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Élisa Martin
Question N° 5306 au Ministère du ministère de l’intérieur et des outre-mer


Question soumise le 7 février 2023

Mme Élisa Martin attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la situation ubuesque de reprise de construction du projet de basilique à Saint-Pierre-de-Colombier au cœur du Parc naturel régional des Monts d'Ardèche. S'étendant sur 7 hectares, le projet de centre spirituel Notre-Dame des Neiges prévoit la construction de deux clochers de 50 mètres de haut, d'une passerelle, d'un parc hôtelier et d'une basilique pharaonique pouvant accueillir quelques 3 500 fidèles de la mouvance catholique traditionaliste la « Famille des Missionnaires de Notre Dame » (FMND), tout cela au sein du petit village ardéchois de 400 habitants. En guise de prémices, Mme la députée indique que ce projet de basilique émane de la FMND, organisation religieuse pointée du doigt dans le rapport 2018-2020 de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) comme « sujet d'inquiétude » en raison, entre autres, de « difficultés d'accès aux soins médicaux » ou encore de « culte de la personnalité » à l'encontre du dirigeant. D'ailleurs, prenant acte de l'alerte de la Miviludes et de la démesure du projet, les autorités religieuses hiérarchiques de cette congrégation à savoir le diocèse de Viviers et le Vatican ont censuré la construction telle que prévue pour le premier et, mis sous tutelle la FMND à l'issue de plusieurs visites apostoliques, pour le Saint-Siège. Au-delà de cela, Mme la députée porte à la connaissance de M. le ministre la décision du 29 novembre 2022 prise par le préfet de l'Ardèche abrogeant l'arrêté du 15 octobre 2020 par lequel sa prédécesseure, non seulement suspendait les travaux, mais de surcroît, ordonnait la réalisation d'une étude environnementale. Or la commune, traversée par une rivière, regorge par ailleurs d'une faune et d'une flore variées. C'est d'ailleurs à ce titre que la zone concernée par le projet est classée en zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF). L'étude environnementale ordonnée en 2020 au milieu d'une bataille médiatique et judiciaire vient tout juste d'être rendue publique par M. le préfet alors qu'elle lui a été réclamée depuis près de 6 semaines. Mais plus grave encore que cette rétention documentaire, il apparaît clairement que le bureau d'étude ayant réalisé le rapport a abaissé artificiellement les impacts résiduels sur les espèces protégées pour, comme l'écrivait M. le préfet dans son courrier à la congrégation religieuse le 7 janvier 2022, « aboutir à un effet nul ou négligeable pour chacune des espèces répertoriées ». En effet, entre le premier rapport du 2 septembre 2021 et celui du 30 mai 2021 les impacts résiduels ont tout simplement « disparu » sans qu'une seule nouvelle mesure d'évitement ou de réduction ne puisse le justifier. Or cette « disparition » n'est pas anodine puisqu'elle permet au pétitionnaire de s'éviter le dépôt d'une demande de dérogation au titre des espèces protégées que M. le préfet n'aurait pu lui délivrer. En d'autres termes, en faisant disparaître opportunément les impacts résiduels sur les espèces protégées, le projet de complexe religieux pouvait aboutir. Enfin, Mme la députée rappelle l'attachement de M. le ministre aux dispositions de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République dite « loi séparatisme » issue du gouvernement de M. le ministre lors de la précédente législature. Premièrement, en son article 19, ladite loi dispose que : « Toute association ou fondation qui sollicite l'octroi d'une subvention (...) s'engage, par la souscription d'un contrat d'engagement républicain : « 1° A respecter les principes de liberté, d'égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République au sens de l'article 2 de la Constitution » ; (...) « 3° A s'abstenir de toute action portant atteinte à l'ordre public ». Dans la même veine, citant la loi de 1905, l'article 68 de la loi susvisée énonce en ces termes que: « Les associations cultuelles ont exclusivement pour objet l'exercice d'un culte. Elles ne doivent, ni par leur objet statutaire, ni par leurs activités effectives, porter atteinte à l'ordre public ». Ainsi, elle lui demande s'il ne semble pas incohérent à M. le ministre de permettre à une association cultuelle dont les donations sont déductibles d'impôts, de construire un centre spirituel jugé démesuré, dont l'impact sur la biodiversité dans un Parc naturel régional n'est manifestement pas négligeable et surtout dont les pratiques sont qualifiées d'inquiétantes par la Miviludes pour les nombreux motifs susmentionnés. Elle lui demande s'il considère que le harcèlement financier ou l'entrave volontaire à l'accès aux soins médicaux sont en accord avec le respect de l'ordre public et s'il en aurait-il été de même s'il s'agissait d'un projet cultuel musulman. Elle souhaiterait savoir comment une partie des travaux a pu reprendre sans une connaissance par tous les acteurs (parc naturel régional, collectifs, habitants) de l'étude d'impact environnemental et quel est le rôle tenu par l'État dans cette situation pour le moins singulière. Dans un souci de transparence, elle demande si le courrier de M. le préfet de l'Ardèche adressé le 7 janvier 2022 à la Famille Missionnaire de Notre-Dame peut être communiqué.

