Intervention de Michel Sapin

Séance en hémicycle du 11 septembre 2012 à 15h00
Création des emplois d'avenir — Présentation

Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

Ainsi, cet argent qui avait un effet négatif sur la création d'emplois sera mobilisé pour créer 150 000 nouveaux emplois.

Les emplois d'avenir ne seront évidemment pas la seule réponse du Gouvernement au chômage des jeunes. Ils s'insèrent dans un dispositif global proposé par le Gouvernement, avec les partenaires sociaux, pour répondre à l'urgence sur le front de l'emploi. Vous en connaissez – nous en avons encore parlé cet après-midi – les principaux contours ; je vous les rappelle brièvement.

Les emplois d'avenir que je vous présente aujourd'hui concerneront en priorité des jeunes sans qualification et les employeurs du secteur non marchand. Les contrats de génération ont quant à eux l'ambition de concerner tous les jeunes susceptibles d'être embauchés en CDI et tous les employeurs du privé. Une négociation, vous le savez, va s'ouvrir sur le contrat de génération. Le document d'orientation que nous avons remis aux partenaires sociaux trace les grandes lignes du dispositif. L'objectif principal est de favoriser l'intégration des jeunes dans l'entreprise en contrat à durée indéterminée sans pour autant pousser vers la porte les plus anciens, comme cela se passait auparavant,. À la différence des emplois d'avenir que nous avons souhaités très ciblés sur une population qui a peu de qualifications et qui est, aujourd'hui, au chômage, le contrat de génération concernera potentiellement tous les jeunes à la recherche d'un emploi. Il devrait favoriser leur intégration dans l'entreprise, notamment par les liens qu'il tisse entre les jeunes embauchés et les salariés seniors. Il donnera lieu, à l'issue de la négociation nationale interprofessionnelle, à un projet de loi que j'aurai le plaisir de venir vous présenter dès le début de l'année 2013.

Enfin, troisième volet de cette bataille de l'emploi, les partenaires sociaux se sont mis d'accord, lors de la grande conférence sociale de juillet, pour engager une négociation majeure sur le thème de la sécurisation de l'emploi. Le Gouvernement en a fixé les objets. Elle abordera quatre grandes questions. La première d'entre elles est celle de la lutte contre la précarité sur le marché du travail, un problème qui frappe particulièrement les femmes et les jeunes. Nous attendons des propositions ambitieuses des partenaires sociaux en la matière. Ils devront, notamment, trouver des leviers pour que le contrat à durée indéterminée demeure ou, plutôt, redevienne la forme normale d'embauche. Là encore, une loi devra évidemment prolonger cet accord.

Aujourd'hui, nous débattons donc de la première mesure sur le front de l'emploi.

C'est donc à ces jeunes sans qualification – les 500 000 dont je vous parlais tout à l'heure – que les emplois d'avenir doivent bénéficier en priorité. Nous ne souhaitons pas renoncer à leur donner accès à une qualification, au contraire. Il faut que tous ceux qui ont la possibilité d'entrer en alternance ou en formation qualifiante puissent le faire. Or, pour certains, ce n'est pas immédiatement possible, soit parce que leur expérience scolaire les a rendus rétifs à une reprise de formation à court terme, soit parce que des raisons qui peuvent être sociales, familiales ou matérielles les conduisent à devoir travailler rapidement. Dans un cas comme dans l'autre, le marché du travail ne leur ouvre que difficilement ses portes. De fait, nombre de ces jeunes cumulent les handicaps vis-à-vis des employeurs : ils n'ont pas de diplôme, pas d'expérience, et souvent pas le bon patronyme ou la bonne adresse… C'est pour cela qu'ils ont besoin d'un coup de pouce, l'État ne peut pas laisser s'installer le désespoir chez des jeunes à peine entrés dans la vie active, d'autant que ce désespoir s'avère souvent contagieux pour la famille et pour la société tout entière. Pour les jeunes femmes, les difficultés d'accès à l'emploi engendrent souvent un retrait forcé du marché du travail qui limite leurs perspectives d'accès à l'autonomie. Un pays qui ne donnerait pas une chance à ses jeunes ne serait pas sur la bonne voie.

Parfois, nous le savons tous ici, le diplôme n'est pas une garantie absolue. Avec un CAP ou un BEP, soit du fait de leur inexpérience, soit parce que leur diplôme s'avère inadapté à la situation du marché du travail sur leur territoire, certains jeunes restent longtemps au chômage. Le projet de loi qui vous est présenté prévoit donc que les jeunes peu qualifiés seront éligibles aux emplois d'avenir lorsqu'ils rencontreront des difficultés particulières d'accès à l'emploi, tout comme le seront de manière ciblée dans des zones d'emploi particulièrement difficiles, comme vous l'avez souhaité en commission, des jeunes ayant dépassé le baccalauréat.

