Intervention de Vincent Peillon

Réunion du 23 octobre 2013 à 9h45
Commission élargie : enseignement scolaire

Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale :

Monsieur le président Carrez, monsieur le président Bloche, mesdames et messieurs les députés, mesdames les rapporteures, je vous remercie pour ce nouveau rendez-vous. Nous y aborderons la question du budget, qui est importante, mais qui ne doit pas être séparée de la nature et des objectifs de la politique mise en oeuvre.

De ce point de vue, la priorité affichée dans ce budget, pour la deuxième fois, concerne directement la remise en place de la formation des enseignants. Un vaste colloque international de l'OCDE sur les politiques éducatives s'est tenu récemment à Paris. Il a prouvé ce que nous savons depuis des années, à savoir que le facteur le plus important dans la réussite éducative d'un pays, c'est la formation de ses enseignants. Voilà une conclusion gênante pour la France, étant donné les décisions prises ces dernières années, en contradiction totale avec toutes les recommandations. Cet enjeu considérable possède des conséquences budgétaires immédiates, puisque la quasi-totalité des postes que vous avez évoqués, madame Delga, sont des postes de stagiaires.

Nos objectifs sont simples et partagés par tous. L'entrée dans le métier doit se faire progressivement, mais ce point essentiel n'a pas toujours été compris. Traditionnellement, en France, nous considérions que nous allions dans un premier temps faire des études supérieures, pour acquérir une compétence disciplinaire, avant d'entrer dans une formation professionnelle, laquelle ne se fait donc pas au fur et à mesure du cursus. Or tous les pays qui ont réussi leur « choc PISA » – ce qui est loin d'être notre cas – proposent la formation intégrée que tous les pédagogues recommandent. Nous avons à notre tour mis en place cette formation qui inclut également les emplois d'avenir professeur, inscrits au budget. Ceux-ci permettent aux étudiants de s'engager, dès la deuxième année de licence, dans le métier de professeur, avec une présence obligatoire dans les établissements d'une durée de neuf heures, sur une base de salaire de douze heures, et une formation dans les écoles supérieures. Je tiens à le préciser, car j'ai lu dans plusieurs endroits que l'on me recommandait de faire ce que nous sommes en train de faire.

Toutefois – et c'est une des difficultés de l'action publique en France –, comme nous menons cette réforme dans le cadre, tout à fait positif, de l'autonomie des universités, se pose le problème des disparités territoriales. Dans certains endroits, la mise en place des ESPE se passe remarquablement, et je regrette qu'on ne le montre pas suffisamment. Les nominations dans ces établissements se feront avec la ministre de l'enseignement supérieur du mois de novembre au mois de janvier. Mais il est vrai qu'il existe aussi des endroits où ces pratiques nouvelles rencontrent plus de difficultés.

Une autre nouveauté n'a pas été bien cernée : nous sommes entrés dans un dialogue avec les universités, dont les ESPE sont des composantes, afin de mettre en place un système d'accréditation, sur la base d'un certain nombre de recommandations et d'exigences que le ministère employeur pouvait faire valoir. Je remercie d'ailleurs le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui a compris, accepté et accompagné cette démarche, ainsi que la Conférence des présidents d'université, qui se réunit ce matin.

Nos exigences sont tout à fait nouvelles. Il y a tout d'abord des exigences disciplinaires. Nul ne pourra compter sur moi pour faire baisser le niveau d'exigence disciplinaire des professeurs dans notre pays, et tous ceux qui s'y risqueront feront un mauvais procès et seront démentis. La question de la transmission des savoirs est absolument centrale, et il faut respecter cet aspect du métier. Il y a également des exigences didactiques. Elles n'ont pas la place qu'elles devraient avoir dans notre pays, mais nous progressons depuis quelques années. Quant aux autres exigences, c'est tout ce que la nation demande à l'école : l'accompagnement des enfants en situation de handicap, la gestion des conflits, la psychologie cognitive pour mieux adapter les apprentissages – je pense au débat sur la maternelle –, l'égalité entre filles et garçons ou encore les questions de santé publique.

