progressivement, ainsi que la définition de règles d'origine strictes. Nous serons particulièrement vigilants au suivi des dispositions négociées et à leur mise en œuvre. Sur le plan du développement durable, la Nouvelle-Zélande est un partenaire qui partage pleinement nos valeurs, en particulier sur le plan climatique. L'accord est le plus ambitieux jamais négocié par l'UE sur ce point. Il met en œuvre l'alignement de notre politique commerciale avec notre action climatique, environnementale et sociale, reprenant le souhait émis par la France de faire de la politique commerciale un levier pour notre ambition en matière de développement durable. Il intègre l'Accord de Paris comme élément essentiel, prévoit des sanctions commerciales en dernier ressort en cas de violation des principaux engagements en matière de développement durable et intègre des dispositions sur l'égalité des genres, les subventions aux énergies fossiles, l'économie circulaire ou la lutte contre la déforestation. L'accord avec la Nouvelle-Zélande présente en outre une avancée supplémentaire en matière de cohérence des politiques européennes : pour la première fois dans un accord commercial, les concessions sur la viande bovine seront soumises à une conditionnalité liée à un cahier des charges précis (bovins élevés à l'herbe en plein air). Cette exigence va au-delà de ce que nous imposons à nos producteurs, et cela garantira que seule de la viande bovine de haute qualité bénéficiera des préférences de l'accord. Il convient par ailleurs de rappeler que sur le plan sanitaire, tout produit importé dans l'UE doit être sûr, ne représenter aucun danger pour la santé des consommateurs et être conforme à la législation sanitaire et phytosanitaire de l'UE. A titre d'exemple, les limites maximales de résidus pour l'atrazine et le diflubenzuron ont été fixées dans l'UE au seuil de quantification et s'appliquent à tous les produits importés, y compris ceux provenant de Nouvelle-Zélande. Enfin, cet accord - qui relève de la compétence exclusive de l'Union Européenne - a été négocié sur la base d'un mandat délivré par le Conseil, dont le respect a été régulièrement vérifié par ce dernier durant la négociation et sa signature est autorisée par le Conseil, garantissant le contrôle des Etats membres, et de manière conforme à la répartition des compétences prévue par les Traités. La ratification par l'Union européenne ne sera possible qu'après l'approbation du Parlement européen, qui est élu démocratiquement et qui a lui aussi été informé régulièrement de l'avancée des négociations, notamment lors de multiples auditions de la Commission. Ce n'est qu'après cette approbation que l'accord pourra être formellement conclu, et entrer en vigueur.

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