Intervention de Jean-Frédéric Poisson

Séance en hémicycle du 11 septembre 2012 à 15h00
Création des emplois d'avenir — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Frédéric Poisson :

Sauf si l'on considère que le lien est établi conformément à la Constitution, dès lors que deux articles font partie du même code. Ou encore que ce même lien est établi à partir du moment où l'on évoque des catégories de personnes qui sont amenées à rencontrer un jour, pour quelque motif que ce soit, les personnes qui sont, elles, directement concernées par le projet de loi. Vous voyez bien que nous sommes ici dans une absence totale de rapport entre les articles dont je parle et le champ de la loi dont nous discutons.

Les réponses de notre rapporteur faisaient référence au nouvel article 45 de la Constitution, modifiée par la loi constitutionnelle de 2008. Ce nouvel article dispose en effet que « sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». De prime abord, cette formulation semble donner une très grande latitude au législateur, en tout cas le protéger contre les risques de cavaliers législatifs.

Si j'en crois la décision du 4 août 2011 prise à propos du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », tout le monde n'est pas de cet avis. Jusqu'alors, la notion de « cavaliers législatifs » n'apparaissait pas dans la Constitution. En l'y faisant entrer, la réforme constitutionnelle de 2008 oblige, dans une large mesure, le Conseil constitutionnel à les chasser les uns après les autres. Alors que les articles qui pouvaient répondre à la qualification de cavalier n'étaient pas systématiquement repérés par le Conseil constitutionnel, la réforme de 2008 place ce dernier dans une posture de recherche systématique, que ces articles aient été, ou non, pointés par la saisine parlementaire.

L'exemple est cocasse : alors que la décision de 2011 portait sur une saisine engagée par les députés du groupe socialiste, le Conseil constitutionnel est allé bien au-delà de leur demande, en sanctionnant davantage que les six articles qu'ils visaient !

Ainsi que le note le Conseil constitutionnel dans sa décision – conformément à sa jurisprudence –, le lien entre les articles du projet de loi et le champ d'application de la loi lui-même doit être déterminé et solide, faute de quoi on encourt le risque d'une requalification en cavalier législatif, et donc, d'inconstitutionnalité. D'autant que les articles en question n'étaient pas destinés, à ce stade de la procédure, à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec les textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle. Ils ne correspondent donc pas à ce que le Conseil constitutionnel considère comme respectant la Constitution.

Par conséquent, mes chers collègues, je considère que les articles 2 bis et 6 constituent des cavaliers législatifs et sont à ce titre passibles de la censure du Conseil constitutionnel.

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