Intervention de Jean-Marie Tetart

Séance en hémicycle du 10 septembre 2013 à 15h00
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Tetart :

Votre projet rompt totalement l’équilibre qui prévalait entre bailleurs et locataires. Vous imposez une négociation contractuelle, que vous enfermez dorénavant dans une codification stricte, qu’il faut respecter sous peine de sanction. Vous augmentez les droits des locataires et les contraintes des propriétaires. Vous ne laissez pas d’espace de liberté aux bailleurs, qui devront obligatoirement s’assurer contre les impayés de loyer. Vous ôtez aux parents la possibilité de se porter caution pour leurs enfants, empêchant ainsi la solidarité qui réglait la plupart des situations d’impayé dans le secteur privé.

En zone tendue, vous envoyez un message aux nombreux investisseurs institutionnels : le secteur du logement devra être évité. Ces grands investisseurs ont le choix, pas les petits propriétaires. Pour ces derniers, votre projet est source d’une grande inquiétude : ils ne sont plus certains de dégager une rentabilité suffisante pour constituer un indispensable complément de revenu.

Avec le plafonnement des loyers, vous imposez en quelque sorte une collectivisation du parc de logements privés locatifs : entre le plafonnement des recettes et les charges liées au foisonnement des dépenses et des contraintes que ce texte impose, vous déterminez un « revenu encadré » auquel peut prétendre le bailleur. Ce n’est pas le loyer qui est encadré, mais le revenu !

Dieu sait que les nouvelles charges sont nombreuses : cotisations à la garantie universelle des loyers ; trésorerie pour porter l’avance d’une assurance pour le compte du locataire ; frais d’état des lieux ; réduction à un mois du préavis du locataire, ce qui entraînera à coup sûr un temps sans locataire dans le cas d’une relocation en zone tendue, et j’en passe.

Les petits bailleurs privés découvriront très vite qu’il ne leur est plus possible d’assurer eux-mêmes leur gestion locative, tant ce texte la complexifie. En voulant sécuriser la relation bailleur-locataire par une codification des démarches et des documents, votre texte nourrira l’explosion procédurale.

Ce projet de loi traduit également la grande défiance que voue ce gouvernement aux agents immobiliers, aux syndics et, finalement, aux propriétaires, acteurs que vous accusez dans un journal du matin de n’être mus que par l’appât du gain. Une nouvelle façon de diviser les Français : locataires contre propriétaires, locataires contre agents immobiliers, propriétaires contre syndics.

Proclamant dès la première page du projet de loi que « tarifs injustifiés et excessifs, opacité, coûts de transaction trop élevés sont de mauvaises pratiques qui, tout en étant le fait d’une minorité, ont pu entacher et peser sur l’ensemble du secteur des professions immobilières », vous engagez une modification totale des conditions d’exercice, à même de remettre en cause le modèle économique. Votre texte propose une évolution à laquelle la profession sans nul doute s’adaptera, mais au prix de pertes d’emplois conséquentes dont le pays n’a pas besoin.

Vous auriez pu vous en tenir aux mesures du projet de loi Lefebvre, que vous reprenez d’ailleurs, et qui étaient aptes à corriger une grande partie des excès constatés. Mais non, vous voulez mettre cette profession au pas !

Ce texte est aussi la preuve que la volonté de simplification administrative et normative du Gouvernement n’est pertinente que pour les textes et procédures en place et qu’elle ne s’applique pas à ceux à venir. Comment comprendre autrement cette avalanche de documents-types qui va inonder le secteur ? Comment comprendre, à l’heure où l’on cherche des économies, que soit créé un nouvel organisme dont nous ne pouvons croire qu’il sera sobre en moyens de fonctionnement ? Pourquoi une garantie universelle et obligatoire des loyers en lieu et place des assurances facultatives actuelles et des cautions apportées par les familles, qui ne coûtaient rien ? Vous l’avez compris, nous sommes résolument contre la plupart des dispositions du titre premier, lequel, à lui seul, justifiait les motions qui ont été présentées.

Nous sommes particulièrement opposés à ces deux mesures phares que sont l’encadrement du loyer en zone tendue et la mise en place obligatoire de la garantie universelle des loyers. Elles sont doublement néfastes, puisqu’elles risquent de ne pas atteindre l’objectif qu’elles poursuivent. Ainsi, la méthode d’encadrement du loyer provoquera sans nul doute un alignement progressif des loyers à 20 % au-dessus du loyer médian, alignement qui, à son tour, augmentera ledit loyer médian. La suite du débat nous permettra de discuter encore de cette analyse, toute mathématique.

Le principe même de l’encadrement présente des risques en termes de dégradation de l’offre de logements locatifs et de la qualité des logements. D’ailleurs, si l’encadrement des loyers était aussi performant, pourquoi le gouvernement Jospin n’a-t-il pas prolongé le dispositif d’encadrement de la loi Mermaz de 1989 ?

Il est évident que, pour détendre les zones tendues, on n’a encore rien trouvé de mieux que de construire plus massivement et plus vite, ce qu’apparemment vous ne parvenez pas à faire !

Quant à la GUL, mise à la charge du bailleur en lieu et place des cautionnements volontaires, elle déresponsabilisera les locataires, conduira à une fiscalité accrue sur les loyers ou à un prélèvement supplémentaire sur Action Logement, et créera une nouvelle administration. Elle remboursera les loyers impayés, peut-être avec une franchise, peut-être avec un plafond, et très certainement avec les deux ! Mais sera-t-elle capable de recouvrer ensuite auprès du locataire les sommes dues à la caisse nationale ? Rien n’est moins sûr. Il y a fort à parier que le taux d’impayés augmentera et que les cotisations croîtront avec la sinistralité grandissante.

Madame la ministre, ne m’accusez pas, en disant cela, d’adopter une position idéologique. Il s’agit simplement de bon sens. Il semble d’ailleurs que votre majorité en ait aussi, puisque j’ai lu dans la presse que certains de ses membres s’opposent aussi à cette mesure qu’ils jugent coûteuse pour les finances publiques et déresponsabilisante pour les mauvais payeurs.

Nouvelle taxe, nouvelle administration, nouvel empilement réglementaire, tout cela pour un taux d’impayés de 2,5 à 3% ! N’aurait-il pas été plus simple d’aggraver les sanctions contre les tricheurs, de renforcer la solidarité avec les plus démunis, ces mauvais payeurs contraints mais de bonne foi ?

Quant au titre IV, il tente de répondre à l’objectif de construire 500 000 logements par an tout en respectant les contraintes de la transition écologique des territoires. Nous sommes évidemment d’accord pour réduire la consommation des zones agricoles et des zones naturelles par une mobilisation des friches industrielles et commerciales et par une densification de l’urbanisation. Nous approuvons le fait que la hiérarchie des documents d’urbanisme soit revue au profit du SCOT et que l’intercommunalité joue un rôle de premier plan dans la responsabilité de l’aménagement du territoire et de l’urbanisation mais nous ne l’approuverons qu’à condition que les PLU soient basés sur le volontariat.

Si ce n’était pas déjà le cas, et si les lois préparées par Mme Lebranchu ne l’ont pas encore fait, votre texte finira de convaincre les élus locaux que le temps des communes s’achève. Le passage brutal au PLU intercommunal envisagé dans ce texte est, sans doute, ce qui préoccupe le plus les élus locaux en cette rentrée. Il rencontre d’ailleurs l’opposition de l’association des maires de France, comme vous le savez.

Oui au PLU intercommunal pour les intercommunalités qui le décident ! Oui peut-être, aussi, au PLUI si le « I » est synonyme d’intégrateur.

Vous ne trouverez pas une majorité de députés, au sein de notre groupe, qui soutienne la création d’un PLU intercommunal à marche forcée. Vous pourrez en revanche rassembler une majorité de députés, sur tous les bancs de cette assemblée, pour approuver le principe d’un PLU intercommunal basé sur le volontariat. Qu’apporterait ce transfert obligatoire rapide s’il ne conduisait qu’à opposer des communes entre elles ou des communes à l’EPCI ? Un rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable appelle d’ailleurs à la plus grande prudence pour définir le champ de compétence, le mode de gouvernance, le contenu et le suivi de ces PLU intercommunaux.

Il recommande une période transitoire de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la compétence PLU pour les EPCI, afin que les communes et les intercommunalités débattent du lancement du futur PLU intercommunal et que puissent s’achever les documents d’urbanismes communaux engagés.

Pourquoi ne pas plutôt rendre obligatoire le lancement par les EPCI d’une démarche d’élaboration d’un PLU intercommunal en vue d’un transfert de compétences à l’issue du processus qui devra être contenu dans un délai maximum ? Cela ne vaudrait-il pas mieux que des PLU intercommunaux imposés qui ne seraient que la somme de PLU communaux, à laquelle le transfert immédiat de la compétence semble conduire ?

Il ne resterait qu’à fixer par décret le délai maximum. Ce ne serait que l’un des trop nombreux décrets auxquels vous nous avez renvoyés lors de nos débats en commission pour répondre à nos interrogations ou nos oppositions. Vous nous avez également promis, pour la séance, de nouvelles propositions, de nouvelles rédactions, de nouvelles justifications en contrepartie du retrait de certains amendements en commission.

Nous espérons de bonnes surprises mais je doute qu’elles soient suffisantes pour nous rallier à un texte qui finira de ruiner les chances d’une relance importante et diversifiée de l’offre de logement.

Le groupe UMP votera donc contre ce texte.

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