Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 30 octobre 2013 à 9h00
Commission élargie : Égalité des territoires, logement et ville

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, président :

Il faudra vous mettre d'accord, car vous ne semblez pas avoir la même appréciation de cet écart.

Je vais maintenant donner la parole aux porte-parole des groupes.

Mme Annick Lepetit, pour le groupe SRC. Je tiens d'abord à souligner l'augmentation globale du budget du logement. Les autorisations d'engagement dépassent les 8,2 milliards d'euros, soit près de 2,4 % de hausse par rapport à 2013. En cette période difficile, où la contrainte budgétaire est particulièrement forte, ce chiffre est la traduction financière de la volonté politique forte et assumée qui nous anime : le logement est une priorité pour le Gouvernement et la majorité.

Ce budget est d'ailleurs une étape de plus dans la refondation globale de la politique du logement. Il est en cohérence avec les mesures législatives et réglementaires prises depuis plusieurs mois : loi relative à la mobilisation du foncier, pour accroître la production de logements sociaux, loi habilitant le Gouvernement à procéder par ordonnances, pour simplifier les procédures et faciliter la construction de logements, ou encore projet de loi « ALUR » pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, que nous examinerons bientôt en deuxième lecture.

Ces ressources supplémentaires bénéficient tout particulièrement à l'hébergement et à l'accès au logement des personnes sans abri. Les 111 millions d'euros supplémentaires affectés aux moyens d'intervention pour répondre aux situations de vulnérabilité sont à mettre en rapport avec le renforcement du rôle des systèmes intégrés d'accueil et d'orientation – SIAO –, prévu par le projet de loi ALUR.

Cette politique est l'application concrète du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, adopté en janvier. La lutte contre l'habitat indigne et le traitement des copropriétés dégradées font également partie des domaines dans lesquels les efforts se poursuivront en 2014.

Si le montant des aides à la pierre est inférieur de 50 millions d'euros à celui de l'année dernière, il doit être replacé dans la politique globale. Il faut ainsi y ajouter les 950 millions d'euros de la contribution d'Action Logement et, surtout, l'abaissement de la TVA sur la construction de logements sociaux à 5,5 %, soit près de 400 millions d'euros supplémentaires pour loger les classes moyennes et populaires.

Je tiens d'ailleurs à souligner qu'un amendement socialiste, adopté dans la première partie du projet de loi de finances pour 2014, étend ce taux réduit de TVA aux travaux d'amélioration de la performance énergétique des logements de plus de deux ans.

Je terminerai en saluant le budget de la politique de la ville, qui a été préservé cette année encore avec 492 millions d'euros d'autorisations d'engagement. La sanctuarisation des crédits d'intervention de l'ACSé est une bonne chose, puisqu'ils bénéficient à 7 000 associations qui agissent directement dans les quartiers pour la cohésion sociale. L'autre grand pôle est l'emploi et le développement économique : 5 000 emplois francs seront ainsi financés en 2014 pour des jeunes issus de quarante agglomérations.

Mais la politique de la ville ne se limite pas à ces chiffres, car elle est par nature interministérielle. Pour en avoir une vision globale, il faut également prendre en compte les créations de postes d'enseignants, fléchés sur les quartiers les plus en difficulté, les milliers d'emplois d'avenir financés en priorité dans ces villes, le renforcement des services publics, qui permettent à l'État de reprendre pied dans des zones qu'il a malheureusement abandonnées les années passées.

Étant donné la situation financière de notre pays, les impératifs de réduction de la dépense publique et le besoin de combler les dettes abyssales que nous a léguées la majorité précédente, les budgets pour le logement et la politique de la ville sont le meilleur équilibre qu'il était possible de trouver entre financement des priorités et contrôle de la dépense. C'est pourquoi les députés socialistes les soutiendront et les voteront.

M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe UMP. Avec une stagnation de ses crédits, mais toujours en baisse importante par rapport à 2012, la mission aurait dû s'appeler « renforcement des inégalité des territoires ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous creusez encore un peu plus un déséquilibre chronique et vous mettez en grande difficulté les quelques collectivités qui ont pour noble mission d'accueillir les populations en grande précarité. Ces collectivités n'ont plus les moyens d'assumer ce sacerdoce, puisque vous diminuez leur DGF tout en les accablant de nouvelles missions, comme la réforme des rythmes scolaires, l'accueil des sans-logis ou l'obligation d'insérer des demandeurs DALO dans leurs quartiers sensibles, accentuant un peu plus la création de ghettos, désormais ingérables.

