Intervention de Guy Teissier

Séance en hémicycle du 10 septembre 2013 à 15h00
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Teissier :

Ainsi, en créant un déséquilibre entre bailleur et locataire, vous allez décourager de nombreux propriétaires et investisseurs. Vous ne répondrez donc pas à la crise du logement que nous connaissons mais, pire encore, vous risquez de l’amplifier.

Madame la ministre, j’ose le dire, ce texte est une véritable usine à gaz. Vous allez ralentir les projets de construction et faire fuir les investisseurs.

L’encadrement généralisé des loyers, que vous proposez, est digne d’une disposition de sinistre mémoire, la loi de 1948, à l’origine de la paupérisation des coeurs de ville, dont nous avons, aujourd’hui encore, tant de peine à nous remettre. Comme chacun le sait, les propriétaires ont beaucoup de mal, avec des loyers encadrés, à entretenir et à rénover leur parc locatif. En rigidifiant le marché locatif – c’est ce qui se produit à chaque fois que l’on veut réguler le marché –, on risque de détourner de ce secteur les investisseurs qui choisiront d’autres formes de placements.

Quant à la garantie universelle des loyers, il est à craindre qu’elle aboutisse à une déresponsabilisation des locataires et à une fiscalité accrue sur les loyers. Si son financement devait provenir d’une nouvelle taxation des propriétaires bailleurs, cela pourrait générer un frein à l’investissement locatif privé, voire aboutir à un désinvestissement. Par ailleurs, ce dispositif, qui fait reposer l’intégralité du risque d’impayés des loyers sur l’État, risque de se révéler un gouffre pour les finances publiques.

Madame la ministre, votre vision d’un monde binaire, qui vous conduit à stigmatiser les propriétaires – lesquels ne sont pas tous issus du grand capital, dois-je vous le rappeler ? –, conduit à une injustice économique, en créant une relation déséquilibrée entre les deux parties et en allant à l’encontre de l’esprit du projet de loi qui évoque la recherche d’un meilleur équilibre des rapports entre bailleur et locataire. Par ailleurs, imposer aux propriétaires la plus grande partie des honoraires de location risque de faire baisser la qualité du service qui est proposé. Si l’agent immobilier n’est payé que par le propriétaire, il sera amené à avantager ce dernier, devenu son seul client, au détriment du locataire. Supprimer le partage des honoraires, c’est consacrer et renforcer un déséquilibre entre bailleur et locataire.

En plus de sanctionner les propriétaires, ce projet de loi met à mal la profession d’agent immobilier, comme l’a souligné tout à l’heure notre collègue Tetart. Les professionnels s’inquiètent. Mécaniquement, la baisse de moitié des honoraires liés à la location va entraîner des pertes d’emplois. Est-ce bien le moment de perdre des emplois ? En faisant peser sur les seuls agents immobiliers une obligation de transparence sur le montant de leurs honoraires, le texte introduit une distorsion de concurrence et une inégalité de traitement tout à fait injustes entre les agents immobiliers et les autres professionnels qui interviennent dans la vente, la location et la gestion immobilière.

L’ensemble de ce texte dénote une volonté de tout étatiser, à l’image du bail type que vous proposez – ou voulez imposer –, qui me paraît incompatible avec la liberté contractuelle. Certes, il existe déjà des formulaires, mais il est important de laisser à chacun la liberté de les utiliser ou non. D’autre part, retirer aux professionnels cette compétence rédactionnelle en les cantonnant à une fonction administrative de saisie contribuerait à décrédibiliser le métier.

Enfin, alors que vous prétendez vouloir améliorer la gouvernance et la gestion de la copropriété, vous instaurez l’obligation d’ouvrir des comptes séparés par syndicat : encore une erreur qui ne tient compte ni de la surcharge de travail pour le syndic, ni de l’impossibilité pour les garants financiers d’exercer des contrôles exhaustifs, ni des frais bancaires que devront supporter les copropriétaires.

Pour finir, madame la ministre, votre projet de loi qui était pavé de bonnes intentions se révèle décevant. S’il apporte des réponses satisfaisantes sur certains points, notamment dans la lutte contre l’habitat indigne, il risque, sur d’autres points, de susciter le désarroi chez les propriétaires et d’entraîner de lourdes déconvenues pour les locataires.

Vous prenez le risque d’établir un grave déséquilibre entre bailleurs et locataires, de stigmatiser une profession et de décourager l’investissement locatif. En voulant étatiser le droit de louer, en voulant entraver la liberté d’entreprendre, en complexifiant comme vous le faites les règles et les procédures, vous n’apportez malheureusement aucune solution à la crise du logement dont souffrent aujourd’hui dix millions de nos concitoyens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion