Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du 1er octobre 2013 à 15h00
Simplification et sécurisation de la vie des entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

Comme quoi, les délégations au secteur privé ne sont pas forcément la panacée afin que le service soit bien rendu.

Reste que le chiffre du chômage baisse tout de même, et c’est une bonne nouvelle.

Nous voici en présence d’un troisième projet de loi d’habilitation à prendre des ordonnances. Après celui permettant l’accélération des projets de construction dans le domaine du logement ainsi que, récemment, celui habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, il s’agit aujourd’hui d’examiner un texte visant à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises.

Avec ces trois projets, nous nous donnons ainsi les moyens de mettre en oeuvre le choc de simplification annoncé par le Président de la République. Ce dernier a en effet souhaité engager au bénéfice des entreprises comme de l’ensemble des usagers de l’administration des mesures de nature à leur permettre de se libérer de certaines tâches administratives pour se concentrer sur leur activité professionnelle.

Le Gouvernement a choisi de recourir aux ordonnances en vertu de l’article 38 de notre Constitution au motif qu’il est urgent d’améliorer l’environnement réglementaire des entreprises.

Nos concitoyens nous rappellent l’urgence de mettre en oeuvre le « choc de simplification ». On peut cependant regretter, en tant que parlementaires, que le débat ne puisse avoir lieu au Parlement avec un projet de loi simple sur la question complexe de l’administration des entreprises.

En effet, le champ de ce projet de loi est très vaste, il englobe des sujets divers et fort éloignés les uns des autres et a dû être étudié dans un temps très contraint, ce qui est problématique. Ce recours précipité a été vivement contesté lors de l’examen du texte en commission, et nous partageons un certain nombre des remarques qui ont été faites à ce sujet. Nous soutenons d’ailleurs la demande formulée par notre rapporteur, Jean-Michel Clément, tendant à instaurer un dispositif d’association des parlementaires à l’élaboration des projets de loi d’habilitation de prise d’ordonnances et au suivi de leur bonne application.

Nous avons par ailleurs noté l’engagement pris par Mme la ministre Fleur Pellerin, au nom du Gouvernement, d’associer le Parlement aux travaux qui conduiront à la publication des ordonnances prévues par ce texte, tout comme Marylise Lebranchu l’a fait lors de l’examen du projet de loi d’habilitation relatif à la simplification des relations entre les citoyens et l’administration. Une simplification mal ficelée pourrait en effet aboutir à des dérives… La norme n’est pas seulement une contrainte ; elle constitue bien souvent aussi une garantie.

Mais venons-en au fond du projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui : ses dix-neuf articles abordent des sujets aussi divers que les règles applicables aux comptes des entreprises, au développement de la facturation électronique et du numérique, au financement participatif de projets, au traitement des entreprises en difficulté, à la participation de l’État aux entreprises, ou encore à la simplification des procédures pour les projets d’activité économique, dont une expérimentation sur les ICPE…

C’est donc un volume important de mesures qui nous est présenté ici par voie d’ordonnances, et il sera difficile d’en traiter la substantifique moelle, chère à Rabelais. En tant que parlementaires du groupe écologiste, nous avons toutefois quelques os à ronger.

Nous accordons une importance particulière à plusieurs mesures, et en premier lieu à celles qui, à l’article 1er, introduisent le financement participatif, qui permettra que des projets spécifiques soient financés par de nombreuses personnes, notamment par l’intermédiaire de sites internet. Grâce à ce nouveau mode de financement, les PME et les jeunes entreprises innovantes, notamment, disposeront d’un outil de financement complémentaire.

Dans ma circonscription, un projet éolien citoyen unique en son genre a vu le jour, dont le modèle de financement participatif est devenu une référence nationale de l’énergie citoyenne. Il ouvre la voie à un nouveau mode de développement de l’éolien en France, à l’instar de ce qui se pratique depuis longtemps déjà chez nos voisins allemands ou danois. Grâce à ces nouvelles mesures, l’engagement financier des particuliers dans ces projets sera sécurisé et un coup de pouce sera donné à la filière éolienne.

L’article 2 vise à mettre en oeuvre les orientations gouvernementales en matière de traitement des entreprises en difficulté, notamment en vue de rendre l’anticipation plus attractive. Si nous nous accordons sur l’objectif, nous aurions apprécié que le Parlement approfondisse cette question, en se fondant notamment sur les travaux de Mme Cécile Untermaier et de M. Marcel Bonnot, dont le rapport a été remis à l’Assemblée nationale le 24 avril.

À l’article 3, notons la volonté de simplification de la réglementation applicable aux conventions réglementées entre une société et certains des actionnaires, ou entre des sociétés ayant des dirigeants communs. Nous défendrons toutefois, avec ma collègue Michèle Bonneton, un amendement sur le sujet.

