Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 17 septembre 2013 à 15h00
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière-procureur de la république financier — Discussion générale commune

Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget :

…mais il n’y a pas d’écrou qui fermerait la porte aux dossiers que nous envoyons de Bercy et qui doivent faire l’objet d’une sanction pénale méritée. Il ne faut pas opposer nos administrations. À Bercy, il n’y a pas de verrous, mais une catapulte, qui envoie vers l’administration de la justice l’ensemble des dossiers qu’elle doit traiter. Comme des interrogations se sont exprimées sur ce sujet, j’ai indiqué dès le début de nos débats que nous devions améliorer la transparence quant aux conditions de traitement des dossiers d’infraction fiscale. Je trouve tout à fait normal que le Parlement soit saisi annuellement des conditions dans lesquels l’administration fiscale a eu à traiter les dossiers de fraude fiscale dont elle a eu à connaître.

Non seulement il est légitime que le Parlement ait à connaître des dossiers d’infractions fiscales que nous avons eu à traiter, mais nous devons également, dès lors qu’il existe des suspicions sur de possibles transactions et sur une possible opacité qui aurait pu les entourer, rendre chaque année un rapport au Parlement qui lui permettra de connaître le nombre de transactions effectuées, les conditions dans lesquelles elles ont été opérées, et le volume de fonds qui auront été récupérés par l’État au terme de ces transactions.

Elles ne sont rien d’autre que l’application par l’administration fiscale du droit voté par le Parlement et qui conduit l’administration fiscale, après que la fraude a été constatée, que l’impôt dû a été établi, que les pénalités dont le contribuable est redevable l’ont également été, à appliquer le droit voté par la souveraineté nationale, afin que celui qui doit à l’État une somme dont il a voulu se dispenser l’acquitte enfin dans des conditions transparentes, conformes à la législation. C’est la raison pour laquelle nous devons absolument fournir ces éléments à la représentation nationale annuellement, et ce dispositif sera un progrès à cet égard.

Ensuite, il arrive souvent que la commission des infractions fiscales ait à statuer sur les dossiers que nous lui transmettons avant que ceux-ci ne soient transmis à la justice, pour que la justice passe.

Des interrogations se posent sur le rôle de la commission des infractions fiscales. Il faut aussi, sur ce sujet, que la transparence prévale. Et nous nous sommes montrés ouverts, non seulement sur la composition de cette commission, mais aussi sur la possibilité de faire la transparence sur les décisions qu’elle prend et sur les critères à partir desquels elle les prend.

Il ne serait pas absurde d’ouvrir cette commission des infractions fiscales à des magistrats, afin que ceux-ci puissent aussi servir de lien entre l’administration fiscale et la justice pour fluidifier ce travail et articuler nos interventions.

Par ailleurs – second point sur lequel je voulais insister –, nous devons absolument tout mettre en oeuvre pour que la justice ait les moyens de fonctionner. La création du parquet financier et les moyens qui lui seront alloués ont fait l’objet – sans trahir de secret – d’une discussion budgétaire entre la garde des sceaux et moi-même au moment de l’élaboration de son budget. Cela est de nature à permettre à la justice de mieux fonctionner et de disposer de moyens dont elle ne disposait pas jusqu’à présent. Et même si tout n’est pas affaire de moyens, on ne peut pas reprocher à la justice de ne pas faire aussi bien qu’elle pourrait le faire si elle disposait des outils pour bien faire.

La création de ce parquet, notre détermination à lui donner tous les outils dont il a besoin pour élucider les infractions de fraude fiscale les plus complexes et pour dénouer les montages les plus abscons – qui conduisent parfois des sociétés ou des personnes physiques à recourir à des trusts, des sociétés écran ou des paradis fiscaux pour échapper à l’impôt –, tout cela implique des moyens d’investigation et d’élucidation.

C’est la raison pour laquelle, monsieur Étienne Blanc, contrairement à ce que vous avez dit, nous avons voté la création de la police judiciaire d’enquête fiscale. Vous pourrez vérifier dans les archives des débats que cette police judiciaire d’enquêtes fiscales avait fait l’objet d’un amendement cosigné par Gilles Carrez et Didier Migaud à une époque où, sur des questions d’intérêt général, l’opposition et la majorité étaient capables de travailler ensemble. Les choses ont un peu changé depuis. Cet amendement porté conjointement par le rapporteur général de l’époque et le président de la commission des finances avait permis à l’Assemblée nationale, tous groupes confondus, de voter un texte d’intérêt général.

Si cette démarche, qui fut celle d’une autre époque, alors que l’opposition n’était pas la même, pouvait inspirer l’ensemble des composantes de l’Assemblée nationale lorsqu’il s’agit de questions d’intérêt général, le Gouvernement ne s’en fâcherait pas et accepterait ce concours utile avec beaucoup de satisfaction, car il s’agit de lutter ensemble contre la fraude fiscale.

D’ailleurs, comme vous l’avez constaté, monsieur Étienne Blanc, nous essayons de renforcer les moyens de lutte contre la fraude fiscale à travers la mobilisation d’outils qu’ont évoqués les rapporteurs : des moyens d’investigation supplémentaires, parfois intrusifs, à l’instar de ceux qui sont mobilisés sur les enquêtes judiciaires les plus complexes. Tout cela va dans le bon sens et doit nous permettre d’être plus efficaces.

Je voudrais profiter de cette séance pour évoquer la première qui nous a rassemblés autour de ce texte et pour rendre compte devant la représentation nationale, conformément aux engagements que j’avais pris alors, des conditions dans lesquelles s’opère la régularisation de ceux qui ont oublié au cours des dernières années de s’acquitter de leur devoir de citoyen en payant leurs impôts.

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