Intervention de Yannick Favennec

Séance en hémicycle du 11 septembre 2013 à 15h00
Transparence de la vie publique — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec :

Après deux lectures par chacune de nos assemblées, nous sommes appelés à nous prononcer définitivement sur les projets de loi relatifs à la transparence de la vie publique. À ce stade final de leur examen, nos convictions sont toujours les mêmes : nous pensons, au groupe UDI, qu’ils s’apparentent davantage à une vaste opération de diversion qu’à une véritable amélioration de la transparence de la vie publique, une opération qui consiste à rejeter la faute d’un seul ministre sur la grande majorité des élus et qui ne fera à terme qu’entretenir une forme de suspicion permanente à l’égard de l’ensemble de la représentation nationale.

Nous avons pourtant été les premiers à reconnaître la nécessité d’un projet de loi améliorant la transparence de la vie publique. Sans conteste, il fallait renforcer la prévention des conflits d’intérêts. Sans conteste, il était temps de mettre fin à un certain nombre de situations dont la démocratie s’accommode mal. À ce titre, nous avons accueilli favorablement certaines dispositions que nous estimions justes et nécessaires.

Depuis longtemps la République a su créer un régime d’incompatibilités relativement efficace entre les fonctions publiques électives et non électives pour protéger les élus de l’État. Il fallait donc mettre de l’ordre entre les fonctions publiques électives et les activités privées. À ce titre, certaines dispositions du texte, qu’elles concernent les fonctions de conseil, notamment exercées après des fonctions ministérielles, ou certains postes dans des entreprises ayant des intérêts avec l’État, sont nécessaires. De même, le texte a été enrichi de quelques dispositions au cours des différentes lectures, je pense notamment à la publication de la réserve parlementaire ou à l’extension des contrôles sur le patrimoine des élus locaux. Mais les motifs de satisfaction sont rares comparés aux nombreux défauts que comptent ces deux projets de loi.

Au fond, ces textes ne remplissent pas leur objectif premier : ils ne nous prémunissent en rien d’une nouvelle affaire puisqu’en l’espèce, la déclaration ou la publicité du patrimoine n’a jamais empêché le voleur ou le fraudeur d’exercer sa coupable activité. Nous continuons de penser que rendre ainsi possible la consultation des déclarations ne présente aucun bénéfice, ni pour le législateur, ni pour la justice, ni pour nos concitoyens, ni même pour notre démocratie.

Le vrai sujet n’est pas l’exhibition du patrimoine mais le contrôle de son évolution ; le problème n’est pas la richesse, mais l’enrichissement dont on ne peut trouver la cause. C’est pourquoi nous sommes favorables à la création d’une Haute autorité dotée de moyens de contrôle et d’investigation suffisants. Mais la publication des patrimoines ne résoudra rien, pas davantage que la solution retenue par la commission : la consultation en préfecture, finalement la pire solution puisqu’elle ne va pas jusqu’au bout de sa logique. Soit l’on considère que la question est l’évolution du patrimoine et des moyens de contrôle de la Haute autorité, auquel cas la publication est inutile. Soit l’on opte pour la publication du patrimoine, et dans ce cas il faut avoir le courage d’aller jusqu’au bout, notamment en soumettant les candidats aux mêmes règles que les élus, dans un souci d’égal accès aux fonctions publiques électives. Or vous avez malheureusement refusé nos amendements allant dans ce sens.

Deuxième erreur et non des moindres : la protection des lanceurs d’alerte, version modernisée de la loi des suspects. Au lieu de renforcer la prévention des conflits d’intérêts, vous allez instaurer des délateurs en puissance, sources de déstabilisation et de pressions en tout genre.

Autre erreur fondamentale : la disposition introduite en séance qui interdit à tout parlementaire de commencer à exercer une activité professionnelle qui n’était pas la sienne avant le début de son mandat. La nécessité de concevoir une disposition aussi générale et absolue que l’interdiction de toute activité nouvelle est extrêmement discutable. Plutôt que de prévenir efficacement tout conflit d’intérêts, il y a fort à craindre qu’une telle disposition ne soit préjudiciable à l’oxygénation et au renouvellement de la classe politique, que nos collègues socialistes n’ont pourtant cessé de défendre. Je regrette que le Gouvernement n’ait pas su saisir l’occasion qui lui était donnée de remédier à la profonde iniquité qui existe au sein de cette assemblée entre ceux qui, à l’issue de leur mandat, auront la certitude de retrouver leur poste et leur fonction car ils appartiennent à la fonction publique nationale ou territoriale, et ceux qui sont issus du secteur privé au sens large.

Au-delà d’un premier mandat, il nous semblerait de la plus élémentaire élégance démocratique qu’un parlementaire issu de la fonction publique se faisant réélire ne puisse réintégrer la fonction publique. Là encore, nos propositions n’ont pas été entendues.

Nous ne sommes pas dupes. Ces projets de loi qui devaient restaurer la confiance de nos concitoyens envers les élus et redonner du crédit à la parole publique, ces textes dont vous prétendiez qu’ils allaient renforcer la démocratie ne résoudront malheureusement rien. D’une part, parce que le ventre de l’antiparlementarisme n’est jamais assez nourri. D’autre part, parce que la confiance repose d’abord sur la capacité des élus à respecter leurs engagements.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que la majorité du groupe UDI s’abstiendra sur ces deux textes.

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