Intervention de François Brottes

Réunion du 30 octobre 2013 à 9h00
Commission élargie : Égalité des territoires, logement et ville

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes, président :

Madame la ministre, monsieur le ministre, cette importante mission budgétaire s'inscrit dans un contexte riche et ambitieux. Le Gouvernement a en effet érigé le logement et la politique de la ville au rang de chantiers prioritaires. De fait, la commission des affaires économiques, qui suit ces questions, a déjà adopté deux textes de loi, l'un pour mobiliser le foncier public plus rapidement que cela n'a été le cas par le passé, l'autre autorisant le Gouvernement à accélérer, par ordonnances, un certain nombre de procédures et à limiter les recours qui empêchent la construction de logements. Par ailleurs, nous examinerons bientôt, en deuxième lecture, un texte – dit « ALUR », acronyme de « pour l'accès au logement et un urbanisme rénové », – extrêmement ambitieux. Nous n'avons donc pas chômé.

J'ajouterai que la commission des affaires économiques étudiera, le 14 novembre prochain, le texte relatif à la politique de la ville, dont le rapporteur est M. Pupponi, qui met en place un soutien mieux ciblé et plus qualitatif. Le ministre nous en dira certainement deux mots tout à l'heure. Cela permet de rappeler que le logement, s'il renvoie au béton – et les artisans se réjouiront certainement du fait que la TVA sur tout ce qui a trait, de manière très générale, à la réhabilitation thermique des bâtiments, passe à 5 % –, concerne aussi des habitants, des mal-logés et des sans-logement.

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'égalité des territoires et le logement. En premier lieu, je qualifierais le budget qui nous est proposé de courageux. Courageux parce que, dans le contexte de crise que connaît notre pays, il se donne les moyens de mieux répondre aux besoins humanitaires : le programme 177, qui finance les dispositifs d'hébergement et d'inclusion sociale, voit ainsi ses dotations progresser de 108 millions d'euros, pour atteindre un total de 1,3 milliard. Le programme 109, en l'état, assure, pour 5 milliards d'euros, le bouclage financier d'un dispositif d'aides personnelles au logement qui bénéficie à plus de 6,4 millions de ménages modestes. L'association de ces deux hausses fait croître l'ensemble du budget du logement de plus de 222 millions en autorisations d'engagement en 2014.

C'est aussi un budget ingénieux car, pour compenser l'effort budgétaire – qui se traduit notamment par une diminution de 47 millions en autorisations d'engagement et de 155 millions en crédits de paiement du programme 135, qui finance en particulier les aides à la pierre –, le Gouvernement actionne plusieurs autres puissants leviers, fiscaux ou partenariaux – je pense en particulier à Action logement –, pour assurer la réussite de ses ambitions en matière de construction, notamment sociale, et de rénovation énergétique des logements.

Ce budget constitue dans le même temps un défi, au regard de l'urgence sociale, qui progresse très fortement, et de la nécessité de conduire une action de long terme, en particulier dans le domaine de la construction, domaine dans lequel nous connaissons une situation difficile et qui constitue l'une des priorités du Gouvernement.

Il faut s'efforcer de concilier la réponse à l'urgence sociale et les dépenses de long terme. J'ai quelques questions à vous poser à ce sujet, madame la ministre.

Les dépenses d'urgence, les dépenses sociales, si elles revêtent une grande importance pour nos concitoyens, doivent, à mon sens, faire l'objet d'une réflexion, afin que d'accroître leur efficacité et mieux les cibler. Je pense à deux dispositifs. Il s'agit d'abord des aides au logement. Le projet de loi de finances pour 2014 prévoit le gel des barèmes de calcul des aides personnelles au logement. Si cette mesure peut donner lieu à débat, elle s'inscrit dans un contexte de progression très forte des aides au logement, qui atteste un effort important du Gouvernement. Par ailleurs, ces aides pourraient faire l'objet d'une réévaluation et d'une nouvelle discussion. Un rapport à ce sujet vous a d'ailleurs été remis, madame la ministre, peu après votre nomination. Il me semble que le moment est venu pour le Gouvernement d'ouvrir cette discussion, cette évaluation, pour mieux cibler ces dispositifs. On sait, en particulier, qu'un problème pourrait se poser s'agissant des étudiants : la Cour des comptes nous alerte régulièrement à ce sujet. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement demandant au Gouvernement qu'il nous remette un rapport sur cette question, afin que l'on puisse engager l'évaluation des aides au logement.

