Intervention de Philippe Briand

Réunion du 18 septembre 2013 à 18h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Briand :

Concernant les livraisons du VBMR en 2018, il faut prendre en considération le fait que nous sommes déjà « lancés ». Nous travaillons en effet, tout comme Renault Trucks Défense, sur ce sujet depuis 2010. Nous avons réalisé des travaux préliminaires et nous avons d'ores et déjà une solution technique, qui est une solution commune. Cette dernière est, certes, encore au stade de l'avant-projet, mais celui-ci est déjà relativement précis. J'ai insisté sur la rapidité avec laquelle devait être notifié l'appel à candidatures et je m'inscrivais en effet dans la perspective des premières livraisons prévues en 2018. Sans aller jusqu'à dire que ceci est atteignable facilement, l'enjeu est important et nous devons aller vite. Dans ce cadre, le prescripteur – la DGA – devrait donc, si cela est possible, lancer dès 2013 cet appel à candidatures qui est la première étape formelle dans la consultation. Une consultation dans les tout premiers mois de l'année prochaine pourrait permettre une décision au second semestre 2014.

Concernant des décalages au sein de la LPM… Je n'ose les envisager !

Sur la question d'un VBCI « allégé », je rappelle que Nexter proposera deux modèles bien différents, un VBCI 8x8 et un VBMR 6x6, qui présentent des architectures différentes et qui ont vocation à remplir des missions différentes. Combiner les deux conduirait à un projet techniquement très complexe et qui ne se concrétiserait probablement pas avant 2018, date de livraison du VBMR.

L'augmentation du poids du VBCI, adapté au système Félin, est en fait le résumé de l'augmentation de son poids total autorisé en charge (PTAC). Le passage de 29 à 32 tonnes pour le PTAC des VBCI permet d'augmenter la charge utile du véhicule, mais aussi sa protection, de manière à donner aux forces plus de capacités d'emport. Le VBCI est un succès : les forces ont réalisé cette belle opération Serval, qui a clairement été remarquée. Le chef d'état-major de l'armée de terre anglaise lui-même nous a interrogés sur ce matériel ; les Canadiens, les Danois sont également intéressés. Il est clair que ce genre d'opération et le succès rencontré sont susceptibles de remettre en question certaines doctrines établies de l'emploi de la chenille – car tel est bien le sujet. Vous savez que dans le domaine des transports tactiques, certaines forces sont encore orientées vers la chenille comme c'est le cas des forces anglaises. Après que celles-ci ont vu la rapidité et la puissance de la manoeuvre, liées au véhicule et à la roue, le questionnement a été important.

En ce qui concerne le Leclerc : quid de la cinquantaine de chars non concernés par la rénovation ? Il vous faudra poser la question au chef d'état-major, mais je pense qu'ils ne seront certainement pas mis au rebut ou détruits. Ils seront probablement stockés, mis en condition pour, le cas échéant, être utilisés. En tout cas, le moment venu, si l'État souhaite que nous participions à une deuxième vie de ces matériels – par la revente par exemple – nous y sommes prêts. J'évoque la revente car nous n'avons plus de chaîne de production de Leclerc neufs en activité. Lorsque nous avons proposé ce char au Qatar, il s'agissait de 62 unités que l'armée française avait désengagées, qu'elle nous cédait pour que nous les mettions à niveau. Les Allemands disposent encore d'une chaîne de Léopard en fonctionnement tandis que nous avons des chars d'occasion. Il est possible que les Qataris aient préféré disposer de chars neufs pour équiper leurs forces. Pour Nexter, les perspectives à l'export des chars de bataille sont liées à des matériels de seconde main : nous ne nous adressons pas à la même clientèle. Par exemple l'Arabie Saoudite, qui a longtemps discuté avec les Allemands pour acquérir des chars de bataille, ne souhaitera pas de chars de seconde main. En revanche, d'autres forces peuvent être intéressées : nous menons des campagnes de présentation de ce potentiel qui est intéressant. Avec un prix équivalent à un petit peu plus du tiers du prix du Léopard neuf, nous arrivons à proposer une offre compétitive par rapport à celle des concurrents allemands.

