Intervention de Christine Pires Beaune

Réunion du 28 octobre 2013 à 15h10
Commission élargie : relations avec les collectivités territoriales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune :

, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour les relations avec les collectivités territoriales. Les collectivités territoriales doivent évidemment contribuer à l'entreprise d'assainissement des finances publiques engagée par le Gouvernement afin de réduire des déficits publics abyssaux. Elles ont d'ailleurs déjà pris part, ces dernières années, à l'effort global de réduction de ces déficits avec le gel en valeur des concours financiers de l'État, mis en oeuvre depuis 2011. L'année prochaine, cet effort sera poursuivi et accentué : en effet, pour la première fois, les concours financiers de l'État baisseront alors de 1,5 milliard d'euros.

Les modalités de répartition de cette baisse ont fait l'objet de nombreuses réunions de travail avec le Comité des finances locales (CFL) et sont conformes aux préconisations de ce dernier. Les associations représentant les différentes catégories de collectivités territoriales, que j'ai interrogées pour préparer ce rapport, ont toutes confirmé que ces modalités étaient conformes à leurs choix respectifs. Cette démarche de concertation, qui a abouti au Pacte de confiance et de responsabilité, conclu entre l'État et les collectivités locales le 16 juillet dernier, mérite d'être soulignée.

Ce pacte prévoit la prolongation en 2015 de l'effort demandé aux collectivités, avec une nouvelle baisse de 1,5 milliard d'euros. Si la nécessité de cette contribution ne saurait être contestée, je considère toutefois qu'elle doit expressément revêtir un caractère exceptionnel, et être limitée aux seules années 2014 et 2015.

Parallèlement à cette diminution non négligeable des dotations, le présent projet de loi de finances met en oeuvre, dans le même cadre du Pacte de confiance et de responsabilité, un ensemble de mesures visant à venir en aide aux collectivités qui rencontrent des difficultés, souvent liées aux effets d'une réforme de la taxe professionnelle insuffisamment préparée.

Je pense notamment à la nouvelle définition du potentiel fiscal des départements, qui a bouleversé la hiérarchie de ces collectivités en termes de richesse, entraînant les conséquences qu'on sait sur les dotations de péréquation. Ainsi le potentiel par habitant de Paris est tombé de 1 090 à 740 euros entre 2011 et 2012 quand, dans le même temps, à l'inverse, celui de la Seine-Saint-Denis passait de 675 à 734 euros. Ces changements ne sont ni justifiés ni justifiables. Pouvez-vous, mesdames les ministres, nous indiquer si le Gouvernement prévoit de modifier la définition du potentiel fiscal des départements, afin que cet indicateur soit plus conforme à la réalité de leur richesse ?

Je me réjouis qu'un article de la première partie du projet de loi de finances organise un transfert de fiscalité dynamique en faveur de ces mêmes collectivités, afin de tenir compte de leurs déficits structurels chroniques : ce transfert, correspondant aux frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties, est évalué à 827 millions d'euros en 2014.

D'autre part, l'article 58 de la loi de finances prévoit d'augmenter le taux plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) afin de financer le reste à charge des allocations de solidarité, le fonds de 827 millions étant largement insuffisant pour tenir les engagements en ce domaine. Or ce dispositif n'est pas satisfaisant dans la mesure où il ne garantit pas le produit attendu. Mesdames les ministres, pouvons-nous envisager un amendement de nature à procurer le produit nécessaire, soit un peu plus d'un milliard d'euros ?

Enfin, je souhaite rappeler que le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles porte création d'un fonds de péréquation des départements de la région Île-de-France, dont les modalités de mise en oeuvre devaient être définies dans le présent projet de loi de finances. Or tel n'est pas le cas. Pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet, qui fait l'objet d'un amendement de notre collègue Marc Goua ?

Pour ce qui est des régions, je constate avec satisfaction qu'elles verront également leur panier de ressources conforté, grâce à un transfert de fiscalité dynamique se substituant à la dotation générale de décentralisation relative à la formation professionnelle et à l'apprentissage.

