Intervention de Jean-Jacques Candelier

Séance en hémicycle du 30 octobre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je ne serai pas agressif et resterai courtois. Ce budget 2014 est celui de la continuité. Or, une telle continuité ne va pas de soi : la Cour des comptes a par exemple considéré que les bases de défense étaient coûteuses et aberrantes. M. le ministre a lui-même admis qu’il n’était pas certain que leur création ait donné des résultats ; et pourtant, il affirme ne pas avoir l’intention de les remettre en cause ! Un plan d’urgence de 30 millions d’euros a été annoncé pour améliorer les conditions de travail dans ces bases. Cela s’apparente à un simple sparadrap en attendant que cette réforme veuille bien produire des résultats.

En 2014, un montant de 195 millions sera consacré aux mesures d’accompagnement des restructurations. En clair, on continue de payer pour supprimer des emplois. L’année prochaine, les effectifs seront réduits de 7 881 emplois ; comme toujours, on nous dit que l’essentiel de l’effort portera sur l’administration et le soutien. En réalité, l’état de nos forces opérationnelles dépend précisément du soutien et de l’administration. Malgré cela, les coupes dans les dépenses de fonctionnement continuent, diminuant d’autant les crédits dont disposent nos forces pour le carburant, le transport ou la communication.

La modernisation de l’action publique ne donne lieu à aucun audit permettant de nous éclairer. S’agissant des personnels hors forces opérationnelles, il est inquiétant d’entendre le chef d’état-major de l’armée de terre et le secrétaire général pour l’administration nous expliquer que l’identification des marges est difficile : la navigation à vue continue. Gare à ne pas provoquer un nouveau scandale Louvois ! A l’époque, le problème tenait autant du logiciel que de l’organisation.

Avec cette mission, la politique d’externalisations massives se poursuit. Jusqu’à présent, elles ne touchaient que des services périphériques, ; désormais, elles concernent des missions de sécurité. Le maintien en condition opérationnelle représentant 70 % du coût total de possession d’un matériel, notre outil de défense devient un gisement de profits pour le secteur privé. Symbole spectaculaire de la montée en puissance du recours au privé, le projet Balard-Bouygues accumule retards et surcoûts.

Il est par ailleurs prévu une augmentation des crédits d’équipement de 16 à 16,5 milliards d’euros. Cela se fait sans aucune prise en compte du coût des matériels et de plusieurs sophistications excessives. Comme de nombreux militaires, nous considérons que l’armée pâtit de certaines technologies de prestige.

Nous souhaitons que soient réorientées les priorités de sorte que les missions puissent être accomplies dans de meilleures conditions. Depuis 1998, jamais nous n’avons dépassé 7 000 hommes sur la totalité des engagements opérationnels. Ce n’est donc pas la réduction du format opérationnel qui nous inquiète, mais la disponibilité du matériel. La réduction du nombre de frégates, de patrouilleurs et d’avions de combat, la limitation du nombre de jours en mer des navires ou de l’entraînement des pilotes mettent en péril la protection de notre espace aérien et maritime.

Si nous saluons les efforts consentis pour les drones, le ravitaillement en vol et le transport logistique, il faut tout mettre en oeuvre pour assurer notre indépendance, donc inciter la fabrication nationale, voire européenne, des matériels dont nous avons besoin, car nous ne pouvons dépendre des Américains. Nous saluons aussi l’augmentation des moyens en hommes et en crédits affectés aux services de renseignement et à la cyberdéfense.

Cela étant, ces changements sont marginaux. L’arme nucléaire reste la clé de notre défense et représente une dépense de 3,4 à 3,5 milliards d’euros, soit 9,3 millions par jour et 12 % des crédits. Pourquoi croyez-vous donc que certaines puissances développent leurs arsenaux nucléaires, sinon parce que nous continuons de moderniser les nôtres ? La France doit respecter le traité de non-prolifération et négocier un désarmement nucléaire généralisé. L’abandon de la composante aérienne, qui coûte 260 millions d’euros, serait une première étape sur la voie d’un monde sans armes nucléaires.

Enfin, il est opportun de réduire les crédits consacrés aux OPEX, c’est-à-dire de réduire nos interventions à l’étranger ; mais cela pourrait bien n’être que de l’affichage, puisque l’on renforce la présence de nos troupes en République Centrafricaine et que des opérations lourdes continuent au Mali. Le recrutement de forces spéciales marque de toute façon une tendance à l’armée de projection, ce qui nous inquiète. Nous en profitons pour nous féliciter de l’implication de nos soldats dans leur engagement.

En conclusion, nous estimons qu’il est contreproductif en temps de crise de continuer à réduire des emplois. Selon un ancien chef d’état-major de l’armée de terre, les fermetures de sites programmées jusqu’en 2015 équivalent à « rayer de la carte 38 Florange » ! Il est également étonnant d’avaliser des choix comme les bases de défense, la réintégration dans le commandement de l’OTAN et la professionnalisation de l’armée, cordialement et judicieusement remise en cause par M. Kader Arif lors de l’examen du budget des anciens combattants.

Un dernier mot sur la Syrie : nous saluons votre disponibilité et votre écoute, monsieur le ministre, mais nous demandons que la décision grave de livrer des équipements militaires à la Coalition nationale syrienne soit examinée par le Parlement.

Les députés communistes et du Front de gauche voteront contre ce budget.

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