En diminuant les crédits de la politique de la ville – 540 millions d'euros en 2012, 492 millions en 2014 –, vous enfoncez un peu plus les collectivités pauvres, vous freinez la volonté de certains ménages d'accéder à un logement, faisant passer la TVA à 10 % pour la construction PLS, vous baissez les crédits relatifs à l'habitat indigne, alors même que votre gouvernement s'était engagé de faire de ce sujet une priorité dans le cadre du projet de loi ALUR.

Êtes-vous conscients que ces baisses auront des effets catastrophiques sur les collectivités les plus pauvres, d'autant que les villes classées entre la 350e et la 600e place des dotations de DSU – dotation de solidarité urbaine – n'auront plus aucun soutien pour mener à bien leur politique de la ville ? De la même manière, ces villes sont contraintes d'avancer les fonds nécessaires à leur PRU – projet de rénovation urbaine –, donc d'emprunter, tant les crédits manquent. Il faut ajouter à cela le dessaisissement des attributions de logement – le projet des créations de métropoles retire aux villes la compétence du logement –, qui accentue un peu plus l'iniquité du système : des foyers venant de départements voisins, ayant formulé leur demande depuis quelques mois seulement, passent devant des familles qui attendent depuis cinq ou six ans.

De plus, vous continuez à concentrer les logements sociaux dans des villes qui dépassent déjà largement les 30 %, en épargnant toujours celles qui n'en ont pas.

L'encadrement des loyers, la garantie universelle des loyers, le déséquilibre des relations bailleurs-locataires que vous instaurez, sans parler des allers-retours incohérents sur la TVA, sont des mesures de nature à dissuader les investisseurs et les particuliers. Vous accentuerez ainsi la crise du logement, qui s'ajoute à la pénurie d'emplois et touche en priorité les quartiers sensibles et les villes pauvres.

Madame la ministre, quand prendrez-vous les mesures qui s'imposent ? Quand présenterez-vous un plan de lutte contre les inégalités territoriales et une politique de la ville digne de ce nom, à même de prévoir la distribution des richesses dans un territoire ? Ou bien concédez-vous que les belles promesses du candidat Hollande n'étaient qu'une manière de se faire élire ?

M. Thierry Benoit, pour le groupe UDI. Madame la ministre, chacun de nous sait que vous êtes une pragmatique. Je suis convaincu que vous vous êtes battue, comme le ministre de la ville, pour que le périmètre de votre ministère conserve les crédits nécessaires à une action ambitieuse.

Compte tenu du contexte, je suis convaincu aussi que, malgré les crédits affichés, et sincères, je n'en doute pas, vous allez devoir faire mieux avec moins d'argent. Ce sera plus difficile encore en 2015. N'est-il pas de votre responsabilité de proposer un big bang, qui redéfinirait les rôles et les missions de chacun dans le domaine du logement ?

Entre les politiques et les opérateurs, ne serait-il pas nécessaire de proposer une remise à plat afin d'utiliser au mieux chaque euro pour atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés ? M. Benisti évoquait l'inégalité des territoires. En effet, depuis une trentaine d'année, quels que soient les Gouvernements qui se sont succédés aux affaires, les inégalités en matière de logement n'ont cessé de se creuser entre tous les territoires, qu'il s'agisse de Nantes, de Toulouse, de Drancy, de Limoges, d'Aime ou de Fougères.

Une politique est aujourd'hui spécifiquement dédiée au domaine urbain, suivie par l'ANRU. Allez-vous mettre en place un dispositif équivalent pour les territoires ruraux en déprise ? Beaucoup de nos régions accueillent de nouvelles populations, lesquelles se concentrent sur des pôles que vous avez certainement identifiés puisque vous êtes aux affaires depuis dix-huit mois. Que proposez-vous pour répartir l'accueil de ces nouvelles populations sur l'ensemble du territoire national ?

S'agissant de l'énergie, une question grave se pose : quel accès aux énergies, au sens large, sur les territoires peu densément peuplés, pour l'habitat mais aussi les entreprises qui souhaitent s'installer en milieu rural ? Quelles sont vos propositions ? De surcroît, la politique que vous menez, madame la ministre, s'articule-t-elle avec celle d'autres ministères ? Il n'y a pas si longtemps, la politique du logement était intégrée au sein d'un grand ministère, celui du développement durable, qui avait également en charge les problèmes de l'énergie. Ma réflexion est valable aussi pour d'autres sujets comme la mobilité ou Internet.

