Intervention de Alfred Marie-Jeanne

Réunion du 29 octobre 2013 à 17h10
Commission élargie : outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlfred Marie-Jeanne :

, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les départements d'outre-mer. L'ampleur de la surpopulation carcérale dans les départements et collectivités d'outre-mer, plus que nulle part ailleurs sur le reste du territoire, est telle qu'elle nécessitait à mes yeux une analyse des causes, en vue de dégager quelques solutions durables. Mon rapport, je tiens à le préciser, n'est nullement un réquisitoire, mais un rappel et un appel : un rappel sincère et objectif des faits et des données sur la surpopulation carcérale outre-mer ; un appel au Gouvernement, donc à vous, monsieur le ministre, pour remédier durablement à cette situation déplorable, qui va jusqu'à menacer nos sociétés déjà fragiles.

Mettre durablement fin à la surpopulation carcérale dans les Outre-mer suppose non seulement une politique active de rénovation et d'extension des capacités pénitentiaires, mais aussi un développement significatif des aménagements de peines et des alternatives à la prison, et une lutte plus efficace contre l'inactivité en détention.

Des efforts importants ont été consentis, au cours des dernières années, pour remédier tant à la vétusté qu'au manque de place dans les établissements pénitentiaires outre-mer. Toutefois, selon les données qui m'ont été transmises, au 1er septembre 2013, aucun de ces établissements ne disposait d'unité de vie familiale ou de parloir familial, alors même que l'article 36 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a posé le droit, pour chaque personne détenue, de bénéficier d'une visite trimestrielle dans l'une ou l'autre de ces deux structures. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, les initiatives envisagées en partenariat avec le ministère de la justice, afin de permettre le déploiement rapide, dans les établissements ultramarins, de ces structures indispensables au maintien des relations familiales et personnelles ?

Par ailleurs, dans le cadre de la future loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2015-2017, sont envisagées l'implantation d'un centre de semi-liberté en Martinique et la création d'un centre pour courtes peines aux alentours du pôle judiciaire de Koné, dans la province Nord de la Nouvelle-Calédonie. Des études de faisabilité et des recherches foncières seraient actuellement en cours de réalisation. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer précisément où en sont ces deux projets, d'autant plus attendus que les Outre-mer manquent cruellement de structures diversifiées pour répondre de manière satisfaisante et adaptée aux profils très différents des personnes détenues ? Où ces projets seront-ils effectivement réalisés ? Combien de places offriront-ils ? Quels seront leurs coûts respectifs ?

S'agissant de la diversification de la réponse pénale et du développement des alternatives à la détention, la future réforme pénale créera une nouvelle peine de contrainte pénale, et renforcera le suivi de chaque personne condamnée par les services pénitentiaires d'insertion et de probation. Or, en dépit d'une augmentation des effectifs de l'administration pénitentiaire outre-mer depuis 2007, les services d'insertion et de probation de ces territoires souffrent d'une insuffisance criante de moyens budgétaires et humains, à telle enseigne que chaque agent y suit en moyenne près de 96 personnes, contre 90 sur l'ensemble du territoire national. De surcroît, l'éloignement, l'insularité, un relief et des climats parfois difficiles obligent les services pénitentiaires à organiser de nombreuses permanences délocalisées, occasionnant des déplacements longs et coûteux. Quelles sont les mesures envisagées, en lien avec le ministère de la justice, pour soutenir les services pénitentiaires d'insertion et de probation dans les Outre-mer, et prendre en compte la spécificité de ces territoires dans le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines ?