L’article 10 prévoit, quant à lui, d’habiliter le Gouvernement à prendre des mesures relatives à la gestion et à la participation de l’État dans les entreprises dont il est actionnaire. Il s’agit là d’une mesure qui n’est pas anodine et qui relève de l’État stratège. Nous serons attentifs à ce que l’État conserve les moyens de sa politique industrielle et énergétique.

Par ailleurs, nous accordons une grande importance aux mesures de l’article 14, relatives à une expérimentation des procédures simplifiées dans certaines régions. Il s’agit de faire délivrer par la préfecture un « certificat de projet » énumérant de manière exhaustive les différentes législations applicables à une demande, un peu à la manière des certificats d’urbanisme. Cette expérimentation, en concertation avec les acteurs des États généraux de la modernisation du droit de l’environnement, concernera notamment les installations classées pour la protection de l’environnement, ou ICPE, soumises à autorisation. Cela amènera une procédure unique intégrée, conduisant à une décision unique du préfet de département. Des formats spécifiques d’autorisation sont ainsi prévus pour les éoliennes et les installations de méthanisation d’une part, et d’autre part pour les autres ICPE.

Il est évident qu’il faut préparer la transition énergétique et que les éoliennes et la méthanisation en constituent deux éléments essentiels. Je rappelle également qu’un certain nombre de projets éoliens n’ont pas abouti, précisément parce que nous n’avions pas les moyens législatifs de les faire avancer et qu’ils ont tout simplement été contrecarrés par les riverains.

Pour les éoliennes, il s’agit a priori d’une mesure intéressante : elle va dans le sens de la simplification, limite les opportunités de recours, et devrait in fine permettre de réduire les délais d’instruction. Il y a longtemps que nous appelons à une révision des procédures, pour que la durée de mise en service des éoliennes en France se rapproche de celle de nos voisins européens. J’avais déjà rappelé, lors du débat sur la politique maritime de la France, le parallèle saisissant établi par le président de France Énergies Marines dans une interview accordée à un quotidien régional : « En Écosse, il suffit d’une procédure unique d’autorisation pour les éoliennes marines. En France, il en faut quatre. » Il n’est pas inintéressant de noter que l’Écosse est le leader mondial en matière d’énergies marines renouvelables

En ce qui concerne les installations de méthanisation, nous nous réjouissons également des simplifications annoncées, la méthanisation étant l’une des réponses d’avenir pour la production d’énergies renouvelables et la décentralisation de la production d’énergie. Cela vient renforcer de manière opportune le plan de Stéphane Le Foll qui prévoit la multiplication des projets de méthanisation.

Le « certificat de projet » devrait toutefois conserver la possibilité d’être contesté. En effet, il ne semble pas envisageable d’autoriser, sans contestation ultérieure possible, des projets susceptibles de porter atteinte à la santé publique ou à l’intérêt général, pour lesquels on n’aurait pas eu connaissance des dommages possibles au moment de l’autorisation. L’expérimentation permettra de voir si ces écueils sont évitables.

Enfin, l’article 16 vise à reporter du 1er janvier 2012 au 1er janvier 2015 l’obligation de mettre en place une signalétique commune sur les produits recyclables. Ce report est regrettable, mais il est rendu nécessaire par la non-publication du décret d’application d’une loi adoptée sous la précédente législature, à la suite du Grenelle de l’environnement. Il est plutôt cocasse de voir certains de nos collègues de droite remettre en cause aujourd’hui une telle obligation ; cela montre combien il leur est difficile de prendre conscience du retard de notre pays dans ce domaine. Nous avons déjà perdu assez de temps et cette disposition, qui entrera en vigueur trois ans après la date initialement prévue, contribuera activement à la simplification du geste de tri des produits recyclables. Elle permettra d’accroître les quantités de produits recyclés et d’économiser ainsi les matières premières non renouvelables, dont certains sont en voie d’épuisement aujourd’hui.

Au bout du compte, mes chers collègues, c’est donc avec quelques réserves quant à la procédure, mais avec une appréciation réellement positive, contrairement à ce que j’ai pu entendre tout à l’heure, que nous voterons ce projet de loi.

Je voudrais toutefois, pour finir, attirer votre attention sur un problème : n’avons-nous pas choisi le mauvais échelon ? Le texte se concentre sur l’État et les préfectures, mais je rappellerai seulement que dans certains pays – et en réalité dans tous ceux qui nous entourent – les régions ont le pouvoir d’adapter le règlement, et même des pouvoirs législatifs. Ce n’est pas le cas en France, et cette situation introduit une certaine complexité, puisque c’est à l’État qu’il revient de tout faire, par l’intermédiaire des préfets.

Il me semble que dans la prochaine loi sur la régionalisation, cet élément devra être pris en compte.

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