Réponse émise le 12 mars 2024

La « Famille des missionnaires de Notre-Dame » (FMND) est une communauté religieuse qui existe depuis les années 1970 dans le diocèse de Viviers avec l'accord des évêques successifs. Elle a sollicité le statut de congrégation légalement reconnue, reconnaissance qu'elle a obtenue par décret du 24 juin 2008. Ainsi, l'Evêque du diocèse de Viviers a approuvé cette démarche en certifiant son appartenance à l'Église catholique. Dès lors, elle est soumise aux contrôles spécifiques à l'Église catholique, notamment ceux de la congrégation romaine pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique. En 2019, elle a fait l'objet d'une visite canonique, qui a mis en lumière « des difficultés préoccupantes » concernant principalement « l'exercice de l'autorité et l'obéissance ». Cela a justifié la nomination, en 2022, d'un assistant apostolique afin de revoir notamment, en lien étroit avec l'Evêque, les constitutions de la communauté. À cette même époque, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), sans faire état de plaintes, a été questionnée et a reçu trois témoignages concernant la FMND. Depuis, une enquête judiciaire du procureur de la République de Privas est en cours. Concernant le projet de construction d'une basilique sur la commune de Saint-Pierre-de-Colombier (Ardèche), le maire a délivré, le 12 décembre 2018, un permis de construire pour un projet comprenant un lieu de culte d'une capacité d'accueil de 3 500 personnes, un bâtiment d'accueil, une aire de dépose des pèlerins et une passerelle qui enjambe la rivière Bourges. Le maître d'ouvrage est la Famille missionnaire Notre-Dame (FMND). Sur la base de ce permis de construire, les travaux ont débuté en 2019. Le 16 mars 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le recours formé par les opposants contre le permis de construire en mai 2021. De son côté, la préfète de l'Ardèche a, par un arrêté préfectoral du 15 octobre 2020, mis la FMND en demeure de « régulariser la situation administrative du projet de construction du site Notre-Dame-des-Neiges à Saint-Pierre-de-Colombier, en déposant, conformément à l'article L. 411-2 du Code de l'environnement, une demande de dérogation à la protection des espèces protégées, sauf à démontrer au travers d'une étude environnementale complémentaire l'absence de tout impact résiduel significatif sur les espèces protégées présentes sur le site ». Cet arrêté a suspendu les travaux le temps de la réalisation de cette étude complémentaire. Pour la réalisation de cette étude environnementale, la FMND a missionné un bureau d'études qui a produit l'étude environnementale en septembre 2021. Cette étude a fait l'objet d'échanges et de demandes complémentaires de la part de la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de la Transition Ecologique et de la préfecture pour examiner l'éventuel impact sur les espèces protégées. Après analyse des derniers documents transmis le 31 avril 2022, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) a conclu à l'absence d'incidence et un arrêté préfectoral du 29 novembre 2022 a donc autorisé la reprise des travaux. Il ressort de ces éléments que l'ensemble des dispositions du Code de l'urbanisme et du Code de l'environnement ont été respectées et que l'enquête environnementale, demandée à la FMND, a été prise en compte par les services de l'État. En outre, les recours en annulation du permis de construire ont été rejetés. Par une nouvelle ordonnance en référé rendue le 6 novembre dernier le tribunal judiciaire de Privas a toutefois ordonné la suspension des travaux et la conduite d'une évaluation du risque encouru par l'une espèce protégée, la FMND devant choisir en accord avec la préfecture un organisme extérieur pour conduire cette évaluation. La préfète de l'Ardèche continuera de suivre ce dossier avec toutes les parties prenantes, en exerçant les compétences dévolues au représentant de l'Etat dans le département.

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