Nous professionnalisons ces écoles, nous leur donnons une identité, nous essayons d'y briser, comme beaucoup d'entre vous l'ont souhaité, cette césure entre l'école et le collège, si préjudiciable à l'apprentissage des élèves et à la mise en place du « socle » par lequel la loi de 2005 visait à rapprocher les professeurs des écoles et ceux du secondaire. Si je souhaite qu'il existe un socle commun pour tous les élèves de France, les ESPE permettront qu'il en existe également un pour les enseignants. La séparation que nous créons entre les élèves, nous la créons dès l'origine entre les adultes dans l'éducation nationale. Il faut regrouper par moments les professeurs du primaire et ceux du secondaire, mais également ceux qui se destinent aux métiers de l'éducation. Je veux rappeler que ces écoles s'appellent bien « écoles supérieures du professorat et de l'éducation », car le quatrième master prépare en effet aux métiers de l'éducation.

Ensuite, il faut examiner la question de l'organisation du temps et de la place centrale de l'enfant dans notre pays, même si nous le reverrons sans doute avec l'amendement sur la prorogation du fonds d'amorçage. Ce n'est pas que le temps scolaire ne soit pas suffisant : c'est qu'il est un mauvais temps scolaire Toutefois, ce qui se passe après ce temps scolaire, comme nous l'avons vu hier à l'occasion d'une question qui m'a été posée, n'est pas à la charge de l'éducation nationale. L'école enseigne et instruit ; il revient ensuite à la société de s'occuper de sa jeunesse. Il ne s'agit donc pas pour l'école de réduire le temps scolaire, mais d'en fournir un meilleur : tout le monde l'admettra. Par contre, quand la prise en charge du temps restant relève de la communauté des adultes – collectivités, parents ou associations –, nous voyons combien il est difficile de faire de la jeunesse une réelle priorité, et le dialogue entre les uns et les autres n'est d'ailleurs pas simple.

Au coeur de ce budget, il y a le rétablissement de la formation des enseignants, donc la possibilité pour eux de devenir pendant une année des professeurs stagiaires, c'est-à-dire des professeurs qui vont enseigner quelques heures tout en étant formés – et c'est ce qui coûte cher. La grande réforme est bien là et portera des fruits à terme, pour la réussite de nos élèves, qui est l'objectif, mais elle n'est pas facile à mener. Pour le primaire, nous tentons de recoudre le tissu qui a été abîmé, et qui fonctionnait naguère assez bien : les maîtres formateurs, les écoles d'application, une implication générale dans les écoles.

Mais, pour le secondaire, nous avons encore à faire preuve d'invention. Nous devons cheminer tous ensemble et avec les universités, recherche incluse. On a assez gâché de chances et de moyens : il s'agit cette fois de réussir. Sachez que je suis totalement impliqué. Les ESPE sont déjà ouvertes, elles ont leur sigle ; à la rentrée prochaine, le dispositif pour les stagiaires sera complètement en place, après deux ans de période intermédiaire. Certaines ont été accréditées pour cinq ans, d'autres pour un an seulement car elles doivent représenter leur projet, jugé à l'époque insatisfaisant. Par conséquent, à la rentrée 2014, le fonctionnement sera plus serein, y compris pour les stagiaires.

S'agissant de la continuité scolaire, à la question sur le lien entre l'école et le collège, je réponds que c'est la grande affaire de la France. Nous faisons des lois… et puis nous ne les appliquons pas. Ce fut le cas de la loi sur les cycles en 1989, puis de celle sur le socle en 2005. L'interrogation, c'est l'esprit scientifique, et vous savez que ce que disait Bachelard de la formation de l'esprit scientifique : « une erreur rectifiée ». On doit donc commencer, ce que l'on ne sait pas faire dans le système français, non pas à accepter l'erreur, mais à être capables de l'analyser ensemble : tel est le sens de la refondation de l'école. Nous sommes confrontés à des faits issus d'un héritage séculaire, comme la journée de classe – à ce propos, le problème perturbant n'est pas la demi-journée, dont d'ailleurs personne ne parle alors qu'elle est fondamentale, mais la journée elle-même, et cette réforme ne s'inscrit pas dans une durée de quatre ans mais dans une perspective séculaire, les six heures par jour relevant d'une organisation du temps très ancienne. Dans le cadre de la continuité école-collège, nous mettons en place les conseils école-collège que j'ai évoqués. Là où il en existe déjà, notamment dans l'éducation prioritaire, ils fonctionnent très bien. De plus, dans la réforme du collège que nous allons mener, mais aussi dans l'éducation prioritaire, on donnera aux équipes pédagogiques le maximum de moyens pour organiser leur travail collectif. C'est cette année que ces conseils doivent se mettre en place. Vous les avez votés, ils doivent permettre d'avancer dans la continuité scolaire.