J'en viens au Titus. Vous avez compris que nous restons sur le sujet des empereurs romains, et après Nerva, Trajan et Caesar, Titus nous apparaissait bien correspondre à l'image que nous voulons donner à la fois pour le produit et pour le groupe. En revanche, nous ne nous retrouvons pas dans le qualificatif de low-cost. Ce véhicule est conçu en France et produit en France, en dehors, il est vrai, du moteur – mais nous ne faisons plus de moteurs en France – et du châssis Tatra qui est d'un excellent niveau en termes de mobilité. C'est donc un véhicule que je qualifierais de « compétitif » et qui est le résultat de tous les travaux que nous menons depuis deux ou trois ans, mais également de toutes les adaptations que le groupe a faites. Le prix est de 700 000 euros pour la définition de base, et le groupe gagnera de l'argent sur ce tarif de base. Nous assumerons toutes les responsabilités inhérentes au produit, et à notre rôle : il n'y a pas d'impasse dans ce prix. Le Titus en effet cible avant tout l'export. Premièrement, il s'agit d'un véhicule 6x6 qui vient compléter notre gamme qui présente déjà un 8x8, le VBCI, et un 4x4, l'Aravis. Nous comblons donc dès 2015 ce trou que nous avons dans notre gamme. De plus, ce 6x6 est un véhicule tactiquement très mobile, efficace et polyvalent : il peut être protégé du niveau 2 jusqu'au niveau 4, ce qui correspond à des situations d'agressivité assez fortes, il présente une très forte mobilité tactique et il est modulaire dans son emploi. Le Titus présente plusieurs caractéristiques – hauteur du plancher, PTAC, pneus – qui ne le rendent techniquement pas éligible pour l'emploi dans l'armée de terre française. Les premiers échos sur ce véhicule sont plutôt très positifs à l'export.

La concurrence est notre milieu naturel et chez Nexter, nous aimons ce monde stimulant. Elle favorise notre créativité et notre innovation, quel que soit le milieu : systèmes, munitions, équipements… Surtout, elle pousse à l'agilité. La concurrence est très forte dans le domaine terrestre : je peux évoquer Kamaz, le grand camionneur russe, qui revient dans le domaine des blindés avec un 6x6 rustique, mais fortement protégé et de bon niveau ; je fais également référence à un bureau d'étude belge totalement inconnu il y a encore quelques semaines et qui propose une solution à chenille de 20 tonnes, qui peut intéresser ceux qui sont dotés de M113. C'est ainsi que fonctionne notre secteur industriel de défense terrestre. J'ai eu l'occasion de montrer à certains d'entre vous ce qu'est l'intensité de la concurrence dans notre domaine : sur certains segments, nous comptons en effet jusqu'à 25 produits concurrents.

Nous démontrons que la France a sa place sur ce marché et le Titus à 700 000 euros a attiré des prospects conscients de pouvoir disposer pour cette somme d'une excellente solution technique alliant pérennité du nom, qualité et surtout soutien après-vente, contrairement aux solutions émergentes.

La tranche des 64 « camions équipés d'un système d'artillerie » (Caesar) inscrite dans l'actuelle LPM pour la période 2015-2020 n'apparaît effectivement plus. Notre matériel est performant, précis, efficace et puissant et cette disparition est peut-être paradoxalement la conséquence de ces qualités. Huit Caesar engagés en Afghanistan, quatre au Mali, avec de l'ordre de 200 coups tirés sur le massif de l'Adrar des Ifoghas et le travail était fait ! Les forces possèdent déjà 77 Caesar et dans ce cadre peut-être a-t-il été jugé que des équipements supplémentaires pourraient venir dans une étape ultérieure.

Notre effort à l'exportation est soutenu : le Danemark est sur le point de formaliser sa consultation pour 21 systèmes Caesar ; nous attendons le versement de l'acompte pour la confirmation de 37 systèmes par l'Indonésie, sans parler de l'Inde pour laquelle un projet est lancé pour 814 machines. Nos discussions se poursuivent avec d'autres pays. Ce système d'artillerie est efficace et son emploi par l'armée française dans le cadre de l'opération Serval est pour nous un argument majeur.

Je reviens au paysage concurrentiel européen qui est fragmenté, chaque pays maintenant sa propre industrie, et pour lequel aucun programme européen n'est venu structurer l'industrie, à l'exception du projet du canon de 40 mm télescopé. Les concurrents des pays émergents sont de plus en plus présents et nous sommes face aux leaders transatlantiques que sont General Dynamics et BAE Systems, qui réalisent chacun un chiffre d'affaires de 4,5 milliards, alors que nous-mêmes et nos concurrents européens sommes proches du milliard.

Nexter est aujourd'hui en bonne santé et regarde l'avenir avec confiance. Il est évident que l'industrie doit se structurer à moyen terme par des rapprochements qu'ils soient franco-français etou européens ; si tel n'était pas le cas, le poids des programmes de renouvellement et d'élargissement des gammes, 50 millions d'euros pour une tourelle, par exemple, ou 50 à 200 millions d'euros pour une plateforme selon sa complexité, ne permettrait plus à une entreprise de la taille de Nexter de les financer sur le long terme. Ceci est encore plus vrai alors même que notre modèle économique change, les États n'ayant plus la capacité de soutenir financièrement la totalité des nouveaux programmes. L'industrie doit donc acquérir une taille lui permettant de développer ses projets par elle-même.

Nexter est un groupe systémier et munitionnaire qui bénéficie à plein de la synergie armes et munitions et qui veut maintenir cette unité. En tant que systémier d'autre part, nous ne souhaitons pas avoir à donner une préférence à un partenaire qui serait équipementier, dans l'électronique ou la mobilité. En tout cas un tel lien fort devrait être discuté et pondéré. Enfin, nous souhaitons construire un groupe industriel intégré dans lequel les intérêts français seraient soit majoritaires, soit préservés, au moins à égalité.