Le deuxième facteur pesant considérablement sur le budget est l'hébergement d'urgence. La situation sociale dégradée nous impose d'agir : la progression très importante du budget est donc parfaitement justifiée. Néanmoins, le préfet Régnier nous alerte régulièrement sur la question particulière des déboutés du droit d'asile. Dans le cadre de la réforme du droit d'asile que le Gouvernement met en place, il faudra évidemment tenir compte du poids que représentent ces personnes sur le dispositif d'hébergement d'urgence, afin, peut-être d'instituer des mesures spécifiques.

Nous connaissons les efforts accomplis par le Gouvernement en matière de rénovation énergétique – je pense en particulier à la TVA. Le Gouvernement entend-il donner une suite aux propositions de la Caisse des dépôts et consignations, relatives, en particulier, au développement de formules de tiers financement des collectivités territoriales ou à la création d'un dispositif national de garantie ?

J'avais conduit avec M. Piron une mission sur le logement social, qui constitue l'une des priorités du Gouvernement. L'un des moyens de développer ce type de logements est d'accroître les fonds propres des organismes de logements sociaux. À cette fin, nous avions proposé de simplifier et d'améliorer la capacité des organismes d'HLM de vendre les logements sociaux, même de manière limitée dans le temps ; ce levier pourrait être aujourd'hui utilisé. Quel avis portez-vous sur ces propositions ?

Enfin, s'agissant du logement intermédiaire, inscrit dans la loi, quelles informations pouvez-vous nous communiquer sur la date de parution de l'ordonnance y afférente et, plus généralement, sur le dispositif de création de 10 000 logements mis en place dans le projet de loi de finances et évoqué par le Gouvernement ?

M. Dominique Baert, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la politique de la ville. Madame la ministre, monsieur le ministre, si, du point de vue de la méthode de travail, le rapporteur spécial de la politique de la ville ne peut qu'afficher sa déception quant au calendrier bien trop tardif de retour des questionnaires parlementaires – nous en avions reçu à peine 62 % à la date limite du 10 octobre – je ne peux en revanche que manifester une certaine satisfaction à l'égard de l'évolution des crédits budgétaires consacrés à la dotation du programme 147 « Politique de la ville », fussent-ils en baisse apparente de 2,4 % en autorisations d'engagements et de 4,4 % en crédits de paiement.

Pourquoi cette satisfaction ? D'abord, parce que cette situation contraste heureusement avec la litanie des baisses régulières et considérables de crédits qui ont eu lieu sous la législature précédente : ceux-ci sont passés de 853 millions d'euros en 2008 à 512 millions en 2012, soit une baisse de 340 millions – soit 40 % – en cinq ans.

Aussi la quasi-stabilisation des crédits en 2014 constitue-t-elle un plateau salutaire et appréciable, surtout dans un contexte de redressement des finances publiques.

La diminution des crédits de paiement n'est d'ailleurs qu'un effet d'optique lié à la diminution des crédits des exonérations dans les ZFU, les zones franches urbaines. En réalité, les moyens financiers d'intervention du programme sont en l'état consolidés, voire même confortés sur certaines priorités telles que les emplois francs.

De même, alors que l'an dernier votre rapporteur avait plaidé avec force pour une réorganisation simplificatrice des structures – je me souviens avoir dit : « l'ANRU, l'ACSé, l'EPARECA et le SG-CIV : ce sont au moins deux structures de trop » – et déploré combien, « du strict point de vue budgétaire, le ministère de la ville est un nain par rapport à ses opérateurs », il se félicite cette année d'avoir été entendu et que vous ayez engagé le rapprochement entre le SG-CIV, le secrétariat général du Comité interministériel des villes, et l'ACSé, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. Cela laisse, à votre examen, madame, monsieur les ministres, la problématique de l'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, et de l'EPARECA, l'Etablissement national public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux.

