Intervention de Stéphane le Foll

Réunion du 22 octobre 2013 à 17h15
Commission des affaires économiques

Stéphane le Foll, ministre de l'Agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt :

Merci Monsieur le Président. Il est toujours difficile de contenter tout le monde, nous le savions et je l'assume. En ce qui me concerne, ma position n'a toutefois pas varié. Dès l'origine, M. François Hollande et moi-même avions pour objectif de rééquilibrer le système d'aides, sans déséquilibrer les exploitations. Aujourd'hui, nous allons redistribuer un milliard d'euros, au travers de l'ensemble des mesures, vers l'élevage et les zones de handicaps naturels. Cette décision nous permettra de maintenir des exploitations agricoles dans des zones où, soyons honnête, elles éprouvent des difficultés structurelles à perdurer. Si certains ne partagent pas ce constat et ses conséquences, qu'ils l'assument. De notre côté, nous assumons notre choix.

S'agissant des aides sur les 52 premiers hectares, certains d'entre vous ont tenté d'opposer l'intensif à l'extensif. C'est un fait, toutes les exploitations bénéficieront de ces aides. Certes la quantité de travail à fournir ou la taille de l'exploitation varient selon les filières, par exemple entre l'élevage et la production végétale, mais ce n'est pas le fait d'une décision du ministre ! Ce sont simplement les conditions de productivité du travail qui l'imposent. Je ne peux pas laisser dire que je pénalise les zones extensives.

Concernant la convergence des aides, il s'agit d'une décision prise par M. Jacques Chirac en 2003. La surprime sur les 52 premiers hectares est un choix stratégique, qui vise à maintenir des exploitants agricoles. Nous avons tous des exemples en tête, chaque fois qu'un GAEC perd un chef d'exploitation, le montant des aides diminue. Il s'agit donc de rendre les choses plus transparentes afin de garantir que lorsqu'un GAEC rassemble initialement x membres, il soit toujours formé du même nombre de personnes. Or, à mes yeux, une politique publique mettant en oeuvre 7,7 milliards d'euros doit tenir compte de l'emploi. Bien évidemment, ce choix, qui me semble juste, ne remet pas en cause notre logique de maintenir en France tous les types d'agriculture.

Certains d'entre vous m'ont demandé quel était mon projet agricole ? Ma réponse est claire : combiner, au travers des formes collectives de l'exploitation agricole, la performance économique et l'agro-écologie. Sur le premier point, il nous faut maintenir, voire améliorer, notre niveau de production alors que, je le rappelle, les rendements céréaliers n'ont pas évolué en vingt ans dans notre pays. C'est pourquoi à l'occasion du colloque sur l'agro-écologie auquel j'ai participé à l'INRA, j'ai fixé des indicateurs au rang desquels figure le niveau de la production. Il nous faut produire de manière intelligente, alors que les rotations de demain ne seront pas celles d'aujourd'hui. Sur le second point, tous les agronomes considèrent aujourd'hui comme un impératif de combiner l'économie et l'écologie. J'en suis moi-même convaincu. Des agriculteurs mobilisés sur la performance économique et écologique au service de l'ensemble de l'agriculture, voilà mon projet. Chaque semaine, je vois dans la France agricole se créer des groupements d'intérêt économiques et environnementaux, en Haute-Marne pour citer un exemple, afin de regrouper les forces et de construire des modèles de production plus économiques et plus écologiques. L'examen du projet de loi relatif à la loi d'avenir sera justement l'occasion de discuter de la mise en place de ces GIEE.

Contrairement à ce qui a été avancé par certain, la PAC ne se renationalise à l'échelle européenne. Les écarts entre les différents pays étaient beaucoup plus importants dans le cadre actuel que ce qu'ils seront au terme de la nouvelle PAC s'agissant des droits à paiement unique (DPU). Il ne s'agit pas d'une renationalisation. Néanmoins, il nous a fallu trouver des adaptations pays par pays du fait de la mise en place de la convergence des aides. En effet, ce choix vise à ramener tout le monde au même niveau à l'échelle européenne. Or, pensez à la France, à l'Espagne, à l'Italie, ou d'autres, c'est impossible en quatre ans ! La politique agricole commune est de plus en plus commune, mais la transition suppose des adaptations.

S'agissant des aides à l'installation, nous avons effectivement retenu 1 % de l'enveloppe et non 2 %. Rappelons-le, près de 6 000 jeunes agriculteurs bénéficient du cadre actuel. En comptant les installations hors-cadre, près de 8 000 jeunes agriculteurs s'installent chaque année. Nous nous sommes fixés comme objectif d'atteindre 10 000 installations. Pour ce faire, nous avons estimé les besoins financiers et fondé notre décision à partir de ces estimations. Si nous avions retenu 2 % et que la somme n'était pas totalement dépensée, vous m'auriez convoqué pour me reprocher de mobiliser de l'argent public sans être capable de le dépenser utilement. Nous avons simplement ajusté l'enveloppe à nos besoins. Pour rappel, le premier pilier ne constitue qu'une une possibilité de financement tandis que le deuxième pilier, qui est conservé, est une réelle source de financement. Au total, près de 200 millions d'euros seront consacrés à l'aide à l'installation. Tant mieux ! Il nous faut poursuivre cette action.

En ce qui concerne la production ovine, la garantie des aides couplées est assurée. Certes, il y a un débat sur les estives ou sur les prairies. Sur ce point, toutes les zones de compensation de handicap verront leurs aides revalorisées, en particulier la production bovine, qui est particulièrement concernée. Je vous rassure, personne n'a l'intention de pénaliser la production ovine, qui n'est d'ailleurs pas la plus épargnée aujourd'hui.

Je ne reviendrai par sur la carte électorale, il n'y a pas de sujet.

Il nous faut faire des choix économiques. Prenons le système laitier français : un GAEC composé de trois associés et produisant 600 000 ou 800 000 litres, conformément aux quotas, demeure compétitif par rapport à des productions de 5000 ou 10 000 vaches en Afrique du sud. Il n'y a pas lieu de craindre d'être dépassé en termes de compétitivité ou de production. Nous en sommes convaincus, le modèle collectif demeure pertinent.

J'en viens à présent à la filière céréalière. Suite aux études que nous avons menées, nous avons décidé de conserver une aide à l'hectare, qui sera revalorisée pour les 52 premiers hectares, et baissera au-delà de 100 hectares. En moyenne, elle atteindra un montant de 200 euros, conformément à l'objectif que nous nous étions fixé pour maintenir aux zones céréalières des conditions de production équivalentes, ou un peu plus faibles mais toujours convenables, par rapport à d'autres pays producteurs de céréales. N'y voyez pas le choix de renoncer à une agriculture française économiquement performante. La baisse de la production et le fait que la France se soit fait dépasser ne date pas d'hier. En tout état de cause, on ne peut accuser la prochaine réforme : cette baisse a débuté il y a 15 ans – ne chipotons pas sur les dates ! – et s'est déroulée dans le cadre actuel. Le nouveau cadre vise à inverser la tendance.

La rénovation des bâtiments d'élevage concernera des productions qui ne touchent rien aujourd'hui. Je pense notamment à la production porcine et à la production de volaille. Les bretons comme les élus de montagne savent ce qu'il en est s'agissant de l'évolution de la filière porcine. Dans le même temps, nous tenons compte des exigences écologiques.

Le verdissement de l'agriculture a d'ailleurs été évoqué. Simplifions-nous les choses ou les complexifions-nous ? La réponse est claire. Aujourd'hui, les normes sont établies par type d'exploitation : on surajoute constamment des couches ou des directives. Si vous êtes confronté à un problème phytosanitaire, il existe une directive spécifique. De même pour l'eau, les oiseaux, et demain, l'utilisation des sols. Le droit est établi par strates successives, et c'est aux exploitants de s'adapter. Pour une fois, le dispositif est pensé de manière globale. Les mesures agro-environnementales (MAE) seront renouvelées et, en ce qui me concerne, j'ai pleinement confiance dans les agriculteurs pour combiner économie et écologie. Je vois d'ailleurs ce mouvement à l'oeuvre, sur le terrain. Il ne s'agit donc pas d'une complexification mais d'une simplification. Bien sûr je mesure l'ampleur des progrès à réaliser en ce domaine. C'est d'ailleurs l'objet du projet « agro-écologie » lancé avec l'INRA. La modernisation de l'enseignement agricole, qui sera discuté à l'occasion de l'examen du projet de loi d'avenir, entre dans cette logique. L'enjeu est de faire évoluer les modèles de production afin de sortir du « tout normes environnementales ». En somme, l'essentiel est d'être capable d'arrêter des objectifs environnementaux communs plutôt que de porter des jugements sur les moyens utilisés par les agriculteurs. Ils sont assez grands, il y en a parmi vous, pour savoir comment faire. Nous voulons mettre un terme à cette surréglementation.

Sur la question de la redistribution, nous avons évité d'aller à 100 % de convergence car les transferts auraient eu des conséquences dramatiques, et non compensables, dans certaines zones, notamment d'élevage. S'agissant des 52 premiers hectares, 20 % de l'enveloppe suffisait complètement à nos objectifs en matière de promotion de l'emploi.

Nous aurons un débat suite aux travaux des groupes spécialisés de FranceAgriMer sur chaque filière en matière de production et de débouché. Chaque filière devra fournir des grands choix stratégiques. Je souhaiterais avoir ce débat également à l'Assemblée Nationale, car cela doit bien s'articuler avec la loi d'avenir.

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