Des discussions sont en cours en France. Le président du groupe Thales a annoncé le 14 juin dernier qu'il ne voyait pas de synergie technique et industrielle dans un rapprochement entre nos groupes et a ainsi fermé le dossier. Mais il ne s'agit que d'une partie du projet qui a été discuté ; une autre partie reste d'actualité dans le domaine munitionnaire et je suis ouvert à toute formule de rapprochement entre Nexter Munitions et TDA qui permettrait d'avoir une industrie munitionnaire française regroupée. La trésorerie de Nexter peut, si c'est le souhait de Thales, nous permettre de racheter TDA.

Où en sommes-nous en ce qui concerne SNPE ? Il s'agit là d'un vrai sujet industriel mais aussi du regroupement de structures de défaisance. Il s'agit d'assurer pour notre groupe et pour l'État la pérennité des sources d'approvisionnement en explosifs. Les têtes militaires pour Nexter et MBDA, certaines charges pour la dissuasion proviennent de l'usine Eurenco de Sorgues. Je rappelle à cette occasion que le coût d'une requalification d'une munition pour sa poudre est de l'ordre de trois à quatre millions d'euros. C'est pourquoi la pérennité des autres sites d'Eurenco, Bergerac, PB Clermont et ses deux sites suédois et finlandais, où sont fabriquées des poudres propulsives dont nous commandons trente références, nous préoccupe. Tout comme nous préoccupe l'avenir d'Eurenco face à Nitrochemie, entreprise issue d'un rapprochement des activités poudrières de RUAG et de Rheinmetall, qui la contrôle à 55 %. Comme vous le savez, Rheinmetall est le concurrent de Nexter sur le marché des systèmes et des munitions. C'est pourquoi je suis concerné par d'éventuelles discussions entre Eurenco et Nitrochemie. Dans le but de préserver au mieux les intérêts munitionnaires français, il convient donc de faire en sorte qu'Eurenco soit dans la meilleure forme possible, afin que l'entreprise soit considérée comme un partenaire et non comme une cible dans le cadre des discussions qui auront probablement lieu à l'échelon européen. Par ailleurs SNPE et GIAT Industries travaillent à la restructuration et la dépollution de leurs anciens sites. Le projet est de rapprocher ces structures au sommet de leur organigramme. Le projet progresse, alors que le conseil de GIAT Industries ne l'a pas encore approuvé, les partenaires sociaux ont été saisis et ce cycle d'information se déroule. Le projet devrait se matérialiser fin 2013.

Bien que je n'aie pas été saisi directement, il semble que Renault Trucks Defense a de nouveau évoqué un rapprochement. Il s'agit d'un sujet important sur lequel nous avons travaillé en 2011 et à propos duquel je me suis exprimé devant vous en 2012. Nous avions alors statué quant aux contours du rapprochement et j'avais accepté d'intégrer l'activité liée aux camions militaires dans le périmètre concerné. En revanche, Renault Trucks Defense ne souhaitait pas intégrer l'activité liée aux munitions et aux armes. Cette séparation posait donc un vrai problème au regard de la vie d'un groupe unifié, Nexter, dont les bureaux d'études doivent travailler de concert. En raison de son appartenance à un groupe suédois, Renault Trucks Defense ne voulait considérer que la partie mobilité des véhicules, et seulement des véhicules à roues. Que devenait le reste des activités ? Nous ne sommes pas allés suffisamment loin dans la négociation pour apporter une réponse sur ce point. Mais l'exigence de Volvo d'avoir sous son contrôle opérationnel, depuis Göteborg, toutes les grandes fonctions du groupe, études, achats, MCO, etc. a mis un terme aux discussions, l'entreprise et l'actionnaire ne pouvaient accepter cette condition. Nous avons alors travaillé à une structuration différente du projet VBMR dans lequel chacun a sa place.

Avoir un lien fort avec un fournisseur de solutions de mobilité a certes des avantages mais peut avoir également des inconvénients pour un systémier dont le rôle est de choisir la solution de mobilité la plus adaptée au besoin du client et non de privilégier une solution de groupe. Ainsi, la France a choisi la solution RTD pour ses Caesar, mais les Saoudiens ont choisi une solution Daimler, nous travaillons par ailleurs en Inde sur une solution indienne Ashok Leyland et nous proposons au Brésil une solution tchèque, Tatra, déjà utilisée par ces forces.

Les discussions continuent en France et en Europe. L'option européenne pourrait nous permettre d'accéder à une taille supérieure par le regroupement de deux entreprises en bonne santé mettant en commun leurs compétences, leurs clients et leur marché domestique. Ceci serait, le moment venu, présenté pour approbation à l'actionnaire et à la représentation nationale.

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