Amendement N° SPE1810 (Adopté)

Croissance activité et égalité des chances économiques

Sous-amendements associés : SPE1962

Déposé le 14 janvier 2015 par : M. Ferrand.

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Le livre premier du code de commerce est complété par un titre V ainsi rédigé :

«  TITRE V

«  DU SECRET DES AFFAIRES

«  Chapitre 1er

«  De la définition et des mesures civiles de protection du secret des affaires
«  Art. L. 151‑1. – Est protégée au titre du secret des affaires, indépendamment de son incorporation à un support, toute information :
«  1° Qui ne présente pas un caractère public en ce qu'elle n'est pas, en elle-même ou dans l'assemblage de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible à une personne agissant dans un secteur ou un domaine d'activité traitant habituellement de ce genre d'information ;
«  2° Qui, notamment en ce qu'elle est dénuée de caractère public, s'analyse comme un élément à part entière du potentiel scientifique et technique, des positions stratégiques, des intérêts commerciaux et financiers ou de la capacité concurrentielle de son détenteur et revêt en conséquence une valeur économique ;
«  3° Qui fait l'objet de mesures de protection raisonnables, compte tenu de sa valeur économique et des circonstances, pour en conserver le caractère non public.
«  Art. L. 151‑2. – Nul ne peut obtenir une information protégée au titre du secret des affaires en violation des mesures de protection prises pour en conserver le caractère non public, ni utiliser ou communiquer l'information ainsi obtenue.
«  Nul ne peut non plus utiliser ni communiquer une information protégée au titre du secret des affaires, sans le consentement de son détenteur duquel il l'a obtenue, de façon licite, directement ou indirectement.
«  Toute atteinte, délibérée ou par imprudence, au secret des affaires telle que prévue aux deux alinéas précédents engage la responsabilité civile de son auteur à moins qu'elle n'ait été strictement nécessaire à la sauvegarde d'un intérêt supérieur, tel que l'exercice légitime de la liberté d'expression ou d'information, ou la révélation d'un acte illégal.
«  Art. L. 151‑3. – Le tribunal peut ordonner en référé toute mesure de nature à prévenir ou à faire cesser une atteinte au secret des affaires.
«  Le tribunal peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice difficilement réparable au demandeur.
«  Le tribunal ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable l'atteinte à un secret des affaires ou le risque d'une telle atteinte.
«  Le tribunal peut interdire la réalisation ou la poursuite des actes dont il est prétendu qu'ils portent atteinte ou risquent de porter atteinte à un secret des affaires, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers de tout produit ou support soupçonné de permettre l'atteinte au secret des affaires ou d'en résulter.
«  Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, le tribunal peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu auteur de l'atteinte, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, il peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes.
«  Il peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable.
«  Le tribunal peut subordonner l'exécution des mesures qu'il ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action pour atteinte au secret des affaires est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.
«  Lorsque les mesures prises pour prévenir ou faire cesser une atteinte à un secret des affaires sont ordonnées avant l'engagement d'une action au fond, le demandeur doit agir, par la voie civile ou pénale, y compris en déposant une plainte auprès du procureur de la République, dans les trente jours qui suivent la signification de l'ordonnance. À défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés.
«  Art. L. 151‑4. – Le tribunal qui constate une atteinte ou un risque d'atteinte à un secret des affaires peut, à la demande de la partie lésée et sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire, y compris sous astreinte, toute mesure proportionnée telle que saisie, injonction et autre, propre à empêcher ou faire cesser cette atteinte.
«  Il peut faire interdiction à toute personne de prendre connaissance ou de faire une quelconque utilisation ou communication de l'information concernée, et prohiber tout acte subséquent, tel que la commercialisation de marchandises ou de services élaborés au moyen du secret des affaires concerné.
«  Le tribunal peut ordonner la saisie de tout support tel que document ou fichier contenant l'information concernée, des fruits de l'atteinte au secret des affaires ainsi que de tout matériel instrument ou objet quelconque s'y rapportant, et permettant son utilisation. Il peut ordonner que les produits de l'atteinte au secret des affaires soient rappelés ou écartés définitivement des circuits commerciaux.
«  Il décide soit de leur attribution à la personne lésée à titre de réparation, soit de leur destruction même partielle. Ces mesures sont ordonnées au frais de l'auteur de l'atteinte.
«  Art. L. 151‑5. – À titre de réparation, le tribunal peut prononcer les mesures suivantes :
«  I. – Il peut accorder à la victime de l'atteinte des dommages et intérêts.
«  Ceux-ci compensent les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner et la perte, subies par la personne lésée du fait de l'atteinte, ainsi que le préjudice moral qui lui a été causé par celle-ci.
«  Lorsque l'auteur de l'atteinte avait connaissance du secret des affaires ou qu'il ne pouvait raisonnablement en ignorer l'existence, et qu'il a réalisé, du fait de cette atteinte, des économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels ou retiré des bénéfices, y compris des avantages concurrentiels, commerciaux ou financiers, qui excèdent le montant des dommages et intérêts évalués en application du premier alinéa, le tribunal détermine les dommages et intérêts en considération de ces économies ou bénéfices, dans la limite de leur montant total.
«  II. – Il peut attribuer à la victime de l'atteinte les produits saisis en application de l'article L. 151-4. La valeur des produits ainsi attribués vient en déduction des dommages et intérêts accordés en application du I.
«  III. – Il peut ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les supports de communication qu'il désigne, selon les modalités qu'il précise. Ces mesures sont ordonnées au frais de l'auteur de l'atteinte.
«  Art. L. 151‑6. – Les dispositions des articles précédents s'appliquent, quelle que soit la loi régissant les rapports entre les parties, dès lors que l'obtention, l'utilisation ou la révélation du secret des affaires a eu lieu ou risque de se produire en France.
«  Art. L. 151‑7. – Lorsque la production d'une pièce est de nature à porter atteinte au secret des affaires, le tribunal peut refuser sa production ou l'autoriser dans une version non confidentielle ou sous forme d'un résumé non confidentiel sauf si la production intégrale de cette pièce est nécessaire à l'exercice du droit à un procès équitable.
«  Il peut également, dans la même hypothèse et sous les mêmes réserves, prévoir que cette pièce ne sera pas communiquée aux parties mais seulement mise à leur disposition pour consultation sur place et sans reproduction.

