Intervention de Olivier Falorni

Séance en hémicycle du 15 février 2017 à 15h00
Sécurité publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Falorni :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la menace terroriste croissante mais aussi les nombreuses violences auxquelles notre pays doit faire face imposent au législateur que nous sommes de prendre nos responsabilités, toutes nos responsabilités, et les mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité de nos concitoyens dans le respect de leurs droits et de leurs libertés.

Nous nous retrouvons donc aujourd’hui afin d’examiner le projet de loi relatif à la sécurité publique telle qu’issu de l’accord entre sénateurs et députés trouvé en commission mixte paritaire. Si nous ne pouvons qu’être satisfaits qu’un accord ait pu être trouvé sur un sujet aussi important et délicat pour la sûreté de notre pays et de ses habitants, de surcroît à une semaine de la suspension de nos travaux, nous ne pouvons nous empêcher d’envisager le texte dans son ensemble et d’exprimer quelques craintes sur le dispositif que nous nous apprêtons à voter.

J’ai déjà pu exprimer ma satisfaction quant au renforcement des mesures pénitentiaires, notamment des dispositions en matière de contrôle et de retenue de membres des équipes de sécurité pénitentiaire en vue de sécuriser les abords des prisons, du renforcement du délit de communication irrégulière avec un détenu, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 24 janvier 2017, ou encore de la clarification des conditions de mise en oeuvre du renseignement pénitentiaire.

Nous nous accordons sur le fait que ce texte de cohérence, sur le modèle des textes en vigueur dans de nombreux pays voisins, permettra la mise en place d’un cadre d’usage des armes commun aux policiers et gendarmes, ainsi qu’aux douaniers et militaires déployés sur le territoire national.

L’ensemble de ces forces de l’ordre ont été mises à contribution et confrontées à des situations plus que délicates. Il est donc important de leur rendre justice à ce stade et de leur garantir, dans le cadre de l’exercice de ces fonctions, une protection renforcée, sans ignorer que la force, dont l’usage est théoriquement le monopole de la puissance publique, doit toujours être utilisé à bon escient. Rappelons-nous de la célèbre pensée de Blaise Pascal : « Tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la vérité et ne servent qu’à la relever davantage. » Notre pays, nos concitoyens ont besoin de sécurité et de vérité, de vérité et de sécurité.

Monsieur le ministre, vous avez indiqué, avec raison, que vous ne cacheriez rien et que, dans le cas où des actes délictueux voire criminels auraient été commis par des policiers, ils seront sanctionnés. Cela n’empêche pas de réaffirmer, comme je le fais du haut de cette tribune, notre soutien aux forces de sécurité qui oeuvrent chaque jour pour nous protéger.

Je veux enfin évoquer la réintroduction du délit de consultation des sites djihadistes. À titre personnel, j’y suis totalement favorable. Néanmoins, je veux exprimer ici une inquiétude.

Ce dispositif, qui avait été introduit par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, avait été censuré par le Conseil constitutionnel au motif que la Déclaration des droits de l’homme de 1789 prévoit « la libre communication des pensées et des opinions », principe impliquant la liberté d’accéder à l’internet.

De plus, pour le Conseil constitutionnel, cette disposition empêcherait « le citoyen d’une démocratie de se former une opinion justifiée sur l’une des menaces les plus graves qui pèsent sur notre société, sur sa nature et sur ses formes » et ne pouvait donc être déclarée conforme à la Constitution.

Je souhaite vraiment que la nouvelle proposition d’article 421-2-5-2 du code pénal puisse satisfaire au contrôle du Conseil constitutionnel, même si la condition positive – la manifestation de l’adhésion à l’idéologie – et la condition négative – l’absence de motif légitime – m’apparaissent difficiles à réunir – je souhaite me tromper.

En regrettant au nom du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste que le débat fécond que nous avons eu la semaine dernière dans cet hémicycle se soit heurté à l’inflexibilité du Sénat, je voterai toutefois, à titre personnel, en faveur de ce qui est un bon texte. À travers ce vote, je veux une nouvelle fois, monsieur le ministre, exprimer tout mon soutien à nos forces de sécurité.

1 commentaire :

Le 17/02/2017 à 08:46, Laïc1 a dit :

Avatar par défaut

"De plus, pour le Conseil constitutionnel, cette disposition empêcherait « le citoyen d’une démocratie de se former une opinion justifiée sur l’une des menaces les plus graves qui pèsent sur notre société, sur sa nature et sur ses formes » et ne pouvait donc être déclarée conforme à la Constitution."

L'enjeu n'est pas de se former une opinion, car qu'est-ce qu'une opinion sinon un jugement dépourvu de toute appréciation objective, donc scientifique, autrement dit une croyance ? Et d'ailleurs dire, comme le conseil constitutionnel, qu'une opinion est justifiée est un non sens, car alors ce n'est plus une opinion, c'est une certitude assurée et non critiquable.

Peut-on répondre à la croyance par la croyance ? C'est évidement absurde. Et il ne peut pas être dans les visées d'un gouvernement responsable d'encourager les opinions. Cela reviendrait à encourager les croyances, donc le rejet de la connaissance scientifique, et donc à encourager le fanatisme et le populisme le plus bête et dangereux qui soit.

Si les sites djihadistes sont dangereux, et cela de manière scientifiquement prouvée, il faut interdire ces sites, et mettre à l'amende les serveurs qui refusent d'ôter ces sites de leur offre internet. S'ils ne le sont pas, tout le monde doit pouvoir y accéder sans aucune inquiétude. Au pouvoir de prendre ses responsabilités et d'agir vraiment.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Inscription
ou
Connexion