Intervention de Sandrine Doucet

Séance en hémicycle du 19 décembre 2016 à 16h00
Adaptation du deuxième cycle de l'enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Doucet, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation :

C’est cet esprit de responsabilité que nous devons poursuivre aujourd’hui, conscients des enjeux et de la nécessité d’adopter le texte afin de répondre à l’attente pressante des universités et des étudiants pour la rentrée de 2017.

Je crois que nous pourrons tous convenir du caractère insatisfaisant de la situation actuelle, je viens d’en rappeler quelques éléments. Le système LMD, introduit en France en 2002, est demeuré inachevé pour cette étape décisive des parcours. Seuls certains masters déploient une formation complète et homogène sur quatre semestres. Conserver une procédure sélective à l’entrée de la deuxième année revient à entretenir un héritage qui n’a plus lieu d’être : celui de l’accès limité qui existait à l’entrée du DEA et du DESS.

Cette situation nuit à la qualité pédagogique car les formations en M2 s’en trouvent réduites, amputées. Les expériences à l’étranger ou les stages ne trouvent plus leur place dans un parcours découpé, où des enseignements doivent aussi être assurés. Dans l’organisation pédagogique telle que nous l’observons aujourd’hui, le M2 n’est parfois composé que de deux ou trois mois de cours, alors qu’un système en quatre semestres serait plus propice à l’organisation du temps de l’étudiant et à l’approfondissement des connaissances.

La césure actuelle est aussi un facteur d’incertitude et d’inégalité pour les étudiants. Les articulations entre les intitulés des M1 et M2 sont des facteurs de complexité qui défavorisent les étudiants issus de familles peu au fait des subtilités du système universitaire. Certains redoublent alors qu’ils ont validé leur M1, d’autres abandonnent ; ainsi, 35 % des étudiants n’obtiennent pas leur M1 en un an.

De plus, la coupure du master en deux affaiblit fortement la lisibilité, donc l’attractivité internationale de nos universités, alors même que ce cycle est celui qui fait l’objet de la concurrence mondiale la plus acharnée, en raison de son efficacité pour intégrer le marché du travail.

Enfin, cette coupure est juridiquement très fragile : elle nourrit des contentieux récurrents, source continuelle d’instabilité, aussi bien pour les requérants que pour les établissements mis en cause. La fracture est également sociale, une fois de plus, car ne peuvent agir en justice que les plus aisés, ceux qui possèdent des moyens financiers et la connaissance du système.

Par ailleurs, le Conseil d’État a déjà annulé des refus d’inscription en constatant que la loi actuelle n’autorise une sélection – d’ailleurs prévue en entrée de M1 et non de M2 – que sous certaines conditions.

L’achèvement du processus LMD est souhaité mais ce processus est longtemps resté bloqué en raison de postures idéologiques sur la sélection. Aujourd’hui, nous pouvons les dépasser. Bien entendu, il faut que les étudiants accèdent à des formations qu’ils sont aptes à suivre. Pour autant, je refuse la logique malthusienne, celle qui réserve les formations réputées les meilleures à des jeunes préalablement triés sur le volet.

La sélection n’a jamais produit l’excellence. Notre système d’enseignement supérieur souffre trop de cette extrême et précoce sélectivité dans de très nombreuses filières, préemptées par ceux qui disposent du capital culturel pour les identifier. La société tout entière gagne à une élévation du niveau global des études. Pour les étudiants, le diplôme demeure le meilleur bouclier contre le chômage. Et, pour tous les citoyens, il s’agit de vivre dans une société plus dynamique.

À partir de ces convictions, l’accord du 4 octobre, qu’il nous est proposé de transcrire dans la législation, représente un compromis audacieux et protecteur.

Tout d’abord, dans la logique du système LMD, la proposition de loi permet à l’offre de formation du master de se dérouler pleinement sur deux années. La barrière sélective entre M1 et M2 est supprimée, et l’éventuel recrutement des universités est prévu à l’entrée de la première année du cycle, afin que soit assurée, ensuite, la cohérence des quatre semestres.

La sélection s’effectuera sur la base de critères transparents et de procédures claires, bien loin de la pratique actuelle : ce sera sécurisant pour les étudiants mais aussi pour les universités, qui se préserveront ainsi de recours judiciaires. Un portail d’information, créé pour l’occasion, pourra faire connaître ces critères et les rejets seront motivés.

Précisons qu’un aménagement est introduit pour les formations du droit et de la psychologie, dont les concours ou les métiers réglementés reposent encore sur des sorties à bac + 4. Cependant, cette exception est transitoire, et une vaste concertation est d’ores et déjà engagée pour garantir rapidement leur retour vers le droit commun. Il appartient au Gouvernement, dans son décret et par la concertation, de déterminer un certain nombre de masters pour lesquels un temps d’adaptation pourrait être nécessaire. Les instituts d’études politiques, qui fonctionnent déjà sur cinq années obligatoires et une sélection en M2, pourraient disposer de temps supplémentaire afin d’adapter leur modèle particulier, mais j’insiste sur le fait que cela ne peut être que transitoire.

Pour éviter que cette nouvelle faculté ne nourrisse une inflation infondée du nombre de masters sélectifs, la fixation des capacités d’accueil par les établissements fera l’objet d’un dialogue avec l’État et sera déterminée par des critères objectifs, je le souligne.

L’accord reposant sur un équilibre, il existe une contrepartie à cette clarification des procédures d’entrée : la proposition de loi institue un très prometteur et innovant droit à la poursuite d’études en master. Je salue cette avancée considérable pour les étudiants. Tout étudiant titulaire d’un diplôme national de licence qui n’aura pas reçu de réponse positive à ses demandes d’admission se verra désormais garantir une inscription, dès lors qu’il saisira le recteur de région académique. Celui-ci lui formulera trois propositions cohérentes avec ses aspirations, en priorité dans l’établissement où il aura obtenu sa licence ou, à défaut, dans un établissement de la même région académique. Ces propositions tiendront évidemment compte du projet professionnel de l’étudiant et de la compatibilité entre la licence obtenue et le master envisagé. Il s’agit donc d’un triptyque, au bénéfice de l’efficacité, entre la licence, le master et le projet professionnel. Le système n’a rien de hasardeux : contrairement à ce que l’on a entendu dire, les étudiants n’attendront pas pendant cinq ans, dans leur faculté, que le temps passe.

Je veux ici souligner l’ampleur des garanties apportées à ce droit d’inscription. La mobilité géographique, souvent coûteuse pour l’étudiant, est limitée autant que possible. Notons cependant que plus de 40 % des étudiants changent déjà aujourd’hui d’établissement en M1, et 37 % en M2.

En retenant l’échelle de la région, l’accord comme la proposition de loi ont trouvé un juste équilibre. En outre, l’État s’est d’ores et déjà engagé à mobiliser tous les moyens disponibles, en particulier les bourses – dont le montant varie déjà en fonction de la distance entre le foyer familial et le lieu d’étude – ainsi que les aides ponctuelles à l’installation.

Enfin, l’accord du 4 octobre n’oublie ni l’information – qui est indispensable – ni le défi que représente l’orientation.

Les mieux informés sont souvent les jeunes issus des familles les mieux armées, disposant du capital culturel, social et économique le plus étoffé. Le Gouvernement s’engage à mettre en place, dans les plus brefs délais, un portail – dénommé « trouvermonmaster.gouv.fr » – qui présente avec clarté et précision l’ensemble des filières disponibles, leurs prérequis comme leur évaluation.

J’ai entendu, lors de mes auditions, les craintes de voir ce portail devenir un nouvel APB, la plateforme d’admission post-bac qui oriente les lycéens. Or l’administration m’a rassurée : l’esprit qui a présidé à sa création est très loin de tout cela. Par conséquent, les étudiants peuvent l’être également : ils y trouveront toute l’information nécessaire à leur orientation.

J’ai débuté mon propos en indiquant que le monde universitaire nous regardait. Vous aurez compris, mes chers collègues, les grandes qualités de cette proposition de loi qui repose sur un équilibre précieux. Maintenons-le donc car il traduit en actes l’ambition de co-construire avec les acteurs : notre enseignement supérieur en sortira renforcé.

1 commentaire :

Le 21/12/2016 à 10:00, Laïc1 a dit :

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"Précisons qu’un aménagement est introduit pour les formations du droit et de la psychologie, dont les concours ou les métiers réglementés reposent encore sur des sorties à bac + 4.

Ça existe encore la fac de psychologie ? Et on y apprend quoi aux étudiants, dans la mesure où la psychologie sociale, la psychologie politique du citoyen y est inexistante ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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