Cette continuité est indispensable, surtout pour les 15 à 25 % d'élèves qui ne réussissent pas. Notre système scolaire marche plutôt bien pour un grand nombre d'élèves – ne culpabilisons pas toujours –, mais il commence à très mal fonctionner pour une proportion de plus en plus importante de la population scolarisée – cette spécificité française, vous allez le voir, nous sera rappelée bientôt. C'est à ces élèves que nous devons nous adresser. Opposer la réussite des uns à celle des autres est une erreur. Les pays qui réussissent le mieux sont ceux qui font réussir tous ensemble et qui élèvent le niveau de chacun. On ne construit pas une élite efficace sur l'échec de 20 % à 25 % des élèves – au passage, je note que la nôtre est en train de baisser au regard des critères de performances d'excellence. C'est une idée totalement fausse de croire le contraire, aussi faux que de croire – même si c'est dans la représentation collective, y compris chez les parents – que la mixité sociale ou scolaire peut être un handicap à la réussite éducative. C'est l'inverse : le tri, c'est l'échec. Et la France est en échec. La mixité, l'éducation en commun, c'est la réussite. Voilà l'ambition que je porte, et je pense qu'elle l'est par tous les républicains.

J'ai déjà abordé le thème de l'éducation prioritaire. Notre pays a besoin de réformes de structure. Tout le monde en demande, et nous sommes ici en présence d'une immense réforme de structure qui engage l'avenir du pays. La Cour des comptes a donné des éléments de réflexion. Je rappelle que ce type d'éducation couvre 20 % des élèves, souvent les plus en difficulté, et dans des proportions considérables dans certains secteurs géographiques. Les écarts entre ces élèves et ceux qui réussissent se sont accrus dans des proportions inacceptables pour nous tous – j'aurai bientôt à votre disposition des chiffres impartiaux et internationaux sur le sujet. Cela suppose donc une action spécifique. Quel curieux pays que le nôtre : les performances du système éducatif en primaire y sont de 30 % inférieures à celles des autres pays de l'OCDE, et pourtant nous savons tous que c'est là que tout se joue ! Je suis frappé de ce fait comme chacun d'entre vous, qui vous le vivez dans vos territoires et, naturellement, dans votre conscience.

Nous devons arriver à corriger cela ensemble. Des ministres qui n'appartenaient pas à mon orientation politique ont eux-mêmes souhaité le faire, et pourtant ils n'y sont pas arrivés. Il en va de même pour l'éducation prioritaire. Le système éducatif prévoit des décharges de service, reconnaît la pénibilité – un critère d'excellence, paraît-il, dans l'éducation nationale… – mais, très curieusement, celle-ci n'est pas reconnue pour les enseignants qui s'occupent des élèves dans les quartiers les plus difficiles. Ce qu'ils font pour la nation est considérable, surtout aujourd'hui car c'est de plus en plus difficile, et pourtant ils n'ont pas une seule heure de décharge : juste une prime de 100 euros ! Si on enseigne – peut-être certains d'entre vous ont-ils eu comme moi cette chance – dans des lieux dits d'excellence, on obtient très facilement une décharge de service. Quel curieux pays, je le répète, que le nôtre : qui peut considérer que les choses marchent telles qu'elles doivent marcher ? Il ne s'agit pas de déshabiller les uns pour habiller les autres, mais il y a tout de même là un impératif de justice, un impératif de reconnaissance, corollaire de l'objectif impérieux de faire réussir tous les élèves. Il est indispensable aujourd'hui que nous soyons capables de nous fixer des objectifs en matière d'éducation prioritaire, dans la perspective de redessiner celle-ci. Il s'agit d'améliorer les performances scolaires qui sont les nôtres, en particulier au regard de la mesure de l'inégalité, plus forte en France que dans la plupart des autres pays de l'OCDE.