Je reste enfin convaincu, aux termes de mes travaux, que le temps passé en détention doit davantage être consacré à l'activité, à la formation et à la réinsertion des détenus. Or, à cause de la crise et du chômage de masse en Outre-mer, ce sont les publics les plus jeunes qui sont les premiers touchés. Faute d'entreprises candidates, les établissements pénitentiaires éprouvent d'importantes difficultés à développer, dans leurs murs, des activités de travail rémunérées, autres que celles liées au service général, en vue de la réinsertion. De même, les associations spécialisées dans la réinsertion disparaissent bien souvent aussi vite qu'elles sont nées, ce qui empêche la mise en place d'actions pérennes. L'instabilité de ce tissu associatif, notamment observée en Guadeloupe et en Martinique, s'explique, pour une large part, par le manque de trésorerie de ces structures. Quelles sont les mesures envisagées pour développer les actions de formation et l'implantation de nouvelles activités rémunérées en prison, dans un contexte socio-économique peu favorable outre-mer ? Comment remédier à la fragilité, notamment financière, du réseau associatif spécialisé dans la réinsertion ?

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les collectivités d'outre-mer, la Nouvelle-Calédonie et les terres australes et antarctiques françaises. Nous sommes satisfaits que les dotations globales pour l'ensemble des territoires d'outre-mer augmentent de 2 %, à hauteur de 2,67 milliards d'euros.

S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, je vous renvoie au rapport que le président Jean-Jacques Urvoas, Dominique Bussereau et moi-même avons présenté à la suite de la mission que nous avions effectuée en septembre dernier sur le territoire.

Je concentrerai mon propos sur la Polynésie où les élections territoriales de 2013 ont donné une majorité très forte, à l'assemblée, au parti de M. Gaston Flosse. Pour la première fois depuis 2004, le gouvernement local est assuré de cinq ans de stabilité ; occasion pour la Polynésie de mettre un terme à ses graves difficultés financières puisqu'elle est conduite chaque année à solliciter auprès de l'État des avances de trésorerie pour payer son personnel – démarche peu compatible avec son statut d'autonomie impliquant la souveraineté fiscale. Nous disposons à cet égard de tous les éléments nécessaires pour établir un diagnostic : une mission d'assistance réclamée par les gouvernements polynésiens sous la présidence d'Anne Bolliet a remis un rapport exhaustif proposant tout une série de pistes positives ; de même, tous les rapports de la chambre territoriale des comptes montrent la voie à suivre.

Pour échapper aux errements passés, je propose des objectifs clairs, notamment que la collectivité et l'ensemble des satellites créés au fil du temps réduisent de façon drastique leurs dépenses de fonctionnement, en particulier leur masse salariale, afin de dégager une capacité d'investissement qui favorisera la croissance économique et la création d'emplois dans le secteur privé. Il conviendra simultanément de transformer une économie administrée en une économie reposant sur un capitalisme entrepreneurial dynamique, concurrentiel et doté d'un système fiscal juste où les bénéficiaires de revenus élevés contribueront davantage que les personnes pauvres. Pour y parvenir, les comptes de la collectivité devront être sincères. La mission d'assistance et la chambre territoriale des comptes ont montré que ce n'était pas le cas depuis au moins 2006 à hauteur d'au moins 20 % des recettes de fonctionnement. Or l'État n'a rien fait pour y remédier. Les comptes devront donc être certifiés par la chambre territoriale des comptes, assistée par la Cour des comptes ou un cabinet métropolitain d'expertise comptable.

Il convient également de faire bouger les choses concernant le système fiscal : la Nouvelle-Calédonie est le territoire le plus peuplé où il n'existe pas d'impôt sur les revenus. La fiscalité y est uniquement indirecte. Ce qui reste étonnant.

Il faudrait constituer un comité de pilotage réunissant des élus, des représentants du gouvernement local, chargé de vérifier chaque année que les objectifs fixés ont bien été atteints. Ainsi pourrait-on mieux préparer les dotations de l'État. Que pensez-vous d'une telle démarche, monsieur le ministre ?

Pour le reste, notre collègue Annick Girardin a souligné à quel point il importait que la France suive le dossier de la délimitation du plateau continental au large de Saint-Pierre-et-Miquelon, dossier qui conditionne l'avenir économique de l'archipel. Il convient de vérifier que les autorités françaises le défendent bien auprès des instances de l'ONU.

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