Mais puisqu'il me faut être concis dans mon intervention, je me limiterai à poser cinq questions.

Tout d'abord, précisément sur les questions de structure, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer selon quel calendrier le rapprochement entre le SG-CIV et l'ACSé se fera et dans quel lieu la nouvelle structure sera implantée ; nous espérons qu'elle se situera sur un site en rapport avec l'objet de ces établissements, et non pas, comme il est de tradition pour les ministères et administrations, dans un arrondissement parisien.

Ma deuxième série de questions concerne l'ANRU. Nonobstant le devenir de l'Agence, ce qui me préoccupe, c'est l'évolution de son financement. Dans les prévisions de l'ANRU, il est prévu d'assécher la trésorerie, qui était de 472 millions d'euros à la fin de l'année 2012, en deux ans. Celle-ci passerait en effet à 336 millions d'euros en 2013, à 121 millions d'euros à la fin de l'année 2014 et atteindrait 2 millions d'euros à la fin de l'année 2015. Pour 2014 et 2015, au-delà de la participation souhaitée de 800 millions d'euros chaque année de l'UESL, l'Union des entreprises et des salariés pour le logement, les perspectives financières évoquent en recette une dotation dite « de péréquation » de l'État de 200 millions d'euros en 2015 et 2016 ; de quoi s'agit-il ? Par ailleurs, pourquoi la consommation effective de crédits en 2012 et 2013 est-elle inférieure aux prévisions ? Enfin, alors que, comme je l'indiquais à l'instant, la trésorerie de l'Agence était de 472 millions d'euros fin 2012, ses capitaux propres avaient un solde négatif de 2 445 millions d'euros. Comment ce déficit va-t-il être résorbé ?

La troisième série de questions concerne la régulation budgétaire du ministère, qui m'interpelle. Ces dernières années, les mesures de gel, voire de « surgel » des crédits budgétaires ont affecté régulièrement et de manière significative la politique de la ville, ce qui réduit en exécution la masse affichée en prévision ; le 27 septembre dernier, un décret a ainsi annulé encore 15 millions d'euros de crédits. Pourquoi procéder à une telle régulation et comment est mise en oeuvre une telle capacité d'absorption ? Pour être plus précis, sur quelles opérations portent ces suppressions de crédits et comment affectent-elles la bonne exécution des programmes ?

La quatrième série de questions est relative aux zones franches urbaines, dispositif qui doit disparaître d'ici à la fin de l'année 2014. Plusieurs rapports, notamment d'origine parlementaire, ont mis en avant le rôle structurant majeur de la ZFU pour le redéveloppement des quartiers ou des villes concernés ; je pense bien évidemment, monsieur le ministre délégué, et cela ne vous surprendra pas, à la ZFU de Roubaix, que vous connaissez bien, et dont vous savez l'effet de levier déterminant qu'elle a eu pour le renouveau d'une ville qui conserve pour autant de lourdes difficultés. Le Gouvernement peut-il, va-t-il envisager une forme de reconduction de ce dispositif accompagnateur déterminant après le 31 décembre 2014 ?

Enfin, sur les emplois francs, et je salue à cette occasion l'élargissement de l'expérimentation de ce dispositif à de nouvelles zones géographiques, ma question se veut, monsieur le ministre, davantage une supplique : le Gouvernement peut-il envisager au plus vite de ne plus se caler sur les seules zones urbaines sensibles, les ZUS, qui datent de plus de vingt ans pour déterminer l'éligibilité aux emplois francs et de privilégier au contraire, de manière dérogatoire, progressive peut-être, et ciblée sur les bassins d'emplois les plus durement frappés par le chômage sans doute, les zones de la prochaine géographie prioritaire ? En effet, pour lutter contre le chômage, pour offrir des réponses à nos jeunes, il faut plus que jamais être intelligents et efficaces, en adéquation avec son temps et avec la réalité sociale du terrain, et donc des quartiers de nos villes. Je ne doute pas que c'est également votre ambition, monsieur le ministre.