J'ai souhaité, comme je l'ai fait pour les programmes, consulter les acteurs de l'éducation prioritaire, j'ai même instauré pour ce faire une demi-journée banalisée. Cela n'avait pas été fait depuis longtemps. Le fruit de ces échanges sera restitué dans des assises interacadémiques le mois prochain. Puis, en janvier, sur la base de toutes ces réflexions et d'un travail conduit depuis déjà plus de six mois sur la modernisation de l'action publique, naturellement en coordination avec le ministère de la ville qui va revoir les périmètres, je donnerai les orientations. Mais, comme sur le temps scolaire, comme sur les programmes, comme sur la priorité au primaire ou sur les ESPE, je vous annonce dès aujourd'hui que je souhaite une vraie réforme de l'éducation prioritaire. Il y a là, en effet, un enjeu de cohésion sociale, mais aussi un considérable enjeu de réussite éducative pour tout le pays, qui suppose de faire enfin une réforme de structure.

Encore quelques mots sur l'enseignement scientifique et sur le Conseil supérieur des programmes – et je salue les députés ici présents qui font partie de cet organisme. J'ai dit à son président, lors de la séance d'installation, que je comptais m'éloigner de l'élaboration des programmes. Je ne crois pas que ce soit au ministre, qui est un homme politique – certains me le reprochent assez –, d'écrire les programmes. Je ne crois pas que ce soit au ministre qui a souhaité un conseil des programmes et un conseil de l'évaluation indépendants, qui a voulu que les parlementaires, y compris ceux de l'opposition, y soient représentés, de dire : « Voilà le programme de travail, voilà le calendrier et les contenus du Conseil supérieur des programmes. » Ce serait une contradiction. J'ai bien noté que nous en avons été capables dans le passé, que le principe de non-contradiction n'était pas toujours respecté dans nos activités ; mais moi, je le respecterai. Mon droit, c'est la saisine : je saisis donc le Conseil supérieur des programmes sur la refonte par cycle que vous avez votée, sachant qu'il y a toujours un décalage d'une année entre le programme et la production des manuels. En maternelle, cependant, il n'y a pas de manuel : le programme y sera donc appliqué dès 2014, et en 2015 pour les premières années de cycle. Nous devons mener en même temps la réforme de l'éducation prioritaire et celle du collège, et je veux donc, bien sûr, qu'on se pose dès maintenant la question de savoir ce que nous souhaitons comme programmes. J'ai saisi le Conseil supérieur des programmes à cet effet. La notion de programme elle-même et notre façon de les élaborer peuvent soulever des questions. Il y a une réflexion à mener là-dessus. Je rappelle que dans nombre de pays, il est procédé autrement : les accompagnements des enseignants – la liberté pédagogique, les objectifs – y sont plus importants.

J'ai souhaité confier la présidence du Conseil supérieur des programmes au recteur Boissinot. C'est une façon de reconnaître un talent, une autorité, une honnêteté et une obstination, tout en montrant à ceux qui font des remarques qui ne les grandissent pas que mon état d'esprit est collectif et que c'est d'abord le fond des problèmes qui m'intéresse. J'ai confié la vice-présidence à Anny Cazenave, membre de l'Institut, une scientifique de grande valeur – il y en a d'autres d'ailleurs dans le Conseil –, car je considère que l'enseignement scientifique est en grande difficulté dans notre pays, des chiffres vont vous le démontrer malheureusement une nouvelle fois, y compris, bientôt, pour les mathématiques, ce qui est navrant quand on songe à l'école mathématique française… Je saisirai le Conseil pour qu'il envisage tous les moyens, y compris l'interdisciplinarité qui vient d'être évoquée, pour surmonter cet écueil. Cela vaut pour les mathématiques mais aussi pour l'esprit scientifique. Il s'agit de préparer nos ingénieurs et nos techniciens de demain, qui nous font aujourd'hui défaut, et d'augmenter les effectifs féminins qui se destinent à ces métiers. À cet égard, mon ministère travaille sur les représentations collectives et, bien entendu, sur l'orientation. Il est indispensable de rattraper notre retard en ce domaine.

