Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 30 octobre 2013 à 9h00
Commission élargie : Égalité des territoires, logement et ville

Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement :

Comme vous l'avez noté, le budget de la mission « Égalité des territoires, logement et ville » bénéficie, dans un contexte difficile, de financements renforcés : à périmètre constant, ce budget est en hausse de près de 100 millions d'euros. Cela démontre que le logement, l'égalité des territoires et les politiques de la ville sont des priorités pour le Gouvernement, et cela dans la durée.

Je remercie Mme Orlice d'avoir souligné que, pour la première fois depuis longtemps, nous avons répondu à la critique récurrente de la Cour des comptes concernant la sous-estimation des crédits de l'hébergement d'urgence. Aujourd'hui, ces crédits sont à la hauteur des besoins, même si nous devons faire face à une situation qui s'aggrave, notamment sur des territoires qui étaient auparavant peu concernés par des tensions dans ce domaine.

Monsieur Caresche, vous avez évoqué la question du ciblage des aides au logement et l'impact de la désindexation. Comme chacun peut le constater, le budget des aides au logement est en forte augmentation dans le PLF pour 2014. De fait, la difficulté sociale dans laquelle se trouvent un certain nombre de nos concitoyens les conduit à faire appel à cette aide qui se révèle pour eux décisive. Le rapport remis au printemps 2012 auquel vous avez fait référence démontre que les aides au logement sont un filet de sécurité absolument décisif pour lutter contre la pauvreté. Elles permettent notamment aux familles monoparentales – je pense en particulier aux femmes élevant seules leurs enfants – de continuer à se loger dignement. Nous avons donc décidé de consacrer les moyens nécessaires aux aides au logement. Il est vrai – je réponds également, à cet égard, à M. Goldberg – que nous avons fait le choix de la désindexation, mais son impact est limité pour les ménages, puisque, à situation identique, il n'y aura aucune diminution de l'aide par rapport à cette année. Cependant, comme vous le savez, tous les ministères doivent consentir un effort significatif. Nous avons choisi, pour notre part, de faire porter l'effort sur ce dispositif. Ainsi, l'impact est le plus limité possible. Cela nous permet également de ne pas amputer les aides et de déployer des budgets, notamment en faveur de la construction de logements sociaux de tous types.

À cet égard, nous avons pour objectif de financer 150 000 logements locatifs sociaux en 2014, conformément à l'engagement qu'a pris le Président de la République. Pour ce faire, nous utilisons les aides à la pierre, tout en faisant en sorte que la mobilisation exceptionnelle d'Action logement soit possible dans la durée, avec un équivalent en subventions de près de 1 milliard d'euros par an. Surtout, et je pense que cela contribue à répondre à la question de M. Caresche sur les fonds propres des organismes, un dispositif permet de mutualiser les fonds propres d'organismes différents.

Cette mesure est plus efficace dans la durée que la vente de patrimoine, même si celle-ci peut être utile, notamment dans le cadre de l'accession sociale à la propriété. Ce sont souvent les bailleurs devant faire face à davantage de demandes sur les secteurs les plus tendus qui ont besoin de fonds propres, alors qu'ils doivent continuer, dans le même temps, à disposer d'un patrimoine locatif. Il nous semble donc que le choix de la mutualisation des fonds propres disponibles des organismes, organisée au sein de la fédération des ESH, est une bonne solution. Le gouvernement précédent avait instauré le prélèvement sur le potentiel foncier des organismes, dont les conséquences en matière d'arbitrages financiers étaient assez négatives. Le présent dispositif permet, quant à lui, dès l'année 2014, de dégager 280 millions d'euros, soit un apport de fait en fonds propres aux organismes constructeurs de près de 1 300 euros pour chaque logement supplémentaire en zone tendue. Ce dispositif, s'il donne satisfaction – ce dont je ne doute pas – a également vocation à monter en puissance, de façon à ce que les fonds propres dormants des organismes qui n'ont pas besoin de construire sur certains territoires de notre pays puissent bénéficier à ceux qui, eux, doivent bâtir et sont en situation de tension.

Sur la question de l'hébergement d'urgence, au-delà de l'augmentation des crédits, vous avez été plusieurs à vous interroger sur la situation des déboutés du droit d'asile. Cette question s'inscrit naturellement dans le cadre de la réflexion sur la réforme du droit d'asile. Nous devons actuellement faire face à l'hébergement inconditionnel d'un certain nombre de personnes à qui leur statut et les droits afférents ne permettent pas d'avoir accès à un logement. Cela ne va pas, d'ailleurs, sans poser un certain nombre de questions, puisqu'il est à la fois juridiquement impossible de reloger ces familles et obligatoire de les héberger. La situation est donc évidemment difficile à gérer pour les organismes d'accueil. En même temps, c'est une réponse aux exigences posées par la loi. En effet, je vous rappelle que l'État a été régulièrement condamné pour non-respect de ses obligations en matière d'hébergement inconditionnel, lequel se comprend bien sûr au regard de la détresse de certaines familles.

Bref, une partie de la réponse réside dans la réforme du droit d'asile et une autre dans un hébergement spécifique. Cela dit, je crois assez juste de garder, pour l'hébergement inconditionnel, des lieux d'accueil inconditionnels. Il serait difficile de considérer qu'il y a des lieux d'hébergement spécifiques pour les déboutés du droit d'asile, lesquels, théoriquement, n'ont pas vocation à demeurer sur le territoire, quand bien même une partie d'entre eux le font et certains ne sont pas expulsa blés. Une fois encore, nous sommes dans un entre-deux complexe à gérer.

