Intervention de Bertrand Pancher

Séance en hémicycle du 19 décembre 2016 à 16h00
Adaptation du deuxième cycle de l'enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

S’agit-il d’un droit à la poursuite d’études ou simplement d’un deuxième tour d’orientation ?

Cette proposition de loi soulève de nombreuses critiques, que nous partageons. Reconnaissons toutefois que ce texte présente au moins le mérite d’instaurer une sélection à l’entrée en master, dans l’esprit de la réforme européenne, et apporte aux universités une lisibilité et une sécurité juridique bienvenues. Nous souhaitons que ce texte en appelle d’autres car nous sommes favorables à des mesures d’orientation contrôlées, voire à des mesures d’encadrement à l’entrée en premier cycle.

Dans la perspective d’une entrée en vigueur dès la rentrée 2017, il est essentiel que le texte soit adopté dans des délais brefs. Conscients des contraintes imposées par le calendrier parlementaire, nous avons choisi de ne pas déposer d’amendement.

Pour autant, l’adoption de cette proposition de loi ne signifie pas que le débat est clos, bien au contraire, car le problème de l’enseignement supérieur ne se résume pas à la question de la sélection en master. Nous devons veiller à ce que nos filières restent des filières de réussite, qui garantissent une insertion professionnelle aux étudiants. Or, selon une étude réalisée par l’Association pour l’emploi des cadres – l’APEC – en 2015, près de 40 % des jeunes ayant un niveau bac + 5 sont sans emploi un an après leur diplôme. Quel échec !

La question de la sélection à l’université reste toujours ouverte et devra être traitée dès les premiers mois du nouveau quinquennat.

Les débouchés ne sont pas extensibles à l’infini et il faudra bien fixer des limites, si l’on souhaite que chaque diplômé trouve un emploi en lien avec la formation qu’il a suivie – sans compter le coût, pour le contribuable, de telles formations vouées à l’échec.

Cette année encore, pas moins de 32 400 étudiants supplémentaires sont entrés dans l’enseignement supérieur – après une augmentation de 30 000 étudiants l’année dernière. Depuis 2009, les universités ont accueilli 180 000 étudiants supplémentaires, soit l’équivalent de près de dix universités.

Nous l’avons dit en commission : nous déplorons l’enterrement du rapport de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche sur l’affectation en première année de licence dans les formations à capacités d’accueil limitées.

Ce rapport proposait plusieurs mesures qui mériteraient d’être débattues : limiter les redoublements en première année de licence, en les subordonnant à un avis favorable du jury tenant compte de l’assiduité de l’étudiant et de ses résultats, donner la priorité aux étudiants qui justifient d’un parcours spécifique au lycée les ayant préparés à une poursuite d’études dans la filière demandée, ou encore établir des prérequis à l’entrée de certaines formations, ce qui est peut-être la proposition la plus sensible. Pourquoi avons-nous peur de proposer des filières et des orientations qui garantiraient à nos étudiants de trouver un emploi ?

Aujourd’hui, les demandes d’inscription continuent d’augmenter année après année et on ne peut tolérer que certaines filières en tension pratiquent une sélection aussi arbitraire que le tirage au sort. À ce propos, nous avons entendu qu’un arrêté serait en cours de préparation pour légaliser le tirage au sort en licence, en dernier ressort. Qu’en est-il, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État ?

Si nous ne remettons pas en cause la massification de l’enseignement, nous constatons néanmoins qu’elle montre – aujourd’hui comme hier – ses limites et ses contradictions.

Par ailleurs, on ne pourra éluder la sélection par l’échec, quand moins d’un tiers – 27,5 %, pour être précis – des étudiants inscrits en première année à l’université en 2012-2013 ont obtenu leur licence en trois ans et que seuls 40 % des nouveaux inscrits à l’université en 2014-2015 ont validé leur première année de licence.

Aujourd’hui, il est paradoxal que les bacheliers s’orientent majoritairement vers des filières sélectives – BTS, classes préparatoires, écoles intégrées – et que l’université, censée préparer à des études longues, soit la seule à ne pas pouvoir sélectionner.

À terme, il faudrait qu’après un examen individuel de leur dossier, on puisse renseigner les étudiants sur leurs chances de réussite dans telle ou telle filière, en fonction de leur bac et de leurs notes.

Les universités devront également aider les étudiants à développer leurs capacités d’adaptation, à convoquer différentes disciplines et à mettre en application leurs connaissances dans le cadre de projets en groupe, tout en les formant aux démarches qu’ils devront effectuer pour trouver un emploi.

Enfin, la question des langues, et singulièrement celle de l’anglais, aujourd’hui incontournable dans bien des métiers, se pose avec acuité. Si nous défendons évidemment l’usage du français à l’université, nous partageons également la préoccupation de l’ouverture la plus large possible au monde extérieur.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, c’est en responsabilité que nous apportons notre soutien à cette proposition de loi mais nous restons dans l’attente d’une réforme d’ampleur pour faire de notre université une filière d’excellence.

1 commentaire :

Le 21/12/2016 à 11:17, Laïc1 a dit :

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"À terme, il faudrait qu’après un examen individuel de leur dossier, on puisse renseigner les étudiants sur leurs chances de réussite dans telle ou telle filière, en fonction de leur bac et de leurs notes."

M. oublie ceux qui reprennent leurs études, et qui ont pu améliorer pendant cette absence des cours pendant quelques années leurs connaissances dans telle ou telle matière, (car n'en déplaise aux profs, on n'apprend pas que par eux, les livres sont en libre disposition dans les bibliothèques ou ailleurs, et on peut s'entraîner tout seul) et donc il sera impossible à la commission de sélection de définir le niveau réel de l'individu s'il ne se base sur ses dernières notes scolaires, bien en deçà de son niveau effectif dans le présent.

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