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les crédits du logement. Si nous devons aborder la question du logement d'un point de vue budgétaire, car c'est l'exercice du jour, je voudrais néanmoins rappeler que la crise du logement touche notre société, de nombreuses familles aux niveaux de revenu différents. Le manque de logements et le mal-logement affectent également la compétitivité de notre pays : les salariés rencontrent des difficultés pour se loger, les entreprises fonctionnent plus difficilement et le placement de l'épargne de la façon la plus utile pour le redressement économique de notre pays n'est pas aisé. C'est la raison pour laquelle, en temps que rapporteur, j'approuve la démarche du Gouvernement de lutter de façon résolue contre le logement rare et cher et, dans le même temps, pour un urbanisme maîtrisé, afin de permettre un choc d'offre foncier en mobilisant l'ensemble des acteurs concernés.

M. le président de la commission des affaires économiques rappelait que ce budget se discute dans un cadre législatif en évolution : la loi du 18 janvier 2013 prévoit d'ores et déjà la mise à disposition des terrains publics – je me félicite que, en Île-de-France, le préfet ait établi une liste de soixante-douze terrains disponibles à la construction – et le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, et le projet de loi de réforme de la politique de la ville feront de la question du logement un enjeu capital.

Nous sommes confrontés à plusieurs enjeux, notamment celui de construire plus et plus vite. En sus des points qui ont déjà été cités, je voudrais mettre en avant la question de la réforme des plus-values immobilières. Nous avons eu ce débat lors de la discussion de la première partie du budget : nous allons revenir sur un dispositif qui favorisait la rétention foncière. Madame, monsieur les ministres, la première observation que je ferai vous concerne directement : ne faut-il pas aller plus loin de ce point de vue-là, après la mise à disposition d'un maximum de terrains publics ? Comment peut-on au mieux mobiliser le terrain constructible privé dans les zones tendues ?

Il nous faut également construire plus et plus vite du point de vue du logement social, pour lequel les crédits budgétaires sont un peu en baisse par rapport à l'année dernière. Surtout, les crédits doivent permettre la réalisation de l'engagement de construire 150 000 logements sociaux d'ici à la fin de la mandature. Cet engagement se traduit non seulement sur le plan budgétaire mais aussi par la mobilisation des acteurs : le 27 août 2013 a été publié le décret relatif à l'engagement mutuel avec Action logement. Nous sommes ainsi sortis d'une période qui donnait à l'UESL le sentiment que ses ressources étaient ponctionnées de manière aveugle et que son modèle budgétaire était mis en péril. L'accord mutuel du 8 juillet 2013 avec l'USH, l'Union sociale pour l'habitat, met également fin à la ponction sur le potentiel financier des offices, qui mettait ces derniers en difficulté, et prévoit un fonds de mutualisation de 280 millions d'euros pour la construction. Enfin, la TVA au taux réduit de 5,5 %, qui était une revendication des acteurs du logement, permettra de construire plus et de rénover plus encore.

J'ai là aussi une question : relativement à l'engagement de construire 150 000 logements locatifs sociaux, ne faut-il pas revoir les objectifs en termes de PLAI, prêts locatifs aidés d'intégration, de PLUS, prêts locatifs à usage social, et de PLS, prêts locatifs sociaux ? C'était l'objectif de la loi du 18 janvier 2013. Je considère que, dans l'enveloppe budgétaire, la répartition n'est pas complètement adéquate aux besoins.

Il faudra également suivre la façon dont le nouveau statut du logement intermédiaire se mettra en place, car cela a des incidences budgétaires sur la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2014. Nous attendons de connaître les conditions qui seront fixées par ordonnance pour cette partie du marché.

Débloquer la construction repose enfin sur des outils fiscaux importants : environ 1,4 million d'euros sont alloués à l'incitation pour l'investissement locatif dans le budget pour 2014. Il faudra bien entendu tirer le bilan des dispositifs passés et du dispositif en cours relatif à la mobilisation sur les différents secteurs géographiques ; je sais maintenant qu'il porte votre nom contre votre gré, madame la ministre.