Nous voulons que les emplois d'avenir bénéficient aux jeunes, en priorité là où ils rencontrent le plus de difficultés : tout d'abord dans les zones urbaines sensibles, où les jeunes souffrent souvent de nombreuses difficultés qui peuvent être renforcées par des discriminations liées au lieu de résidence, mais aussi dans les zones de revitalisation rurale dans lesquelles l'offre d'emplois est souvent restreinte et qui sont marquées par des départs massifs des jeunes. L'outre-mer sera également privilégié, tous les départements d'outre-mer présentant un niveau de chômage des jeunes nettement supérieur à la moyenne nationale. Les emplois d'avenir seront accessibles sur l'ensemble du territoire, mais nous ferons en sorte que les moyens soient mobilisés fortement là où les besoins sont les plus importants.

Vous avez souhaité en commission introduire une dérogation à la limite d'âge pour les jeunes reconnus en qualité de travailleurs handicapés : cela me semble légitime et nécessaire : il peut arriver que le parcours scolaire de ces jeunes se trouve retardé par les difficultés auxquelles ils peuvent être confrontés.

Les employeurs de ces emplois d'avenir se situeront d'abord et avant tout dans le secteur non marchand. Ces employeurs sont les mieux à même de créer, à court terme, des postes accessibles aux jeunes à qui nous nous adressons en évitant les effets d'aubaine. Beaucoup sont positionnés sur des activités qui auront des besoins de recrutement importants dans les années à venir, ce qui favorisera la poursuite de la carrière des jeunes passés par l'emploi d'avenir. Par ailleurs, pour des jeunes souvent éloignés de la réalité du travail, il est essentiel que l'emploi d'avenir offre une utilité sociale valorisante, un sens et une finalité motivante. Cela ne signifie pas que des entreprises du secteur marchand ne puissent pas créer de tels emplois : nous ne souhaitons pas les exclure de la dynamique des emplois d'avenir, car, dans des secteurs spécifiques, certaines pourront proposer des parcours intéressants pour les jeunes sur des métiers proches de ceux offerts dans le secteur non-marchand. Reste que les emplois d'avenir sur des projets spécifiques au sein du secteur marchand seront l'exception : d'autres dispositifs – les contrats de génération, en particulier – seront beaucoup mieux adaptés aux besoins de ces entreprises.

L'accompagnement professionnel et social des futurs bénéficiaires de ces emplois d'avenir sera à l'évidence une des clés du succès. La commission des affaires sociales a souhaité inscrire le principe de ce suivi dans la loi et notamment la réalisation d'un bilan relatif au projet professionnel deux mois avant l'échéance du contrat de travail. Les textes réglementaires, les circulaires et les consignes que nous donnerons aux organismes dits prescripteurs viendront naturellement préciser ces différents aspects.

Les missions locales seront en première ligne pour la prescription et le suivi des jeunes en emploi d'avenir. Elles sont déjà compétentes pour assurer un suivi global des jeunes ; les emplois d'avenir viendront enrichir la palette des solutions qu'elles peuvent leur proposer. Pôle Emploi, où une partie de ces jeunes sont aujourd'hui inscrits, ainsi que les organismes Cap Emploi chargés de l'accompagnement des personnes handicapées, seront eux aussi très fortement mobilisés.

L'acquisition des gestes et des réflexes professionnels prend du temps. C'est pourquoi il est prévu que l'aide emploi d'avenir puisse être accordée sur une période longue – trois ans –, le temps d'une vraie première expérience. Au bout de trois ans, la structure qui aura recruté un emploi d'avenir saura le plus souvent si elle a la capacité de pérenniser l'emploi du jeune. Si celui-ci doit rebondir ailleurs pour la suite de son parcours, il est souhaitable qu'il puisse le faire dès qu'il est prêt pour cela. L'emploi d'avenir aura ainsi joué son rôle de marchepied.

Il est probable que certains employeurs, et certains jeunes aussi, ne souhaiteront pas ou ne pourront pas s'engager d'emblée pour trois ans ; c'est pourquoi nous prévoyons la possibilité que l'emploi d'avenir commence sur une durée d'un an et puisse être renouvelé ensuite. Il faut avoir en tête que les jeunes sont très mobiles en début de vie professionnelle ; il est normal qu'ils puissent tester différents domaines professionnels.

Il faut aussi que l'employeur s'engage de manière réaliste ; c'est pourquoi nous avons accueilli favorablement l'amendement qui prévoit que l'octroi de l'aide sera subordonné à la capacité de l'employeur de maintenir l'emploi pendant la durée prévue. Cela ne signifie pas que nous soumettrons chaque association volontaire pour accueillir un emploi d'avenir à un contrôle comptable tatillon, mais il est normal de pouvoir s'assurer d'un minimum de solidité de la structure accueillant le jeune.

La demande d'aide relative à l'emploi d'avenir devra donc décrire précisément quel sera le contenu de la période passée en emploi d'avenir. Plusieurs objectifs sont liés à ces conditions. D'abord le fait que le jeune exerce un vrai emploi, ce qui implique qu'il ait un rôle défini dans l'organisation. Ensuite le fait qu'il bénéficie d'un encadrement : nous ne souhaitons pas qu'il soit livré à lui-même, ce qui limiterait ses possibilités d'apprentissage.