Enfin, je suis très sensible à la question du taux réduit de TVA sur les activités du développement durable, l'écoconstruction. Avez-vous chiffré la proposition de Jean-Louis Borloo et de quelques-uns du groupe UDI de généraliser un taux réduit sur un temps défini – deux ou trois ans – en matière de logement, pour soutenir la construction de logements, l'emploi et un certain nombre de secteurs d'activité comme les travaux publics ou les artisans du bâtiment ?

Pour ce qui concerne plus spécifiquement la politique de la ville, c'est Francis Vercamer qui, au sein de notre groupe, interviendra.

Mme Michèle Bonneton, pour le groupe écologiste. Depuis l'examen du précédent projet de loi de finances, notre pays s'est doté d'une série de mesures importantes et ambitieuses dans le domaine du logement et de l'aménagement du territoire. Nous voici à présent dotés d'une grande partie des outils qui nous permettront de relancer la construction et d'accélérer les réalisations.

En plus de la baisse de la TVA à 5,5% pour la construction des logements sociaux et les opérations de rénovation énergétique, le budget de la mission « Égalité des territoires, logement et ville », progresse d'un peu plus de 1 %, ce qui n'est pas négligeable dans un contexte de contraction des finances de l'État. Madame la ministre, pourriez-vous nous rappeler comment cette hausse a-t-elle été possible ? J'ai bien noté par ailleurs que vous étiez déterminée à faire construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux.

Les moyens alloués au logement social ont nettement augmenté, grâce notamment à un emprunt d'un milliard d'euros pour les trois prochaines années, ce qui permettra de doubler la somme affectée à Action Logement, qui passe ainsi à 950 millions d'euros. Comment comptez-vous pérenniser ces moyens sur le plus long terme ?

Alors que le coût de l'énergie augmente et que le climat est en pleine mutation, la qualité de l'isolation et de la rénovation énergétique des logements existants et du neuf est une autre priorité. Pouvez-vous rappeler les objectifs tant en termes de moyens que de nombre de logements concernés par la rénovation énergétique ?

Quant à la politique territoriale, plusieurs actions sont prévues dans ce programme, notamment pour soutenir les territoires ruraux et les quartiers en difficulté, où les habitants accèdent de plus en plus difficilement aux services publics et aux services de santé. L'on peut déplorer que certains services de l'État s'en éloignent, comme les directions départementales des territoires, que d'autres disparaissent, comme l'ATESAT – Aide technique de l'Etat pour raison de solidarité et d'aménagement du territoire – en janvier prochain, que d'autres encore ne soient plus capables de rendre les mêmes services, à l'image du CEREMA – Centre d'études et d'expertises sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement – sans parler des aménagements souvent différés, en particulier l'accès au très haut débit pour les communications Internet.

Pouvez-vous rappeler, madame la ministre, les objectifs de la lutte contre les inégalités spatiales, aussi bien en milieu urbain que rural, revenir sur la création de mille maisons de services au public dont se chargera la DATAR avec un budget de plus de 250 millions, ainsi que sur le contenu de la révision du zonage pour mieux cibler les territoires dont les besoins sont les plus importants ? Je vous remercie.

Mme Dominique Orliac, pour le groupe RRDP. Je voudrais aborder deux sujets qui me paraissent essentiels, madame la ministre.

Tout d'abord, faut-il mettre fin à la saisonnalité de l'hébergement des personnes sans abri, sachant que les besoins en places d'hébergement ne sont pas moindres en été et que cette gestion irrégulière est contreproductive en termes d'insertion en ce qu'elle nuit à la continuité de la prise en charge ? Que comptez-vous faire pour la prochaine saison ?

S'agissant par ailleurs des centres sociaux, qui réalisent un travail d'insertion remarquable, les dotations, via le programme 177, pourraient se retrouver à un niveau proche de celui que nous avons connu avant 2011. L'enjeu financier n'étant pas considérable, il serait peut-être important de leur donner les moyens nécessaires à la réalisation de leur mission, en leur accordant 4 à 5 millions d'euros supplémentaires sur un programme total de 1,3 milliard. Ce serait une excellente mesure pour les quartiers.