Pour terminer, je reviendrai sur la question des aides personnelles au logement. La Cour des comptes et l'Inspection générale des affaires sociales ont, dans leurs rapports, traité de ce sujet, qui représente une masse budgétaire très importante ; 17 milliards d'euros d'aide au total, dont 5 milliards d'euros pesant sur le budget de l'État. Si la maîtrise des dépenses publiques est une nécessité, je considère que le gel pur et simple de la revalorisation de ces aides, qui sont depuis la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable indexées sur l'évolution de l'indice de référence des loyers, ne va pas dans la bonne direction. C'est le sens de l'amendement que plusieurs collègues et moi-même avons déposé et qui sera discuté tout à l'heure. J'espère que d'ici à la discussion en séance nous pourrons trouver un terrain d'entente entre la nécessaire maîtrise des fonds publics et le fait de faire peser sur le montant des loyers acquittés par de nombreux locataires le gel pur et simple des APL.

Je dirai juste un mot sur le financement de la Société du Grand Paris, qui fait partie de cette mission et pour lequel il n'y a pas de crédit budgétaire. Comme vous l'aviez demandé vous-même, monsieur le président, un dispositif d'écrêtement de ces ressources est prévu et permettra de financer complètement les besoins du réseau de transport de la SGP en 2014 et en 2015.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les crédits de la ville. Monsieur le ministre, le vaste chantier que vous avez engagé au printemps 2012 a fait l'objet d'une très large concertation nationale, « Quartiers, engageons le changement », qui s'est conclue justement ici, à l'Assemblée nationale, le 31 janvier dernier.

La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, qui en est le prolongement, rénove en profondeur les outils, les méthodes et surtout l'esprit de la politique de la ville. Nous aurons l'occasion d'y revenir longuement dans quelques semaines.

Le programme 147 « Politique de la ville » de la mission « Égalité des territoires, logement et ville » est donc cette année encore un budget de transition, dans l'attente de la nouvelle géographie prioritaire. Mais avec 492 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 481 millions d'euros de crédits de paiement, il bénéficie d'une relative stabilité de ses crédits d'intervention, ce qu'il convient de saluer au vu du contexte financier très contraint dans lequel doit s'inscrire le projet de loi de finances pour 2014.

Un effort particulier a notamment été réalisé avec le report, pour les deux tiers, des crédits afférents aux dispositifs d'exonération fiscale qui prennent fin cette année, en particulier les zones franches urbaines, sur le dispositif des emplois francs. Ces crédits auraient normalement dû être rendus au budget général.

Je m'en félicite d'autant plus que je défends, à l'instar de mon collègue Daniel Goldberg, très engagé sur ce point, l'idée d'une prise en compte de la discrimination dans l'emploi que subissent les habitants des quartiers populaires et de la mise en place de mesures correctives spécifiques.

En effet, le développement économique est indispensable pour améliorer la vie quotidienne des habitants de nos quartiers et l'image de ces territoires. Le programme adultes-relais prévoit ainsi une action spécifique envers les jeunes sans emploi. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous en dire plus ?

Le maintien des crédits de la mission en 2014 permettra à l'ACSé de maintenir ses actions comme en 2013, même si le fléchage amorcé vers les quartiers prioritaires 1 contribue à anticiper la réforme à venir et aura pour conséquence que dans certains territoires les crédits diminueront.

Au demeurant, ces crédits budgétaires du programme 147 ne regroupent pas l'ensemble des actions de la politique de la ville, et c'est bien cohérent avec la volonté de revenir au droit commun dans ces quartiers, une volonté clairement inscrite dans le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine que vous portez, monsieur le ministre.

Ainsi, le PLF pour 2014 poursuit la montée en puissance des outils de péréquation, tout en en corrigeant certains défauts. Avec la montée en charge du FPIC, le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, et du FSRIF, le fonds de solidarité des communes d'Île-de-France, l'augmentation de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et le maintien de la dotation de développement urbain, ce sont ainsi 290 millions d'euros supplémentaires qui vont être redistribués dans ces territoires en difficulté, pour leur permettre de mettre en oeuvre les politiques indispensables afin de réduire les inégalités.