«  Chapitre 2

«  Des mesures pénales de protection du secret des affaires
«  Art. L. 151‑8. – I. – Le fait pour quiconque de prendre connaissance ou de révéler sans autorisation, ou de détourner toute information protégée au titre du secret des affaires au sens de l'article L. 151‑1 du code de commerce, est puni de 3 ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende.
«  II. – La peine est portée à 7 ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou aux intérêts économiques essentiels de la France.
«  III. – La tentative de ce délit est punie des mêmes peines.
«  IV. – Les personnes physiques coupables de l'infraction prévue au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :
«  1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131‑26 du code pénal ;
«  2° L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131‑27 du code pénal, soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d'exercice peuvent être prononcées cumulativement ;
«  3° La confiscation, suivant les modalités prévues par l'article 131‑21 du code pénal, de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution.
«  V. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l'article 121‑2 du code pénal, de l'infraction définie au I encourent, outre l'amende suivant les modalités prévues par l'article 131‑38, les peines prévues à l'article 131‑39 du même code. L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131‑39 du code pénal porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.
«  Art. L. 151 9. – L'article L. 151‑8 n'est pas applicable :
«  1° Dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret ;
«  2° À celui qui informe ou signale aux autorités compétentes des faits susceptibles de constituer des infractions aux lois et règlements en vigueur dont il a eu connaissance ;
«  3° Sous réserve des dispositions de la loi n° 68‑678 du 26 juillet 1968, aux autorités juridictionnelles ou administratives compétentes dans l'exercice de leur mission de contrôle, de surveillance ou de sanction.

Exposé sommaire :

Comme l'a rappelé le rapport de la Délégation parlementaire au renseignement pour l'année 2014, l'espionnage économique emprunte aussi des voies légales. « En effet, dans nos sociétés contemporaines, le droit est une arme d'une redoutable efficacité, qu'il soit détourné afin par exemple de voler des savoir-faire (notamment à l'occasion de contentieux déclenchés à cette fin) ou qu'il soit au contraire pensé comme un puissant instrument de prédation » (p. 39).

Pour se prémunir contre ces ingérences légales, il est devenu impératif  de disposer d'une législation nationale protégeant le secret des affaires conformément aux préconisations de l'article 39 du traité ADPIC issu la convention de Marrakech de 1994 qui a institué l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Aux États-Unis, le Cohen Act de 1996 répond à ces exigences tandis que pour l'Union européenne, un projet de directive sur le secret des affaires sera prochainement examiné au Parlement après d'intenses mais fructueuses négociations intergouvernementales.

Reprenant la proposition de loi n°2139 déposée par MM. Bruno Le Roux et Jean-Jacques Urvoas, cet amendement a pour objectif de créer, au sein du livre premier du code de commerce, un Titre V intitulé « Du secret des affaires » et composé de neuf articles (L.151-1 à L.151-9).  Il permet de définir le « secret des affaires » et de préciser les éléments d'une protection civile et pénale.

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