Intervention de Olivier Marleix

Séance en hémicycle du 17 juin 2013 à 16h00
Transparence de la vie publique — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix :

Comme beaucoup des quelque 234 députés de tous les groupes élus pour la première fois dans notre assemblée, mais aussi comme beaucoup d'autres, j'en suis certain, je suis profondément indigné que l'exécutif jette ainsi les membres du Parlement en pâture à l'opinion.

L'inéligibilité à vie que le Gouvernement propose de réintroduire par amendement, de manière un peu détournée, est aussi une formidable illustration d'un cynisme à double détente.

D'abord parce que les peines définitives n'existent plus pour personne en France, depuis l'abolition de la peine de mort mais aussi depuis le nouveau code pénal de 1994 qui limite la privation des droits civiques à dix ans au maximum. Pour les élus, on ira plus loin. On réintroduit une inéligibilité définitive, exclusivement pour eux. Un ancien poseur de bombes, un tueur d'enfant pourra se présenter à une élection si l'envie lui en vient, mais pas un élu condamné ! Quelle drôle de conception de la justice que celle qui traite plus durement – même si ce point est théorique, c'est tout de même ce que vous proposez d'inscrire dans le droit – un élu qu'un tueur.

Cynisme aussi, parce que, vous le savez pertinemment, cette disposition ne peut sans doute qu'être censurée par le Conseil constitutionnel ! Elle est contraire au principe de réhabilitation, de valeur législative, aujourd'hui, dans notre code pénal, mais probablement aussi d'une valeur plus importante que cela, car il est régulièrement reconnu par les lois de la République. Sur ce point, je suis très suspicieux sur la démarche du Gouvernement, son honnêteté. Je pense que vous ne croyez pas un seul instant que cette disposition pourra entrer dans notre droit positif. Ce qui vous intéresse, c'est simplement de créer un débat, et qu'à droite il y ait d'horribles députés qui osent s'opposer à une mesure qui plaît forcément à l'opinion publique. Si ce n'est pas du cynisme, expliquez-moi ce que c'est !

Je passe sur le droit au respect de la vie privée des élus et aux atteintes disproportionnées que vous lui portez. On entre là aussi dans un monde jusqu'à présent inconnu pour notre République. Quand j'entends notre collègue Alain Tourret évoquer la femme de César, j'ai vraiment envie de lui demander de la laisser tranquille !

Comment ne pas être choqué également, même si nous verrons ce que sont les amendements des différents groupes, par cette volonté de limiter l'exercice d'une profession par un parlementaire ? Au bout du compte, comme l'a très bien dit Guy Geoffroy, nous aurons une classe politique uniforme, une classe politique hors sol. Un certain nombre d'entre vous lui reprochent pourtant déjà un manque de diversité. Ce serait évidemment pire si on allait au bout de ce raisonnement : un certain nombre de membres de professions libérales, de médecins, de chefs d'entreprise feraient immanquablement le choix de ne plus être candidats à des mandats publics tant ce que vous proposez n'est pas réaliste. Au bout du compte, ce que vous souhaitez, c'est une classe politique qui soit toute entre les mains des partis politiques. Quelle drôle de conception de la démocratie !

Au bout du compte, c'est un jeu dangereux pour notre démocratie que vous jouez. Je comprends, quand moins d'un Français sur quatre vous fait aujourd'hui confiance, que vous soyez tentés de tirer tout le monde vers le bas. Le « tous incapables et tous pourris » vous protégerait en quelque sorte dans une forme de relativisme, mais c'est un jeu dangereux pour notre démocratie. Non, monsieur le ministre, le problème de ce pays, ce n'est pas ses élus ! Les élus doivent être exemplaires oui, bouc émissaires, non !

Est-ce que par les temps difficiles que connaît notre pays, les dirigeants ne devraient pas davantage se préoccuper de ce qu'est leur responsabilité politique ? C'est cela qu'attendent nos concitoyens.

En présentant ce texte au Parlement, le Gouvernement fait perdre une fois de plus un temps précieux à notre pays. Nous n'avons pas été élus pour cela, ni vous, ni nous. C'est ce que nous disent malheureusement depuis de trop long mois nos concitoyens, à chaque fois que nous les rencontrons sur le terrain.

Ils attendent avec impatience de cette assemblée qu'elle débatte et vote des mesures pour répondre à la crise économique. Ils se préoccupent de la récession dans laquelle notre pays s'enfonce, du chômage, et des difficultés que des millions d'entre eux ont à terminer les fins de mois, à s'en sortir, alors même qu'ils travaillent.

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