Quant à l'ANRU, son financement est aujourd'hui garanti jusqu'à l'achèvement du programme national pour la rénovation urbaine. En outre, un nouveau programme national de renouvellement urbain va être lancé. Le financement de l'ANRU pour ce dernier est assuré lui aussi, à hauteur de 5 milliards d'euros, permettant ainsi 20 milliards d'euros de travaux, du moins si la participation qu'Action logement prévoit de faire reste bien entièrement fléchée vers ce PNRU. Il faudra y être attentif.

De même, l'ANRU se voit confier de nouvelles missions, via le programme d'investissements d'avenir lancé en juillet dernier, puisque 335 millions d'euros sont inscrits à cet effet dans le projet de loi de finances pour 2014 au programme 414 « Villes et territoires durables ». Pourriez-vous en détailler l'affectation, monsieur le ministre délégué, car je dois reconnaître que ce dispositif est un peu opaque ?

Madame la ministre, les crédits budgétaires inscrits au programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes âgées vulnérables », qui concerne à la fois, pour votre rapporteur, la politique de la ville et celle du logement, et sans doute plus celle-ci que celle-là, sont en augmentation de 9 % à périmètre constant, ce qui correspond à une hausse de près de 110 millions d'euros.

Par ailleurs, le cadre réglementaire et législatif qui structure l'hébergement et le logement, et le lien de l'un vers l'autre sont en cours de profonde rénovation avec le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, pour mieux prendre en compte les besoins.

Tout en se félicitant de la poursuite de l'effort budgétaire, indispensable pour apporter une réponse aux quelque 700 000 personnes privées de domicile personnel dans notre pays et alors que 440 864 demandes d'hébergement adressées aux services intégrés d'accueil et d'orientation sont restées insatisfaites en 2012, votre rapporteur souligne la forte hausse des crédits en faveur de l'hébergement depuis 2007 ; elle représente plus de 500 millions d'euros.

Il note également que les crédits inscrits pour 2014 représentent l'équivalent de ceux qui seront consommés en 2013, voire un peu moins si les crédits complémentaires apportés par le décret d'avance ouvert en septembre pour régler les arriérés dus aux associations pour les nuitées d'hôtel s'avèrent insuffisants.

Les efforts notables menés par le Gouvernement sur le programme 177 se heurtent en effet à un écueil, l'impossibilité pour une partie de la population bénéficiaire des dispositifs d'hébergement d'accéder à un logement décent en raison du caractère inconditionnel de celui-ci.

En effet, l'absence de statut régulier au regard de la réglementation sur le droit au séjour leur interdit l'accès au logement social. Les bénéficiaires qui ne peuvent être ni régularisés ni expulsés vont donc rester sur notre territoire. Or, compte tenu du coût du logement hors logement social, ces derniers ne pourront se tourner que vers les logements offerts par les marchands de sommeil, ce qui est en contradiction même avec la philosophie qui sous-tend notre dispositif.

Plus qu'une augmentation continuelle des crédits, certes nécessaire pour apporter une réponse immédiate à des situations d'urgence intolérables dans un pays comme le nôtre, c'est donc à une réflexion globale sur la politique du logement et la politique de l'immigration et de l'asile qu'il me semble urgent de procéder pour tenter d'enrayer un processus qui semble voué à l'échec, ou, à tout le moins, à l'absurde : les crédits budgétaires pour l'hébergement d'urgence représentent aujourd'hui presque trois fois les aides à la pierre. Madame la ministre, pouvez-vous nous apporter des éléments complémentaires sur ce point ?

Pour conclure, je salue de nouveau le travail que vous avez réalisé, dans ce contexte budgétaire complexe, afin de proposer un budget ambitieux et qui permettra une transition vers la nouvelle politique de la ville que nous nous apprêtons à mettre en place dans les prochaines semaines, monsieur le ministre.

Mme Dominique Orlice, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les crédits relatifs à la prévention de l'exclusion. En premier lieu, c'est avec satisfaction que je constate qu'en 2014, les crédits du programme 177 vont atteindre un niveau réaliste dès la loi de finances initiale. Il s'agit vraiment d'une rupture avec les années précédentes, qui étaient marquées par une insincérité budgétaire chronique sur ce programme. En effet, pour la première fois, les crédits initiaux prévus en 2014 sont supérieurs aux crédits effectivement consommés lors du dernier exercice budgétaire connu.