La gestion hôtelière, qui représentait 120 millions d'euros en 2013, constitue une source d'économies importantes sur le budget opérationnel de programme 177. Le dispositif représente un budget considérable. Or aucun accompagnement social n'est prévu, ce qui risque d'entraîner la précarisation des familles, avec des conséquences, notamment, sur la santé : on sait bien qu'une des questions principales, au-delà de leur scolarisation, est celle de l'alimentation des enfants hébergés en hôtels, car la situation dans laquelle ils se trouvent est très complexe.

Le choix du Gouvernement, annoncé par le Premier ministre lors de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, est de sortir de la double gestion – à la fois hôtelière et au thermomètre –, ce qui va nous permettre de disposer des meilleures réponses possibles sur les différents territoires. En effet, madame Orlice, les solutions doivent être très variées, de l'hébergement d'urgence classique, sous forme de mise à l'abri – c'est parfois le seul recours – aux dispositifs plus pérennes impliquant des lieux d'accueil d'urgence, mais aussi – ce sera possible quand la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové aura été votée – des logements mis à disposition par les organismes HLM, lesquels pourront se voir confier une mission d'hébergement. Cela permettra de donner de la souplesse et de favoriser la fluidité du parcours entre hébergement et logement. C'est la raison pour laquelle l'accompagnement dans et vers le logement sera poursuivi, ce qui est souvent déterminant pour que les bailleurs acceptent le relogement. Voilà pourquoi nous avons consacré une partie importante de nos crédits au budget opérationnel de programme 177, qui participe d'une politique d'hébergement satisfaisante, c'est-à-dire permettant le relogement au lieu de maintenir les personnes en question dans des lieux d'hébergement d'urgence.

En ce qui concerne le logement intermédiaire, la rédaction de l'ordonnance est en cours. Le projet de loi d'habilitation nous oblige à ce qu'elle soit signée avant le mois de mars. La concertation avec les différents partenaires commence et l'objectif est de procéder à la signature avant la fin de l'année. Comme vous l'avez noté, le logement intermédiaire, au-delà du cadre juridique dont nous allons désormais disposer, se verra affecter le cadre financier lui permettant de se déployer, notamment avec l'accès à la TVA intermédiaire au taux de 10 %. L'usage de la TVA à 5 % pour l'ensemble du logement social régi par le prêt social de location accession, dit PSLA, c'est-à-dire incluant l'accession sociale à la propriété, est un autre élément décisif de relance de la construction.

Sur la rénovation énergétique, vous le savez, des moyens importants sont consacrés au soutien à un plan très important de rénovation énergétique. Le logement collectif, notamment social, est concerné – avec des prêts à très bas consentis par la Caisse des dépôts et consignations pour l'écoper logement social, ce qui permettra d'engager un plan massif de rénovation thermique du logement social –, mais, au-delà, l'ensemble des ménages de notre pays a dès aujourd'hui accès à des dispositifs d'accompagnement et de financement simples et efficaces.

La question du tiers financement est toujours ouverte. Nous avons décidé, notamment par le vote d'un amendement dans le cadre de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, d'accompagner les collectivités locales qui se sont déjà mises en situation d'apporter une réponse de ce type. Le travail de la Caisse des dépôts et consignations sera lui aussi extrêmement utile pour que, une fois passée la phase d'amorçage du plan de rénovation thermique, le dispositif gagne en efficacité. En effet, le tiers financement n'est pas encore pleinement efficace. On a vu dans d'autres pays européens – je pense en particulier à la Grande-Bretagne –, que certaines limites peuvent exister. Quoi qu'il en soit, c'est un enjeu décisif pour atteindre l'objectif, fixé par le Président de la République, d'une diminution par deux de notre consommation énergétique d'ici à 2050.

Je tiens enfin à souligner, comme le président Brottes, le lien qui existe entre le travail sur la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové – laquelle vise à réformer en profondeur un certain nombre de mécanismes relatifs au logement et à l'urbanisme, tout en apportant une réponse à la situation d'urgence que connaît le secteur de la construction – et le plan visant à construire 500 000 logements par an que nous allons bientôt lancer avec l'ensemble de la profession. Depuis maintenant un an, un comité de pilotage se réunit tous les mois, sous ma présidence : avec l'ensemble des professionnels, nous travaillons sur tous les sujets qui, sans nécessiter forcément un travail législatif, supposent la mobilisation de tous.

À ce titre, la pause en matière normative annoncée par le Président de la République le 21 mars dernier est utile pour que nous travaillions sur un enjeu qui est lui aussi décisif et qui aura des conséquences, non seulement en matière de construction, mais aussi, d'une manière plus globale, sur le budget de l'État : la baisse des coûts de construction. Je rappelle que le lancement de la construction d'un logement équivaut à deux emplois. Nous sommes, à cet égard, dans une situation différente d'autres pays européens et nous pouvons avancer dans ce domaine. Si nous parvenons tous, collectivement, à nous mobiliser sur ce sujet, un meilleur usage sera fait de l'argent consacré à la construction de logements sociaux. En effet, en diminuant le coût de construction, nous arriverons, avec le même budget, à construire davantage de logements.

Telles sont, en résumé, les ambitions du Gouvernement, qui sont très fortes en matière de logement et s'accompagnent d'un travail sur les structures. Comme l'a indiqué M. Baert, le rapprochement entre l'ACSé et le SG-CIV précède le travail sur le Commissariat général à l'égalité des territoires, qui a vocation à aborder de manière globale ces différentes politiques. François Lamy vous répondra de façon plus détaillée, au-delà des aspects législatifs, sur les moyens que nous accordons à la politique de la ville dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014.

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