Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 24 octobre 2013 à 9h35
Commission élargie : justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Je suis très heureux d'accueillir Mme la garde des sceaux dans le cadre de la première commission élargie à laquelle participe la commission des lois. Les quatre avis que notre commission rend sur les crédits de la mission « Justice » passent rapidement sur les questions budgétaires, largement traitées par le rapporteur spécial de la commission des finances, pour se concentrer chacun sur un thème particulier qui s'inscrit dans la mission de contrôle qui nous incombe.

Jean-Yves Le Bouillonnec a travaillé sur les crédits de la justice administrative – qui ne relèvent pas de cette mission à proprement parler – et de la justice judiciaire, abordant spécifiquement la question des frais de justice, un sujet essentiel et préoccupant dans le contexte budgétaire actuel.

Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis pour les crédits relatifs à l'administration pénitentiaire, a traité le problème de la sécurité dans les établissements.

Jean-Michel Clément, rapporteur pour avis pour les crédits relatifs à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), a abordé la question de la prise en charge éducative des mineurs incarcérés.

Enfin notre commission salue le travail sur l'aide aux victimes que Nathalie Nieson, rapporteure pour avis pour les crédits relatifs à l'accès au droit et à la justice, a effectué cette année à l'initiative de la garde des sceaux. Nous espérons tous que ses préconisations seront suivies d'effets, permettant d'élaborer et d'appliquer des mesures concrètes. Son avis porte sur l'accès au droit et l'aide aux victimes dans le cadre des procédures de jugement rapide ou simplifié.

M. Étienne Blanc, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour les crédits relatifs à la justice. « La justice coûte cher. C'est pour ça qu'on l'économise », disait Marcel Achard. En 2014, le budget de la justice augmente de 1,7 % ; le taux d'inflation étant de l'ordre de 1,3 %, l'augmentation nette représente 0,4 %. Sur les dix dernières années, entre 2003 et 2013, ce budget a crû de quelque 53,8 % ; corrigée de l'inflation de 18,8 %, l'augmentation effective représente 34,48 %, soit environ 3,4 % par an. Le PLF 2014 signe donc un ralentissement de l'augmentation du budget de la justice. Comment le justifier ? À quelles conséquences peut-on s'attendre ?

Ce budget traduit une augmentation des dépenses d'investissement mais une diminution de celles de fonctionnement. Sur l'année 2012, les délais de traitement des procédures civiles et pénales – indicateur mesurant la rapidité d'intervention de la justice – se sont dégradés. Quelles seront les incidences de la diminution des dépenses de fonctionnement sur ce phénomène ?

Les effectifs de la magistrature constituent un autre sujet de préoccupation. Les plafonds d'emploi augmentent ; pourtant, certains postes de magistrats restent non pourvus, et le nombre global de magistrats stagne, voire diminue. Quelles mesures entendez-vous prendre pour pourvoir aux postes créés ?

Dans les documents qui nous ont été remis, deux indicateurs de performance sur l'exécution des peines ne sont pas renseignés : le taux de mise à exécution des peines et le délai moyen d'exécution des peines. Il serait souhaitable que ces paramètres essentiels nous soient communiqués l'année prochaine. De manière générale, sur l'année 2013, on constate une dégradation dans le rythme et le taux d'exécution des peines. Quelles en sont les causes ? Quels moyens le Gouvernement mettra-t-il en oeuvre pour y remédier ?

La diminution des crédits alloués aux frais de justice pose un sérieux problème aux magistrats. À l'occasion d'une visite à la Cour d'appel de Lyon, j'ai appris que, pour boucler l'année 2012, le président de la Cour avait été obligé de puiser dans les crédits de fonctionnement à hauteur de quelque 8 millions d'euros. Après retraitement des frais postaux et des conséquences de la réforme de la médecine légale, la diminution des moyens prévus pour les frais de justice est de l'ordre de 4 %. Le Gouvernement n'a-t-il pas sous-estimé les besoins des juridictions en la matière ? Il indique qu'il essaiera de maîtriser l'évolution des frais de justice ; quelles mesures effectives compte-t-il prendre ?

En matière de performance du service pénitentiaire, on constate une dégradation des ratios : ainsi, le taux d'occupation des établissements pénitentiaires est passé de 113,2 % au début de 2012 à 117 % au 1er janvier 2013 ; celui des places en maison d'arrêt augmente de 124 % en 2011 à 133 % en 2013. Il en va de même pour le nombre de détenus par cellule. Entre le 1er janvier 2012 et le 1er juillet 2013, le Gouvernement a créé quatre-vingt-quatre places de prison ; il annonce aujourd'hui la création de 6 500 places à l'horizon 2017. Compte tenu du ralentissement observé en 2013, le Gouvernement peut-il indiquer précisément le détail des créations de places dès 2014 ?

Le budget du programme 182 – consacré à la PJJ – est en baisse, alors que les dépenses de rémunération augmentent. Il est nécessaire d'agir rapidement : depuis une dizaine d'années, les délais de traitement des infractions commises par les mineurs se sont considérablement réduits ; ne craignez-vous pas que la réduction des dépenses de fonctionnement en 2014 puisse dégrader ces ratios ?

Le progrès que le Gouvernement affiche en matière d'accès au droit constitue une illusion d'optique. En réalité, la suppression de la contribution pour l'aide juridictionnelle (CPAJ) qui représente 60 millions d'euros, le renoncement au projet de modulation de l'unité de valeur et la mise en oeuvre de plusieurs mesures visant à maîtriser le nombre d'admissions à l'aide juridictionnelle posent question. Dans ce contexte, madame la garde des sceaux, pouvez-vous nous exposer les mesures qui seront prises pour maintenir l'accès au droit, alors même que les crédits sont en diminution ? Le Gouvernement doit s'expliquer précisément sur cette question.

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