Intervention de Laurent Furst

Séance en hémicycle du 18 septembre 2013 à 15h00
Redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Furst :

…le chiffon rouge des lois, le chiffon rouge des normes – 400 000 normes ! –, le chiffon rouge des contraintes, le chiffon rouge des aléas. Votre loi, dans ce contexte, est une loi de plus, une loi de trop, une épée de Damoclès sur les investissements à venir.

Mesdames et messieurs, en vingt-cinq ans, l’économie a changé, profondément changé. Le marché européen est une réalité, c’est un marché unique, dont nous ne sommes plus qu’une fraction. Nous commerçons librement avec le monde. Internet, le haut débit, les systèmes de transport ont changé toutes les règles. Ce sont les pays souples, dynamiques, réactifs, qui survivront. Les autres, les défensifs, déclineront.

L’économie, aujourd’hui, c’est deux choses : une économie locale et une économie mobile.

L’économie locale, c’est celle qui ne peut pas bouger, scotchée au territoire : l’administration, la santé, le commerce, une grande part de l’artisanat, certains produits industriels.

L’économie mobile, c’est celle des biens et services qui peuvent être localisés ailleurs, c’est le touriste qui peut aller en Espagne plutôt que sur la Côte d’Azur, c’est le doublage des films, tout petit secteur où, autrefois, tout se faisait à quelques centaines de mètres d’ici, à Paris ; aujourd’hui, c’est à Bruxelles que les séries américaines sont doublées en français. Pour quelle raison ? Je vous laisse deviner. C’est aussi la production maraîchère. Pourquoi l’Allemagne nous a-t-elle dépassés dans le domaine de la production d’asperges, de fraises, de lait ? Ce sont aussi les ports. Pourquoi Rotterdam est-il le premier port pour l’importation de produits en France alors qu’il n’est pas situé sur les côtes françaises ? C’est aussi l’essentiel de l’économie industrielle.

L’économie locale dépend de la prospérité de l’économie mobile, et ce ne sont pas des lois idéologiques, des lois d’opportunité qui défendent nos emplois, c’est simplement la compétitivité du pays. La seule manière de créer les emplois de demain, c’est de faire de la France une terre d’accueil des entreprises, un terreau de développement. Pas de mots, des actes, des vrais !

Et, en matière d’actes, qu’avez-vous fait, depuis seize mois ? Un jour – je devrais presque dire tous les jours –, vous harassez les entreprises d’impôts, de charges et de lois. Et puis, une fois de temps en temps, par peur du Waterloo économique vers lequel vous nous emmenez, vous envisagez de baisser les charges, et vous inventez le CICE, dispositif intéressant, mais lourd, lent et complexe.

Tout cela constitue-t-il une politique économique, une politique stable, lisible, inscrite dans la durée, avec des objectifs clairs ? Poser la question, c’est déjà répondre non. J’ai l’impression que votre majorité est ballottée entre les tenants du réel et les partisans de l’idéologie. Votre politique est une mauvaise synthèse, une synthèse qui vit au rythme des spasmes de votre majorité, une synthèse qui n’encourage pas à investir, à construire et à créer de l’activité dans ce pays.

Des signaux vous sont pourtant donnés, chers collègues. Regardez le classement sur la compétitivité mondiale des économies. En 2012, nous occupions une très modeste vingt-et-unième place, aucune raison d’être fiers de ce rang. En 2013, après un an de votre Gouvernement, nous dégringolons déjà à la vingt-troisième place. Deux places perdues en un an ! J’appelle simplement votre attention sur le fait que le premier rang est occupé par la Suisse et que l’Allemagne est quatrième. Ce ne sont pas des pays à bas coût, ce sont des pays compétitifs.

Nous subissons un véritable effondrement des investissements directs étrangers, les IDE. Nous étions deuxièmes derrière le Royaume-Uni, et, en un an, nous avons complètement décroché. Nous étions devant l’Allemagne, et elle nous a largement dépassés. Et si l’on considère spécifiquement les IDE industriels, c’est un véritable Waterloo économique, c’est une véritable retraite de Russie.

Alors, chers collègues, moins de mots, et ouvrez les yeux. Quels éléments assurent la compétitivité d’une nation ? La qualité des hommes, et je crois pouvoir dire que notre pays compte tous les talents. Pour la qualité des infrastructures, nous n’étions pas si mal placés, mais, je dois le dire, les dernières mesures gouvernementales n’ouvrent pas beaucoup de perspectives d’amélioration de notre situation. En ce qui concerne la qualité et la stabilité du droit, le droit français est souvent considéré comme illisible, complexe, aléatoire et incertain ; eh bien, vous en rajoutez aujourd’hui une couche. En ce qui concerne les coûts sociaux et fiscaux, la situation est très détériorée, et, malheureusement, elle s’aggrave encore.

J’ai eu l’honneur et le bonheur de participer à la mission d’évaluation sur les coûts de production en France, dont le président était Bernard Accoyer et le rapporteur Daniel Goldberg que je salue fraternellement et amicalement.

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