Intervention de Bruno Le Roux

Séance en hémicycle du 2 octobre 2012 à 15h00
Déclaration du gouvernement en application de l'article 50-1 de la constitution sur les nouvelles perspectives européennes et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Le Roux :

Les interprétations d'un texte peuvent être multiples. La politique que vous avez menée pendant cinq ans et celle que vous vous apprêtiez à appliquer sous les auspices de ce traité sont totalement contraires à ce que nous voulons mettre en oeuvre.

La précédente majorité pensait régler les problèmes de l'Europe à coups d'austérité, une austérité toujours plus forte et toujours plus dure envers les peuples. Après avoir dépensé des milliards à crédit en début de législature au seul bénéfice des plus privilégiés, elle imaginait se donner quitus en votant une règle constitutionnelle. Elle qui s'était totalement affranchie des obligations du traité de Maastricht, pensait qu'une loi, certes constitutionnelle, suffirait à faire oublier les errements de sa gestion des finances publiques.

Notre politique est toute autre : une gestion des finances publiques saine, équilibrée et respectueuse des engagements pris par la France. À l'inverse de la RGPP, qui prétendait couper dans les dépenses de l'État sans efficacité aucune et sans prendre en compte la réalité des besoins, le budget que vous avez présenté, monsieur le Premier ministre, prévoit des efforts justement répartis et finance nos priorités, l'emploi, le logement, l'éducation et la sécurité.

Le traité et les textes que nous allons voter ne nous empêchent en rien de mettre en oeuvre les priorités qui ont été décidées par le peuple lors de l'élection présidentielle. Nous sommes capables, et nous le montrerons, de réorienter l'Europe tout en assumant les responsabilités qui sont les nôtres et en tenant les engagements pris par le Président de la République.

Cette différence se traduit aussi à l'échelle européenne. Notre priorité, c'est que l'Europe soit utile pour relancer la croissance. Nous voulons que l'Union ait les moyens de financer ses politiques communes et de mobiliser des fonds en faveur des investissements d'avenir. Nous aurons le débat sur les ressources propres, parce qu'il est essentiel que nous sachions faire de l'Europe un outil en faveur de la croissance, de l'emploi, un outil dynamique pour la sortie de crise.

Oui, ce texte, comme le paquet croissance, constitue un marchepied pour réorienter la construction européenne. Voilà pourquoi nous allons le voter. Personne aujourd'hui n'a intérêt à entraîner l'Europe dans une crise.

Je veux le dire dans cet hémicycle, où il n'y a que des expressions sincères : ne pas voter le traité, c'est souhaiter qu'il ne soit pas adopté. Or, ne nous y trompons pas, les conséquences d'un rejet seraient particulièrement graves, puisqu'il ne déboucherait sur aucune solution politique !

Dans le contexte actuel, voter contre ce traité n'ouvrirait pas une crise salutaire mais, au contraire, freinerait la dynamique impulsée par le Président de la République. La crédibilité de la parole de la France au Conseil européen serait amoindrie, tout comme son influence auprès des autres États membres.

Mais surtout, le rejet de ce texte aggraverait encore la crise financière que l'Europe traverse. Ce sont bien les pays les plus fragiles de la zone euro qui seraient les premiers à en subir les conséquences. Les risques de contamination vers les autres pays seraient alors réels et la France pourrait être touchée à son tour.

Ne minimisons pas l'interdépendance économique des pays de la zone euro : nos taux de croissance sont liés. Ne négligeons pas la responsabilité budgétaire commune des Dix-Sept. N'oublions pas les conséquences pour chacun des déséquilibres qui existent entre nos pays. Ce sont les fondements de la monnaie unique. C'est à cette aune que nous devons placer notre vote et la confiance en la politique que vous menez, monsieur le Premier ministre.

Le vote de ce traité ne réglera pas tous les problèmes de l'Europe, tant s'en faut. Mais ne pas le voter, ce serait entraîner notre continent dans une crise que, je le répète, nul n'a intérêt à subir.

J'en viens à ce qui est l'essentiel de mon propos. Au-delà de ce traité, à partir de ce vote, à partir de ce texte, à partir de ce paquet européen, au regard de la crise, il nous faut travailler, travailler sans relâche pour que l'Europe cesse d'être une simple zone économique et s'affirme enfin comme puissance publique.

Trop souvent, l'Europe est faible, elle tergiverse et diffère les décisions indispensables. Elle est faible quand il s'agit de peser sur l'organisation du monde. Elle est faible aussi lorsqu'elle doit défendre ses intérêts commerciaux.

Pourtant, notre continent est le plus riche du monde. Il constitue la première zone économique mondiale. Sa population est bien formée. L'Europe est en avance technologiquement, en pointe dans l'ensemble des domaines. La somme des atouts des pays de l'Union est considérable.

Il manque le plus souvent, a fortiori ces dernières années, d'une volonté commune, d'une action d'envergure, d'une vision. C'est bien vers cela que nous voulons aller, et que nous nommons la réorientation de l'Union. C'est tout l'enjeu qui s'est ouvert avec l'élection de François Hollande à la présidence de la République.

Une Union européenne qui soit un outil de coopération et de solidarité, une Union européenne qui soit l'instrument de la transition écologique, une Union européenne qui garantisse l'équité des échanges commerciaux et qui instaure des accords de réciprocité, une Union européenne qui se renforce, non pas pour sanctionner mais pour accompagner et faire converger, tels sont nos objectifs.

Si je les énumère, si je donne cette vision, c'est pour bien marquer que si nous nous retrouvons demain sur un vote en faveur de ce traité, nous lui donnerons une signification fondamentalement différente de celle que vous avez voulu lui conférer ces derniers mois et de celle qui aurait guidé votre politique si vous aviez été encore en situation de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Voilà pourquoi nous attachons tant d'importance à ce que vous appelez, monsieur le ministre des affaires européennes, « l'intégration solidaire ». Depuis la création de l'euro, les socialistes appellent l'Europe à marcher sur ses deux jambes, l'union monétaire et l'union économique, qui doivent être aussi fortes l'une que l'autre. La crise que nous traversons démontre malheureusement la justesse de ce que nous prônons depuis longtemps. Il faut un surcroît d'intégration. Mais plus d'intégration impose plus de solidarité et plus de responsabilité. Tout renforcement européen doit s'accompagner de mécanismes démocratiques qui, seuls, assureront sa légitimité auprès des peuples de l'Union.

Pour le groupe SRC, chaque pas supplémentaire dans l'intégration économique de l'Europe doit s'accompagner d'une progression équivalente de la solidarité et du contrôle démocratique en Europe. C'est le cas aujourd'hui : le traité budgétaire prévoit un contrôle parlementaire ; il s'accompagne d'une meilleure régulation du système financier et, surtout, de politiques en faveur de la croissance.

Dans ce cadre, j'appelle de mes voeux – ainsi que nous l'avons exprimé dans une résolution de la commission des affaires européennes sur le contrôle démocratique en Europe – la conférence interparlementaire prévue par le traité.

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