M. André Chassaigne, pour le groupe GDR. Je voulais tout d'abord m'arrêter aux mots, aux verbes, voire aux envolées lyriques, mais j'ai sorti mon couteau de Thiers et j'ai gratté. J'ai trouvé des chiffres ! Le premier est celui des objectifs : construire 500 000 logements par an, dont 150 000 sociaux. Or, cette ambition devrait se réduire à 102 000 logements sociaux agréés en 2013, ce qui représente, soyons honnêtes, une petite progression de 5 % par rapport à 2012.

Les chiffres, ce sont encore les besoins de financement, et j'ai fait six constats.

Premier constat : le taux de TVA portant sur les opérations de construction et de rénovation des logements sociaux et les opérations d'accession à la propriété pour les ménages modestes est relevé à 5,5 %, ce qui représente une ponction de 80 millions d'euros sur le mouvement HLM – en Auvergne, 1,16 millions pour les quinze bailleurs qui ont investi 233 millions d'euros en 2012. À quoi sera destinée cette ponction ?À financer le CICE, cadeau au patronat d'un montant de 20 milliards compensé par une hausse de l'impôt le plus injuste, la TVA.

Deuxième constat : baisse des aides à la pierre. Les acteurs du logement sont également indignés par la diminution de 20% des aides à la construction des logements sociaux actée par ce budget. L'Union sociale pour l'habitat dénonce une diminution de 50 millions d'euros des aides à la pierre : 450 millions contre 500 en 2013, soit un trou de 10 %. Si je fais le calcul, entre la TVA et les aides à la pierre, les aides budgétaires à la construction de logements sociaux baissent de 20 % !

Troisième constat : gel des aides au logement. Les assauts contre le pouvoir d'achat populaire continuent ! Ainsi, les aides au logement seront gelées en 2014, du fait de la désindexation, ce qui est très préoccupant pour des milliers de ménages déjà étranglés financièrement. Faut-il rappeler que ces aides ciblent les personnes dont les revenus sont les plus faibles ainsi que les étudiants ! En moyenne, les bénéficiaires reçoivent 212 euros par mois, ce qui en fait la prestation la plus importante pour les ménages modestes. Si le Gouvernement avait poursuivi la revalorisation habituelle, il aurait dû dégager 350 millions d'euros supplémentaires quand il n'en prévoit, dans ce budget, que 173. C'est donc une économie de 177 millions d'euros qui est réalisée sur le dos des ménages et du pouvoir d'achat.

Quatrième constat : nouveau prélèvement sur la caisse de garantie du logement locatif social. La commission des finances a introduit un prélèvement de 78 millions d'euros sur le fonds de roulement de la CGLLS en 2014. Permettez-moi de vous citer Jean-Louis Dumont, président de l'USH : « C'est un très mauvais signal, décidé sans concertation, qui rappelle l'instauration par le précédent Gouvernement en 2011 du prélèvement arbitraire sur le potentiel financier des organismes HLM. »

Cinquième constat : poursuite de la RGPP. Les effectifs du ministère de l'égalité des territoires et du logement seront amputés de 681 postes avec, il est vrai, la création de 16 postes dans ses établissements publics, mais la suppression de 697 postes dans les services de l'Etat.

Sixième constat, « fric-frac » du livret A. Cet été, les banquiers ont obtenu, à l'issue de leur rencontre avec François Hollande, de pouvoir garder pour eux une partie des sommes collectées par l'intermédiaire du livret A et non de les remettre à la Caisse des dépôts. Entre 25 et 30 milliards d'euros seraient concernés. Or, ces sommes permettent à la CDC de financer la construction de logement social grâce à des prêts à très long terme. Offrir ces sommes à la finance, c'est encourager la spéculation aux dépens du logement social. Pourquoi relever le plafond du livret A – mesure que nous avons votée avec enthousiasme – si c'est pour livrer cette manne non à des causes utiles et constructives mais à la voracité de certains banquiers ?

Au total, ce budget marque une baisse de 20 % des aides budgétaires à la production de logement social. Mes propos vont paraîtront peut-être durs, mais ce sont simplement des constats qui s'appuient sur des chiffres. Je me suis contenté, pour l'essentiel, de me faire le porte-voix de la mobilisation des organismes HLM.

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