S'agissant des projets éducatifs de territoire, ils ont fait l'objet d'un bilan très précis, sous le couvert du directeur général de l'enseignement scolaire, ici à mes côtés et que je remercie. Les estimations indiquent que sur les quelque 1 000 activités péri-éducatives analysées, à peine 10 % est consacré aux activités scientifiques. Nous avons une marge de progression ; il faut que nous mobilisions les compétences, les réseaux, les associations, et que tous ceux qui sont chargés de cette question soient informés des ressources existantes. La question de l'enseignement scientifique est tout à fait déterminante et je vous remercie de vous y intéresser. Elle est évidemment devant nous. C'est une des missions centrales du Conseil supérieur des programmes. J'espère avoir créé les conditions et les équilibres qui lui permettront de travailler sereinement et sur le fond, ce qui importe aux parlementaires comme au ministre.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces premières réponses. Ce sont maintenant les orateurs des groupes qui vont s'exprimer.

M. Yves Durand, pour le groupe SRC. Monsieur le ministre, merci, tout d'abord, de vos réponses à nos rapporteures. Le budget que vous nous présentez est évidemment conforme aux orientations de la loi sur la refondation de l'école que nous avons votée récemment, en cohérence parfaite avec les priorités que vous avez vous-même données et que nous y avons inscrites. Vous avez dit une phrase importante : « Nous faisons des lois… et puis nous ne les appliquons pas. » Vous avez parfaitement raison, et cette loi devrait rompre avec une funeste tradition. Il faut que ce texte soit appliqué, car il est fondamental non seulement pour la refondation de l'école, mais aussi, vous l'avez souvent dit et Mme Delga l'a rappelé, pour celle de la République. Or il y a un point essentiel qui est coeur de cette loi et sans lequel il n'y aura pas de réussite de la refondation : c'est la formation des enseignants. Tous les rapports, qu'ils soient internationaux ou nationaux, qu'ils émanent de l'OCDE ou de la Cour des comptes, montrent que tout pays qui réussit est un pays qui forme ses enseignants. Vous en avez fait une priorité, ce qui, je ne crains pas de le dire, est une véritable révolution culturelle pour tout le monde. Il s'agit d'une nouvelle formation. On ne va pas refaire ce qui a été déjà fait.

Un si profond changement requiert évidemment l'attention de tous et un pilotage extrêmement rigoureux, car ce n'est pas facile. Vous l'avez dit vous-même : l'installation des ESPE, au coeur de la formation des enseignants, présente, et c'est tout à fait normal, un certain nombre de difficultés, comme toute nouveauté. Dans le cadre de l'autonomie des universités, il est nécessaire d'assurer l'égalité devant la formation pour tous les stagiaires, et ce n'est pas simple. Comment assurer une véritable professionnalisation du métier, et non pas refaire une simple jonction entre le disciplinaire et le professionnel ? Comment obtenir une véritable formation intégrée, comme nous l'avons écrit dans la loi ? Pour surmonter ces difficultés, il faut qu'il n'y ait pas de problème de pilotage, et je vous demande donc comment vous comptez piloter cette formation au niveau des différents ministères. La pluralité des ministères concernés constitue, en effet, une difficulté supplémentaire, même s'il faut reconnaître que, pour une fois, il y a une coordination parfaite entre le ministère de l'éducation nationale et celui de l'enseignement supérieur. Comment permettre une véritable professionnalisation et suivre le travail des ESPE au regard des exigences de la loi ? En tant que rapporteur de la loi sur la refondation de l'école, telles sont les questions relatives au pilotage et au calendrier que je me pose.

Je rappelle, mais chacun le sait ici en tant que représentant de la nation, que le Parlement vote les lois, mais contrôle également la manière dont elles sont appliquées. C'est notre tâche. C'est pourquoi, pour la première fois, nous avons prévu, dans son dernier article, un comité de suivi. Il est urgent de le créer – cela dépend d'un décret –, d'en nommer les membres et de le faire travailler.

Voilà, monsieur le ministre, le point sur lequel je voulais insister : la formation des enseignants. Elle est essentielle pour notre école.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je vous remercie, mon cher collègue, d'avoir rappelé l'importance de notre rôle d'évaluation et de contrôle.

