Intervention de Thierry Braillard

Séance en hémicycle du 11 septembre 2012 à 15h00
Création des emplois d'avenir — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Braillard :

Selon les chiffres communiqués par le ministère du travail à la suite d'un bilan effectué en 2006, 310 000 postes ont été créés.

Parmi les personnes embauchées en emploi jeune à la fin de l'année 1999 et restées en poste au moins deux ans, 74 % ont trouvé un emploi immédiatement après leur sortie du dispositif, dont les trois quarts en durée indéterminée, 63 % sont restées chez le même employeur sur un contrat de droit commun, en stage ou sur un poste pérennisé et 11 % étaient recrutés par un autre employeur.

Dix-huit mois plus tard, sur dix jeunes passés par un emploi jeune, neuf avaient un emploi, alors que le taux de chômage des 15-29 ans atteignait déjà 17 %.

L'INSEE relevait ce fait qui doit vous intéresser : les plus diplômés étaient aussi ceux qui avaient eu le plus de facilités à s'insérer sur le marché du travail à la suite de leur emploi jeune.

Las, par la suite, aveuglé par une idéologie bipolaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et ne percevant pas que la situation était dramatique, le gouvernement Raffarin décida de supprimer tout emploi aidé.

J'ai bien entendu dire, tout à l'heure, qu'il y a toujours eu des emplois aidés, que le Gouvernement fût de droite ou de gauche, mais certains, dans cet hémicycle, ont la mémoire courte. L'année 2002 a été marquée par l'arrêt de tout dispositif d'emploi aidé. Eh oui ! Cette décision était le fait du gouvernement UMP, et elle fut catastrophique pour la jeunesse de ce pays. En effet, si les emplois jeunes ne devaient pas constituer la matière d'une politique de l'emploi durable, ils avaient quand même vocation à mettre le pied à l'étrier à ces jeunes sans emploi, à leur permettre de s'affranchir d'une certaine fatalité sociale qui les empêchait de connaître des choses essentielles dans la construction d'une vie sociale. Les Français ont d'ailleurs, eux aussi, rendu leur verdict, en sanctionnant à l'époque le gouvernement UMP lors des élections régionales, poussant les conseils régionaux à mettre en place, dès 2005, un dispositif d'emplois tremplins qui, nonobstant les limites financières spécifiques des régions, palliait la carence d'un État qui ne répondait plus.

Il aura fallu du temps pour obtenir qu'un nouveau gouvernement – ce fut en 2005, sous l'impulsion, il faut le remarquer, de Jean-Louis Borloo – adopte un plan de cohésion sociale, avec la création de nouveaux dispositifs, tels le contrat d'accompagnement dans l'emploi et le contrat d'insertion dans l'emploi, mais, il faut bien le dire, sans les mêmes moyens, sans les mêmes ambitions.

Au mois de janvier 2010, les contrats existants ont été fusionnés en contrat unique d'insertion, lequel était décliné en contrat d'accompagnement dans l'emploi pour le secteur non-marchand et en contrat initiative emploi pour le secteur marchand, avec une période d'expérimentation dans le cadre de quelques collectivités, de quelques conseils généraux, et, surtout, des dispositifs dédiés à tous les publics, pas spécialement aux jeunes, d'une durée trop limitée.

Cela étant, le constat est accablant : la situation de l'emploi des jeunes en France s'est aggravée depuis 2002. Le taux de chômage des 15-24 ans, au sens du Bureau international du travail, atteint plus de 25 %. Oui, chers collègues, plus de 25 % en France, alors que le taux de chômage des jeunes actifs n'est que de 8,5 % en Allemagne et aux Pays-Bas ! Tel est le bilan d'une politique qui n'a pas su juguler un phénomène, d'une politique qui l'a, au contraire, laissé s'aggraver. Force est de constater que l'apprentissage et l'alternance, s'ils sont essentiels, n'ont pas permis de réduire le taux de chômage des jeunes. Jour après jour, la situation s'aggrave.

Comment peut-on accepter aujourd'hui que, dans certains quartiers, dans certaines zones dites sensibles, ou fragiles, ou ce que vous voudrez, un jeune sur deux soit sans emploi, parfois complètement largué car sorti du système éducatif et scolaire sans diplôme, sans formation qualifiante, sans rien donc ? C'est parfois un rendez-vous à la mission locale qui constitue leur seul horizon.

