Intervention de Jean-Luc Laurent

Séance en hémicycle du 21 mai 2013 à 15h00
Autorisation de légiférer pour accélérer les projets de construction — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Laurent :

Ce n'est jamais le coeur léger, madame la ministre, que le Parlement se dessaisit de son pouvoir législatif pour le confier au Gouvernement dans le cadre d'une loi d'habilitation.

Tous ceux qui connaissent le secteur du logement savent la contradiction qu'il y a entre la lourdeur des mécanismes en jeu et l'urgence sociale de la crise, une crise ancienne et profonde qui a installé le mal-logement au coeur de la société française. À cette urgence sociale est venue s'ajouter l'urgence économique née de l'extinction de la croissance puis de l'entrée de la France en récession.

La machine du logement est une lourde machine. On peut même parler de machinerie, une machinerie qui a aussi la caractéristique d'être bavarde : l'industrie du colloque sur la crise du logement est, depuis le début des années 2000, florissante. De la crise du logement, on parle beaucoup, mais on agit peu. Le président de la République nous propose une méthode : on fait ce qu'on dit. Les ordonnances traduiront en actes le discours que le Président de la République a prononcé dans mon département, à Alfortville, le 21 mars dernier. Elles seront l'occasion de reprendre plusieurs idées qui sont sur la table depuis des années, et de les mettre enfin en oeuvre.

Enfin, pour être fidèle aux sentiments contrastés que m'inspire cette loi d'habilitation, je retiendrai deux questions : les recours et le logement intermédiaire.

Les pouvoirs publics se saisissent enfin de la question des recours. Le droit français est extrêmement protecteur du droit des propriétaires ; c'est vrai en matière foncière comme en matière contentieuse. Le droit au recours le traduit, et a ouvert le champ à bien des abus.

Entendons-nous bien, il ne s'agit pas de contester ce droit, mais simplement de responsabiliser les acteurs et de favoriser la culture de projet. Dans les colloques sur la crise du logement, il est convenu de taper sur les maires malthusiens et de considérer les maires bâtisseurs comme une légende urbaine. Un maire, quelle que soit son inclination, est d'abord un élu confronté à une coalition hétéroclite d'opposants à tout, de nihilistes et d'opportunistes. Comment les affaiblir sans désarmer les associations de riverains, qui défendent la qualité de ville et qui font en sorte que la ville comme le village soient des créations communes ?

Le projet de loi d'habilitation propose deux pistes : le temps et l'argent. Le facteur temps est fondamental. La justice française est lente, très lente, capable de mobiliser des moyens lourds pour juger des matchs de handball louches ou de financement de campagnes électorales perdues au siècle dernier. La justice du quotidien quant à elle est bien négligée…

Ce temps, ces délais, certains réussissent à les monnayer dans le cadre de procédures juridiquement impeccables mais très dommageables du point de vue l'intérêt général. Madame la ministre, c'est sur ce point fondamental que vous êtes attendue par les bâtisseurs, maires, professionnels, citoyens qui se désespèrent de ce qu'on appelle pudiquement le temps des projets.

S'agissant ensuite du logement intermédiaire, je serai rapide, car nous aurons l'occasion d'y revenir, particulièrement lors de l'examen de l'article 1er.

Bien sûr, le Président a parlé du logement intermédiaire. Bien sûr, le Président a fait des annonces. Bien sûr, tous les observateurs ont identifié le logement intermédiaire comme le chaînon manquant de la chaîne du logement.

Malheureusement, la création d'un nouveau produit dans ces conditions est loin d'être idéale, à plus forte raison à quelques semaines de l'adoption par le conseil des ministres du projet de loi sur logement, qui marquera la législature. Les interrogations sont nombreuses et la discussion commencée en commission n'a pas permis d'y répondre pour le moment ; je dis bien « pour le moment ». Je compte donc sur le débat en séance pour éclairer le législateur, pour éclairer notre Assemblée et le Sénat, au moment où ils s'apprêtent, madame la ministre, à vous confier les clefs du camion.

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