Par ailleurs, la demande d'aide devra préciser les formations qui seront mobilisées et les compétences qui seront acquises par les jeunes. Thierry Repentin, dont c'est la charge principale, y reviendra plus longuement après moi. Cette dimension de formation est décisive. Elle est essentielle et devra donc être exemplaire pour la réussite des emplois d'avenir.

Bien sûr, le non-respect par les employeurs de leurs engagements entraînera une sanction : l'employeur devra reverser la totalité des aides perçues. Cette disposition n'est d'ailleurs pas nouvelle et figure déjà dans les textes réglementaires applicables aux contrats aidés.

Nous avons souhaité favoriser la création d'emplois d'avenir en contrats à durée indéterminée. Toutefois, l'emploi d'avenir servira souvent de transition vers la vie active et n'a donc pas vocation à être systématiquement pérenne : l'employeur pourra le mobiliser sur un projet précis, justifiant le recours au CDD. Pour le jeune, ce premier emploi servira alors de test pour préparer la suite de son parcours.

Le texte initial prévoyait une durée totale d'un à trois ans ; vous avez souhaité, au sein de la commission, affirmer que trois ans était la durée de droit commun, avec un mécanisme inspiré des emplois jeunes prévoyant une clause de rendez-vous chaque année. Cela permettra sans doute de donner davantage de visibilité aux jeunes et aux employeurs.

Cette visibilité est également nécessaire pour faciliter la mise en oeuvre d'actions de formation. Autre amélioration de votre commission, l'emploi d'avenir pourra être prolongé au-delà de la durée des trois ans, lorsque cela permettra d'achever une action de formation en cours.

Par principe, l'emploi d'avenir sera conclu à temps plein, ce qui permettra aux jeunes d'acquérir une expérience professionnelle la plus proche des conditions de droit commun du marché du travail. Des dérogations seront toutefois possibles, uniquement lorsque la situation du jeune ou de l'employeur le justifie. Notre idée est que l'emploi d'avenir ne soit pas un carcan rigide mais puisse s'adapter aux besoins concrets de la situation de travail du jeune concerné.

Le deuxième article de ce texte décline l'idée des emplois d'avenir dans le cadre spécifique de l'éducation nationale. L'allongement de la durée d'études nécessaire pour se présenter aux concours d'enseignant a en effet considérablement restreint le vivier des candidats à ces concours. Elle l'a restreint numériquement, par la diminution du nombre des postes offerts aux concours dans l'éducation nationale, mais aussi socialement : pour de nombreux étudiants d'origine modeste, il est, hélas ! extrêmement difficile, voire impossible, d'aller jusqu'au niveau du master.

Ces emplois d'avenir professeur seront donc réservés aux boursiers. Ils leur permettront d'avoir accès à un emploi dans un établissement scolaire au cours de leurs études, ce qui leur offrira à la fois un complément de ressources et une préparation à leur future fonction d'enseignant.

Une priorité sera donnée, là encore, aux étudiants issus des zones urbaines sensibles ou y ayant effectué une partie de leurs études. Il est en effet primordial que le métier d'enseignant puisse représenter une perspective de promotion sociale pour les jeunes issus de ces quartiers.

Comme pour les emplois d'avenir de l'article 1er, l'aide sera accordée pour une durée maximale de trente-six mois. Le bénéficiaire s'engagera à se présenter à un concours de recrutement des corps enseignants de l'éducation nationale. Les conditions d'emploi devront naturellement être compatibles avec la poursuite des études.

Les dispositions législatives contenues dans la suite du texte touchent à des enjeux plus circonscrits mais partagent l'objectif de régler des situations d'urgence.

Le deuxième titre du projet de loi regroupe les dispositions relatives au service public de l'emploi visant à répondre à plusieurs de ces urgences. La première est liée à la dématérialisation du processus de prescription des emplois d'avenir et des autres contrats aidés. Cette dématérialisation du circuit des demandes d'aides entre les prescripteurs et l'agence de service et de paiement entraînera des gains d'efficacité très importants. Elle nécessite, pour être mise en oeuvre, la modification du terme de « convention », présent à de nombreuses reprises dans la loi, car prévoir un système de signature électronique pour chaque employeur et chaque bénéficiaire aurait été trop lourd.

Le titre II prévoit également les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre des emplois d'avenir et des emplois d'avenir professeur en outre-mer. L'article 5 insère une disposition visant à maintenir le recouvrement par Pôle emploi des contributions et versements effectués au titre du contrat de sécurisation professionnelle. L'article 6 vise à sécuriser le système de retraite complémentaire des agents de Pôle emploi.

Enfin, le troisième et dernier titre du projet de loi transpose dans le Code du travail applicable à Mayotte, suivant des modalités particulières, les dispositions du texte relatives aux emplois d'avenir et à la dématérialisation des prescriptions.

Mesdames et Messieurs les députés, l'objectif fixé par le Président de la République est que les emplois d'avenir puissent entrer en vigueur aussi rapidement que possible, compte tenu de la gravité de la situation du marché du travail.

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