Intervention de Sylvain Berrios

Séance en hémicycle du 21 mai 2013 à 15h00
Autorisation de légiférer pour accélérer les projets de construction — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvain Berrios :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a souhaité soumettre au Parlement un projet de loi l'autorisant à légiférer par ordonnance afin de permettre de réduire les délais de réalisation des projets de construction de logements.

Un certain nombre des dispositions proposées me paraissent pertinentes.

Ainsi, les conditions dans lesquelles les droits de recours s'exercent aujourd'hui, ouvrant parfois la voie à des dérives qui peuvent confiner au chantage aux permis de construire, voire à l'extorsion de fonds, nécessitent une action déterminée, et les mesures tendant à accélérer les traitements des recours et à imposer des sanctions sévères en cas de recours manifestement abusif vont manifestement dans le bon sens.

De même, l'augmentation du taux maximal de garantie d'emprunt que les collectivités pourront consentir est une bonne mesure. Néanmoins, le relèvement de ce taux doit s'accompagner d'une augmentation du taux de réservation dans le cas de la construction de logements sociaux.

La création d'un statut spécifique visant à favoriser le développement de logements intermédiaires dans un cadre conventionnel pouvant être intégré au PLH des communes est une voie intéressante dans le parcours résidentiel que les Français ont à emprunter. À cet égard, il serait souhaitable d'y agréger l'accession sociale à la propriété.

Par ailleurs, favoriser le développement d'un urbanisme de projet me semble aller dans le bon sens dès lors que cette ambition respecte la vision et l'autorité des maires en matière d'urbanisme.

En ce qui concerne le stationnement, il n'est ni raisonnable, ni acceptable de transférer sur les communes, autrement dit sur le contribuable, la charge de réaliser les stationnements nécessaires aux habitants de logements nouvellement créés, dont les aménageurs et autres promoteurs auront été exonérés.

En revanche, ce projet de loi ne m'apparaît pas satisfaisant pour trois raisons.

Pour commencer, vous invoquez une urgence, qui, si elle est réelle, se révèle incongrue sans réflexion plus approfondie sur la politique du logement en général. Or cette discussion n'aura lieu au Parlement qu'au mois de juillet au plus tôt. À sept semaines près, n'aurait-il pas été plus cohérent et plus pertinent de légiférer sur les modalités opérationnelles d'une accélération des projets de construction à la lumière d'une vision stratégique pour le logement ?

Ensuite, vous prétendez procéder à une accélération des projets de construction de logements tout en excluant une partie des villes des bénéfices de votre projet de loi au motif qu'elles seraient dites carencées au titre de la loi SRU.

Je suis opposé à votre vision du tout logement social et à votre volonté d'imposer uniformément un taux de 25 % de logement social à toutes les communes, au détriment d'un parcours résidentiel conduisant à l'accession à la propriété.

Il en va de même de votre politique de « critérisation », qui est discriminante et contraire aux règles d'équité consubstantielles à toute loi de la République. Elle est en outre absurde, puisqu'elle conduit à favoriser la construction de logements sociaux ou intermédiaires dans les villes qui en possèdent déjà beaucoup, et à empêcher la réalisation de programmes locaux de l'habitat dans les villes considérées, selon la loi, comme déficitaires en logements sociaux.

Il est tout aussi inepte de vouloir financer toujours plus de logements sociaux dans des villes où le taux de logements sociaux dépasse parfois les 60 %, que d'empêcher leur financement dans les villes où ce taux est de moins de 25 %. Il est regrettable que vous ayez cru nécessaire de réaffirmer cette « critérisation » punitive et inique pour une partie des villes, et donc pour une partie des Français.

Enfin, votre projet de loi est guidé par l'idée de densifier toujours plus les départements et les villes dont la densité est déjà bien supérieure à la moyenne nationale. C'est notamment le cas des départements de la petite couronne parisienne. Il semblerait que vous n'ayez rien retenu des erreurs des années soixante, quand la décision de densifier à tout va, prise dans l'urgence, a conduit à un urbanisme torturé et inadapté dont les grandes métropoles et leurs habitants souffrent chaque jour.

En affichant votre volonté de densifier les zones que vous considérez déjà comme des zones urbaines à forte densification, vous renoncez à rechercher une harmonie entre le développement urbain et l'espace géographique dans lequel il s'inscrit. Vous acceptez aussi la concentration d'emplois dans certaines zones et la concentration de logements dans d'autres, sans souci de rééquilibrage. Vous renoncez à une politique de transport audacieuse, qui serait source de développement économique et d'aménagement du territoire.

Mener une politique d'urbanisme, ce n'est pas empiler des logements au détriment de la qualité de vie, sans souci de l'histoire, de la géographie, de l'environnement économique et social des territoires. Je suis opposé à votre volonté de densifier aveuglément par voie d'ordonnances. C'est pourquoi je voterai contre ce projet de loi.

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