M. le ministre a mentionné tout à l'heure le nombre de 500 000 jeunes en grande difficulté auxquels ces emplois d'avenir seront destinés. Il s'agit donc d'une urgence et, à ce titre, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient le Gouvernement.

Nous vous soutenons car le contrat d'avenir permettra très rapidement à ces jeunes de recouvrer l'espoir, de préférer le respect d'un horaire de travail à une journée sans heure, d'espérer avoir une utilité sociale plutôt qu'une inutilité spatiale. L'aide relative à l'emploi d'avenir est accordé pour une durée comprise entre un et trois ans, et elle s'adresse aux organismes de droit privé à but non lucratif, principalement aux associations, aux collectivités territoriales, ainsi qu'aux structures d'insertion par l'économique.

Rappelons aussi, c'est important, à la suite de M. le ministre délégué, que les contrats d'avenir confortent la formation qui doit renforcer le jeune durant cette période, l'accompagnement du jeune mais également celui de l'employeur, car le but de ce dispositif, même s'il répond à l'urgence, c'est d'essayer de créer des conditions d'emploi durable grâce à une formation qui deviendrait qualifiante. Il faudra d'ailleurs s'appuyer sur les régions, qui jouent un rôle majeur en termes de formation.

J'en viens à deux légères réserves, dont nous tenons à vous faire part et dont je sais que vous y avez déjà réfléchi. Tout d'abord, il ne faudrait pas que certaines structures voient dans le contrat d'avenir un effet d'aubaine, ni qu'un contrat visant à mettre le pied à l'étrier affecte le recrutement dans la fonction publique territoriale, dont on sait que certains reçus aux concours cherchent encore une affectation.

Ensuite, il risque d'exister une certaine confusion entre le contrat à durée déterminée, contrat écrit, qui doit être signé dans les quarante-huit heures suivant son exécution et qui ne peut avoir pour objet de pourvoir à un emploi permanent de la structure employeur, et le contrat à durée indéterminée, qui risque, malheureusement, d'apparaître moins attractif. On sait qu'au bout de trois ans des associations, notamment, évalueront négativement le risque juridique et les conséquences d'un éventuel licenciement. Dès lors, nous aurions préféré que la loi prévoie une sorte de prime au contrat indéterminé, notamment par rapport à la durée de l'aide accordée, pour privilégier ce type de contrat.

En dépit de ces deux remarques, vous savez pouvoir compter sur notre soutien pour vous accompagner dans votre détermination d'engager, de nouveau, un véritable combat contre le chômage des jeunes.

Disons enfin combien le dispositif d'emploi d'avenir professeur nous apparaît une excellente initiative. Réservé aux étudiants boursiers, il vise en priorité les jeunes issus des zones urbaines sensibles, ou ayant effectué leurs études dans des établissements implantés dans ces zones ou relevant de l'enseignement prioritaire. Comme l'a dit notre collègue Françoise Dumas, il s'agit d'un signe fort.

Pour l'ensemble de ces raisons, les contrats d'avenir nous semblent une réponse précise et adaptée à une urgence. Il faudra cependant aller plus loin pour cette jeunesse parfois désemparée, avec le contrat de génération dont nous aurons l'occasion de discuter ultérieurement.

Ce moment est important pour le début de ce quinquennat. C'est un signe fort pour ce début de mandat.

Permettez-moi de conclure par une citation. Vous le savez, nous, radicaux, aimons les citations, a fortiori les citations de radicaux s'exprimant dans ce même hémicycle, à cette même tribune. Voici donc ce que disait, ici, Pierre Mendès France au mois de décembre 1955 : « L'efficacité du régime républicain, du régime de liberté, ses chances de survie et de prospérité dépendent donc des liens qu'il saura créer entre la jeunesse et lui. Si notre république ne sait pas capter, canaliser, absorber les ambitions et les espoirs de la jeunesse, elle périclitera, elle perdra de plus en plus son sens et sa justification. Mais si elle sait s'y adapter, si elle est capable de comprendre l'espérance des filles et des garçons de France, d'épouser cette espérance, alors elle n'aura rien à craindre des aventuriers, des démagogues, des extrémistes car elle sera toujours plus forte et plus vivante. » (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

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