M. Frédéric Reiss, pour le groupe UMP. Ce budget de l'enseignement scolaire est évidemment le plus important de l'État. Il l'était hier, il l'est aujourd'hui et j'espère bien qu'il le restera demain. Notons que les dépenses de personnel, pensions comprises, représentent 93 % des crédits ouverts.

Monsieur le ministre, votre discours, notamment sur la formation, est séduisant, mais la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, qu'on le veuille ou non, a débouché d'abord sur des créations massives de postes. Vous avez privilégié le quantitatif au détriment du qualitatif et la Cour des comptes ne s'y est pas trompée puisque, dans son rapport de 2013, intitulé « Gérer les enseignants autrement »,elle insiste assez sur le sujet.

Ce budget qui doit mettre en oeuvre, monsieur le ministre, votre chef-d'oeuvre de la refondation de l'école (Sourires)... Eh oui, c'est un compagnon du devoir ! Ce budget soulève cependant un certain nombre de questions. L'augmentation du nombre des enseignants améliore-t-elle la performance de notre système scolaire ? Non, et l'évolution comparée des effectifs d'enseignants et d'élèves au cours des quinze dernières années est suffisamment explicite à ce sujet. Qu'en est-il du statut des enseignants ? Sa réforme aurait dû être un préalable à la loi pour la refondation de l'école. Là encore, la Cour des comptes estime qu'une réforme d'ensemble des modalités de gestion des personnels enseignants était nécessaire. Les ESPE dont vous parlez beaucoup sont un début de réponse, en affichant une nouvelle formation professionnalisante, mais attention à ne pas construire de nouveaux bastions du pédagogisme constructiviste. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Souvenons-nous des IUFM !

Le budget reste satisfaisant, et même très satisfaisant, en matière de scolarisation des enfants handicapés. D'énormes progrès ont été réalisés au cours de cette dernière décennie, disons-le. Si l'accompagnement scolaire doit être développé, prenons garde tout de même à sa complexification. Le programme 230 « Vie de l'élève » détaille les dépenses d'intervention entre AVSCO, AVSM et AVSI – entre le collectif, le mutualisé et l'individuel. Il favorise l'inclusion scolaire des élèves handicapés, et c'est bien là l'essentiel.

S'agissant de la performance des élèves, je voudrais, à l'occasion de la présentation de ce budget, relever la hausse médite du niveau en maternelle. Monsieur le ministre, vous et votre majorité n'avez pas beaucoup parlé de ce qui était pourtant la bonne nouvelle de la rentrée 2013 : entre 1997 et 2011, le niveau des élèves de l'école maternelle s'est largement amélioré. Une note de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance constate que les élèves forts comme les moins bons ont tous progressé durant ces quatorze années, d'une manière très significative puisque le score au-dessous duquel se situaient les 10 % d'élèves les plus faibles en 1997 reste non atteint par 3 % des élèves seulement en 2011. Et que – chose qui devrait particulièrement réjouir les collègues de la majorité comme nous nous en réjouissons nous-mêmes – les enfants des milieux défavorisés progressent autant, sinon plus, que les autres. Quels enseignements en tirez-vous, monsieur le ministre ?

Je regrette profondément que l'indicateur 11 du programme 140 n'ait pas été renseigné en 2012, pas plus qu'il ne le sera en 2013, car les résultats des évaluations sont restés au niveau des écoles sans remonter à celui du ministère. Pourtant, dans la dynamique des bons résultats de maternelle, il serait précieux de connaître la proportion des élèves maîtrisant en fin de CE1 les compétences du palier 1 du socle commun. Pour nous, c'est important.

Je n'ai pas trouvé non plus la volonté de développer ces liaisons entre l'école et le collège dont vous avez parlé et qui sont pourtant annoncées dans la loi sur la refondation de l'école. Là encore, je vais faire référence à la Cour des comptes qui, dénonçant l'étanchéité entre le premier et le second degré, avait consacré à ces liaisons l'une de ses dix-neuf recommandations. Alors, comment allez-vous progresser sur l'école du socle ?

