Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 28 mai 2013 à 15h00
Réforme du conseil supérieur de la magistrature — Présentation

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Le projet de loi prévoit que la formation plénière réunit l'ensemble des membres du Conseil supérieur de la magistrature, à savoir les membres des deux formations. Cette disposition a été discutée par la commission. Le Gouvernement avait l'intention de donner plus de légitimité, plus de poids aux avis émis par cette formation plénière mais nous entendons parfaitement les arguments selon lesquels il ne serait pas tout à fait cohérent d'installer une formation plénière qui dissoudrait, qui ferait même exploser la parité que nous voulons introduire. Nous entendons d'autant plus cet argument que c'est justement cette formation plénière qui va émettre les avis sur demande du Président de la République, qui va répondre aux questions introduites par le garde des sceaux et qui pourra s'autosaisir.

La question sur laquelle le Conseil supérieur de la magistrature lui-même n'a pas d'avis définitif est de savoir si les quatre magistrats qui vont siéger en plénière seront les mêmes pendant tout le mandat du Conseil, ou si une rotation ne pourrait pas être envisagée. Ce point ne paraît pas si évident à trancher. En tout état de cause, une telle disposition relèverait de la loi organique. Nous avons par conséquent encore un peu de temps pour y réfléchir. Soit nous maintenons le dispositif actuel – les quatre mêmes magistrats siègent en plénière pendant toute la durée du mandat –, soit nous instaurons une rotation. D'autres hypothèses ont été émises visant à introduire un système de pondération des voix pour neutraliser la majorité de magistrats s'il y siégeaient tous mais, compte tenu de l'amendement adopté par la commission, cette proposition n'est plus d'actualité.

Le texte prévoit en outre d'accorder un pouvoir d'autosaisine au Conseil supérieur de la magistrature. Jusqu'à la réforme de 2008, ce dernier pouvait s'autosaisir, c'était une pratique. De la réforme de 2008 et de l'interprétation par le Conseil supérieur de la magistrature de la loi organique, il est ressorti que ledit Conseil n'avait pas reçu du législateur le pouvoir d'autosaisine. Nous introduisons ce pouvoir en matière d'indépendance de la justice et de déontologie des magistrats. Le Gouvernement ne souhaite pas permettre une autosaisine sur le fonctionnement de l'institution judiciaire et des juridictions. Cette responsabilité relève en effet de l'exécutif, ce dernier devant répondre de l'organisation du service public de la justice devant la nation, certes, mais aussi devant le Parlement. C'est d'ailleurs pour répondre à cette obligation que le garde des sceaux peut interroger le Conseil supérieur de la magistrature sur un certain nombre de matières de façon à être en mesure de répondre au Parlement. La question du fonctionnement des juridictions ne fait donc pas partie du pouvoir d'autosaisine prévu par le texte.

Si le Président de la République comme le garde des sceaux peuvent déjà saisir le Conseil supérieur de la magistrature, lui-même devant pouvoir s'autosaisir, la question se pose pour les magistrats. Ils ne disposent pas encore de cette possibilité et nos discussions ne nous ont pas permis de trancher. Reste que si le principe consistant à permettre aux magistrats de saisir le Conseil supérieur de la magistrature est acquis – personne ne conçoit qu'ils demeurent les seuls à ne pas pouvoir saisir le Conseil –, subsiste la question de la configuration de cette saisine et de son destinataire. Le Conseil supérieur de la magistrature estime qu'il n'est pas souhaitable qu'il puisse être saisi en tant que tel parce qu'il pourrait se trouver en situation de se prononcer sur une question déontologique et, dans le même dossier, être amené à un autre moment à se prononcer dans le cadre disciplinaire. C'est d'ailleurs ce qu'il a évoqué lors de la dernière saisine que j'ai effectuée concernant le « mur de personnalités » découvert à l'intérieur d'un local syndical. Le Conseil a estimé ne pas pouvoir se prononcer sur la déontologie car il se mettrait dans l'incapacité, par la suite, de donner un autre avis s'il avait à se prononcer sur le même sujet.

C'est la loi organique qui, comme pour les justiciables, définira les conditions dans lesquelles le Conseil supérieur de la magistrature pourra être saisi par les magistrats. Reste qu'il n'existe pas d'argument solide pour s'opposer au principe de cette saisine par les magistrats.

Après la composition et le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature, le deuxième grand changement proposé par le texte porte sur l'indépendance du Conseil et l'organisation de cette indépendance.

Je vous rappellerai succinctement les grandes étapes qui ont mené à la situation actuelle. En 1958, le Président de la République nommait les personnalités extérieures directement et les magistrats sur proposition de la Cour de cassation. En 1993, les magistrats sont élus. Jusqu'en 2008, ils sont toujours élus par leurs pairs mais, alors que quatre personnalités extérieures étaient nommées par le pouvoir politique, à partir de 2008, ce nombre est porté à six.

Le texte met un terme à ces nominations par le Président de la République, le président du Sénat et celui de l'Assemblée nationale.

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