Dans le cadre de mon rapport pour avis, j'ai choisi de m'intéresser plus précisément cette année aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale, structures d'hébergement qui offrent le plus de places – plus de 39 000 – sur l'ensemble du territoire. Pour tenter de faire face à l'urgence sociale et au poids croissant des personnes ne trouvant pas à se loger, le nombre de places d'hébergement a fortement progressé depuis 2008. Cette tendance a été confirmée par l'actuel gouvernement dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté de janvier 2013, qui a prévu de créer ou de pérenniser 5 000 places d'hébergement.

Toutefois, j'ai constaté que les nouvelles places d'hébergement ont concerné uniquement les structures de pure urgence, qui visent à mettre à l'abri les personnes de façon immédiate, au détriment des places d'insertion en CHRS, qui offrent pourtant un meilleur service rendu et surtout permettent d'obtenir de meilleurs résultats en terme d'insertion. Ainsi, entre 2008 et 2012, le nombre de nuitées d'hôtel a progressé de près de 100 %, tandis que le nombre de places en CHRS a quasiment stagné.

Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer les raisons pour lesquelles le plan de lutte contre la pauvreté ne prévoit pas la création de places d'insertion en CHRS et si vous envisagez à l'avenir de substituer aux places de pure urgence des places d'insertion ?

Par ailleurs, l'ensemble des acteurs du secteur déplore que la politique de mise à l'abri des personnes à la rue continue à être marquée par une forte saisonnalité. Or, selon toutes les enquêtes sur le sujet, notamment le baromètre 115 de la FNARS, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, les besoins en places d'hébergement ne sont pas moindres en été. La gestion « au thermomètre » des centres d'hébergement est contre-productive en termes d'insertion, car elle nuit à la continuité de la prise en charge.

Madame la ministre, quelles mesures avez-vous mises en oeuvre pour mettre fin au caractère saisonnier de l'hébergement des personnes sans abri et serez-vous de nouveau obligée de prendre des mesures spécifiques l'hiver prochain ?

Le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles prévoit que ces dernières pourront se voir déléguer « la gestion de la veille sociale, de l'accueil, de l'hébergement et de l'accompagnement au logement de toute personne ou famille sans domicile ou éprouvant des difficultés particulières d'accès au logement […] ainsi que le financement des organismes et dispositifs qui y contribuent […]. » Ces dispositions constituent un pas important vers une décentralisation des politiques en faveur de l'insertion par le logement.

Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer si vous êtes favorable à ce que tout ou partie des compétences de l'État en matière de prise en charge des personnes sans-abri ou mal logées soient déléguées aux collectivités locales ?

Pour terminer, je souhaiterais poser deux questions plus techniques.

La première a trait à l'accompagnement social dans et vers le logement. Créé en 2011, le Fonds national d'accompagnement dans et vers le logement est compétent, depuis la loi de finances pour 2013, pour le financement d'actions d'accompagnement en faveur de toutes les personnes éprouvant des difficultés à accéder à un logement. Pourtant, le programme 177 prévoit de nouveau en 2014 de financer à hauteur de 4 millions d'euros de telles actions.

Madame la ministre, pouvez-vous expliquer pourquoi des actions d'accompagnement dans et vers le logement pourront être prises en charge en 2014, soit par le Fonds national, soit par le programme 177, sans que l'on sache précisément qui fait quoi ?

Ma seconde question est relative au Fonds de coopération pour la jeunesse et l'éducation populaire. Le programme 177 participe à l'animation des politiques d'insertion par le biais de ce dispositif qui finance des postes d'animateurs qualifiés. Or en 2011 la précédente majorité a décidé de diminuer drastiquement – de 50 % – les dotations pour ce dispositif pour une économie au final relativement modeste de moins de 5 millions d'euros. Cette baisse unilatérale a conduit à la suppression de postes et à la diminution du montant unitaire d'un poste. Désormais, les postes FONJEP financés sur le programme 163 « Jeunesse et vie associative » sont d'un montant supérieur – de l'ordre de 30 % – à ceux financés sur le programme 177, ce qui n'est ni juste ni compréhensible.

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