Enfin, vous n'avez pas beaucoup parlé des directeurs d'école, auxquels j'attache une très grande importance, comme vous le savez. Leur formation continue représente 1,11 million d'euros, ils suivent un stage de cinq semaines en début de carrière, et certains seront soulagés dans leurs multiples tâches quotidiennes par des emplois aidés, mais cela n'est pas suffisant. Monsieur le ministre, vous avez ouvert des discussions sur la fonction de directeur qui est, selon moi, un métier à part entière. Où en êtes-vous aujourd'hui ? Si le rôle des directeurs dans la réforme des rythmes scolaires n'a jamais été clairement établi – et c'est bien dommage –, c'est aussi parce qu'ils manquent d'un statut.

Je laisse mes collègues de l'opposition le soin dire tout le mal que nous pensons de la réforme des rythmes scolaires, ce « voyage au pays de l'absurdie » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) dont a parlé la presse, qui mécontente élèves, enseignants, parents et élus locaux.

Pour conclure, je voudrais dire combien je souscris à l'objectif, annoncé par Julie Sommaruga, d'une nouvelle démarche scientifique au sein de l'éducation nationale, à tous les niveaux. Monsieur le ministre, nous prendrons toute notre part pour développer les sciences à l'école, que ce soit au niveau de la formation ou à celui de l'enseignement lui-même.

Mme Sonia Lagarde, pour le groupe UDI. Le Gouvernement a choisi de donner un signal fort de mobilisation pour la jeunesse. Il fallait, nous l'avons bien compris, rompre avec les choix qui ont précédé. Mais nous pouvons au moins nous poser quelques questions quant à la pertinence de certaines dépenses, au regard notamment des objectifs de la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

À cet égard, je souhaite intervenir sur quatre points. Le premier concerne le programme 140, « Enseignement scolaire public du premier degré ». Ce programme manifeste un effort budgétaire important, destiné à la formation des personnels enseignants : plus de 140 millions d'euros en crédits de paiement. Fort logiquement, cet effort se retrouve, renforcé, dans le programme 141, « Enseignement scolaire public du second degré », dont les crédits de paiement passent de 142,5 millions d'euros à plus de 322 millions. Le Gouvernement affiche là sa volonté d'une « véritable refondation pédagogique ».

Comment expliquer, dans ces conditions, que le préalable à l'ensemble de cette démarche ne soit toujours pas défini, alors même qu'il se trouve hors du cadre législatif depuis la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République ? Je veux parler du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Et l'on ne sait toujours pas, presque deux mois après la rentrée scolaire, si le Conseil supérieur des programmes est parvenu à redéfinir ce socle. Autrement dit, quel sens donnez-vous à cette refondation pédagogique sans socle, au poids budgétaire sans précédent ?

Deuxième point : le programme 408, « Internats de la réussite ». Les internats d'excellence avaient été très rudement critiqués par l'opposition d'hier pour leur coût jugé excessif. Finalement, il semble que l'on ait changé l'étiquette sans réellement modifier le produit. Certes, un bon slogan a été trouvé : « De l'internat d'excellence à l'excellence de tous les internats », et le principe d'une collaboration avec les collectivités locales est maintenu. Ce programme d'investissement d'avenir conserve l'Agence nationale pour la rénovation urbaine comme opérateur, ainsi que l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. S'y ajoute, il est vrai, une charte, mais son contenu n'évoque rien de concret, notamment du point de vue des objectifs pédagogiques. En revanche, le nombre de places offertes est très fortement augmenté, et le coût moyen d'investissement par place est toujours aussi élevé : 30 700 euros, somme qui avait suscité de vives critiques.

Je poserai donc deux questions sur ce programme. Quelle cohérence pédagogique et quel niveau d'exigence entre la logique des internats d'excellence et l'extension de ce projet à un plus grand nombre de places d'internat ? Comment comptez-vous atteindre un coût moyen de 25 000 euros en 2017 ?

Mon troisième point concerne le programme 230, « Vie de l'élève ». Ses crédits de paiement baissent substantiellement sur la ligne « action éducative complémentaire aux enseignements ». N'y a-t-il pas là une contradiction entre les objectifs affichés d'amélioration des résultats des élèves, de mise en place des nouveaux rythmes scolaires et le désengagement de l'État de ses actions qui concourent pourtant directement à la réalisation de ces projets ?

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