Autre point positif, ce projet de loi de finances institue un fonds pour aider les collectivités ayant contracté des emprunts structurés à risque. À mes yeux, ce dispositif n'est certes pas parfait, mais il a le mérite de mettre fin à une insécurité juridique qui faisait courir de grands risques au budget de l'État à travers la Société de financement local (SFIL). Il permettra aussi de trouver des solutions pour les petites collectivités en difficulté, dont on peut considérer que certaines ont été véritablement abusées. Je regrette toutefois que la banque Dexia, dont la responsabilité est avérée, soit de fait exonérée de participation à ce fonds. Est-il possible de trouver un mécanisme pour la faire contribuer ? La Cour des comptes, dans un rapport récent, dénonce avec vigueur les retraites chapeaux octroyées aux anciens dirigeants de cet établissement, incitant même l'État à user des voies de recours avant que n'intervienne la prescription, c'est-à-dire avant juillet 2014. Mesdames les ministres, à votre connaissance, l'État compte-t-il suivre cette préconisation ?

Enfin, le présent projet de loi de finances conforte les dispositifs de péréquation. Ainsi la péréquation verticale augmentera en 2014 de 119 millions d'euros, à raison de 109 millions d'euros pour les communes et de 10 millions d'euros pour les départements. Je regrette pour ma part que la dotation de solidarité urbaine (DSU), la dotation de solidarité rurale (DSR) et les mécanismes de garantie ne soient pas recentrés. Aujourd'hui, les communes ne bénéficiant ni de garantie ni de péréquation ne sont qu'un millier.

La péréquation horizontale croît selon le rythme prévu : le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) devrait augmenter de 210 millions d'euros, et le fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF) de 20 millions d'euros.

Quelles suites le Gouvernement entend-il donner au rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) et de l'inspection générale des finances (IGF) sur les enjeux de la péréquation, s'agissant notamment d'une refonte structurelle du système, et – ce qui est directement lié – d'une réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ?

Avec 2,64 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,6 milliards d'euros en crédits de paiement inscrits en 2014, ce qui représente une quasi-stabilité par rapport à 2013, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » représente un peu plus de 2,6 % des quelque 100,7 milliards d'euros de transferts financiers de l'État en faveur des collectivités locales, et un peu plus de 4,6 % des 57 milliards d'euros des concours de l'État aux collectivités. Je rappelle que la dotation générale de décentralisation, la dotation d'équipement des territoires ruraux et la dotation globale d'équipement des départements constituent environ 90 % des crédits de la mission, qui comprend également les crédits communaux de la dotation de développement urbain (DDU), les dotations destinées aux collectivités d'outre-mer ainsi que diverses subventions.

Je souhaite enfin, mesdames les ministres, remercier vos services, notamment la direction générale des collectivités locales, pour le très bon taux de réponses au questionnaire budgétaire. Je vous remercie également par avance des réponses que vous voudrez bien nous apporter.

M. Olivier Dussopt, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Conformément à l'annonce faite il y a un an dans le cadre de l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, les dotations de l'État aux collectivités subiront en 2014 une diminution de 1,5 milliard d'euros, ce qui représente une baisse de l'enveloppe normée des concours de l'État de 3,1 %, avant une baisse équivalente en 2015.

Je rappelle à mon tour que cette participation à l'effort collectif a été définie dans le cadre d'une procédure de concertation qui a débouché sur la conclusion d'un Pacte de confiance et de responsabilité entre l'État et les collectivités territoriales, le 16 juillet dernier.

Ce pacte contient des engagements réciproques : l'effort financier, représentant quelque 0,67 % des recettes réelles de chaque niveau de collectivité, est réparti de manière égalitaire entre ces différents niveaux ; dans le même temps, de nouvelles ressources fiscales seront mises à la disposition des départements, afin que la solidarité nationale prenne en charge le surcoût lié aux allocations individuelles de solidarité, ainsi que des régions, qui renforcent ainsi leur autonomie financière. En outre, le pacte organise la sortie des emprunts toxiques, prévoit la lutte contre la prolifération normative et le contrôle des mesures décidées par l'État.

Je redis, après Mme la rapporteure spéciale, que l'acceptation de cette participation par les associations d'élus locaux reste subordonnée à son caractère exceptionnel et limité aux exercices 2014 et 2015. Les élus souhaitent qu'à terme, le redressement des comptes publics soit l'occasion d'un rattrapage et non d'une pérennisation de cette contribution. Le Gouvernement pourrait-il prendre des engagements à ce sujet, notamment sur une éventuelle clause de retour à bonne fortune ?

En outre, plusieurs de nos interlocuteurs ont fait part de leur crainte que cet effort n'ait pour première conséquence une limitation des investissements des collectivités. Or une baisse de 10 % des dépenses d'équipement de celles-ci se traduirait par l'équivalent de 0,2 point de croissance en moins, sans parler des répercussions sur l'emploi. Je remercie d'ailleurs le Gouvernement de l'avoir pris en compte en acceptant que le taux du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) soit relevé, même si je regrette la nature du gage retenu : cela n'aurait pas dû être fait en puisant dans l'enveloppe normée. L'investissement des collectivités étant un levier majeur de la croissance, quelles sont les intentions du Gouvernement pour en garantir le niveau après 2015 ?

Au-delà de ces interrogations, il faut souligner que l'évolution des concours de l'État ne remet pas en cause la montée en puissance des instruments de péréquation horizontale et verticale. Ainsi les trois principales dotations de péréquation verticale incluses dans la dotation globale de fonctionnement verront leur montant revalorisé au total de 119 millions d'euros. En outre, le renforcement de la péréquation horizontale respectera le rythme initialement prévu : le montant du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, passera de 360 millions à 570 millions en 2014, cependant que le Fonds de solidarité des communes d'Île-de-France, le FSRIF, s'établira à 250 millions d'euros.

Dans le cadre de l'ajustement des critères de répartition du FPIC, je souhaiterais que l'effort fiscal soit davantage pris en compte : le Gouvernement pourrait-il soutenir cette démarche, bien qu'il ait déjà prévu le relèvement de l'effort fiscal minimal de 0,75 à 0,85 ?

Comme rapporteur du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, je ne peux que regretter que les modalités de mise en place d'un fonds de solidarité entre les départements franciliens – dont la création au 1er janvier 2014 a été prévue par l'article 14, définitivement adopté – ne figurent pas dans le présent projet de loi. Je n'ignore pas les difficultés techniques rencontrées mais vos réponses, mesdames les ministres, seront de nature à rassurer nos collègues.

Enfin, si les questions de fiscalité locale ne sont pas directement rattachées aux crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », elles restent cependant essentielles pour les collectivités territoriales, car elles représentent 71 milliards de leurs recettes, soit un tiers de leur budget.

Le projet de loi de finances introduit trois nouvelles tranches de base minimale – 500, 1 000 et 2 100 – pour le calcul de la cotisation foncière des entreprises. Cependant, plusieurs associations d'élus m'ont fait part de leurs craintes que ce dispositif ne conduise à une baisse importante des recettes : le Gouvernement serait-il ouvert à des ajustements, notamment en rendant facultative l'application du nouveau barème ?

D'autre part, malgré les ajustements votés l'année dernière à l'initiative du groupe SRC, il semble nécessaire de trouver une plus juste répartition territoriale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) entre activités de siège et unités de production, notamment industrielles. À cette fin, certains amendements proposent que le calcul de la valeur ajoutée et sa répartition soient effectués au niveau du groupe et ensuite territorialisés. Qu'en pense le Gouvernement ?

Enfin, comme il a été dit, la partie thématique de mon rapport pour avis s'intéresse aux conséquences financières de la dépénalisation du stationnement payant, proposée par le Sénat dans le cadre du projet de loi de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles. Outre qu'elle relève l'imparfaite connaissance des sommes en jeu, elle montre que cette réforme nécessiterait de remettre à plat la répartition du produit de ces amendes entre effort en faveur de la prévention routière, État et collectivités, mais aussi entre les collectivités territoriales elles-mêmes, les plus petites d'entre elles risquant d'en faire les frais. Enfin, il faudra prendre en considération la prise en charge des frais liés au recouvrement et à l'organisation de son contentieux. Après la remise du rapport des inspections générales en juillet dernier, quelle est la position du Gouvernement sur la mise en oeuvre de ce projet et sur les dispositions votées par le Sénat ?

Je vous remercie de vos réponses qui pourront éclairer notre débat ; à l'issue de celui-ci, j'appellerai bien évidemment la Commission des lois à adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Je veux, pour terminer, vous remercier, mesdames les ministres, pour la qualité de nos échanges et pour votre disponibilité tout au long de la préparation de cet avis.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion