Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 4 novembre 2013 à 21h00
Commission élargie : culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

, rapporteur spécial pour les crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Les programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » représentent plus de deux tiers des crédits de la mission « Culture », le second programme mutualisant les fonctions de soutien de l'ensemble du ministère.

Dans un cadre budgétaire très contraint, je me félicite de l'attention que vous avez portée, madame la ministre, au soutien aux réseaux de création, à la diffusion des oeuvres sur les territoires et au développement des arts plastiques.

Les milieux culturels ont exprimé une attente forte à l'égard du projet de loi sur la création artistique, qui étend en quelque sorte l'engagement pris par le Président de la République en matière de spectacle vivant à l'ensemble de la création artistique. Pourriez-vous nous en indiquer les axes principaux ?

S'agissant du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », je salue l'effort réalisé en faveur de l'enseignement supérieur culturel et l'ambition du programme d'éducation artistique et culturelle à l'école. L'inscription de l'éducation artistique et culturelle dans la loi pour la refondation de l'école et la circulaire instituant la notion de « parcours d'éducation artistique et culturelle » confèrent ainsi une dimension essentielle au développement de la pratique artistique dès le plus jeune âge. Ayant eu l'opportunité de voir travailler le quatuor Debussy avec les enfants des écoles de la Croix-Rousse, j'ai pu mesurer la richesse que représentait le contact direct entre l'enfant et l'artiste. Cette politique traduit enfin la reconnaissance du fait que les artistes, comme les scientifiques, ont une mission de création, mais aussi de transmission. C'est pourquoi il me paraît important, pour les intermittents du spectacle, d'augmenter le volume d'heures d'enseignement pouvant être assimilées à des heures travaillées au titre de l'Annexe X, comme le suggère le rapport de la mission d'information commune sur les conditions d'emploi dans les métiers artistiques de notre collègue Jean-Patrick Gille.

Si les recettes du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ont fait l'objet d'un prélèvement de 150 millions d'euros en 2013, le présent projet de loi de finances prévoit un nouveau prélèvement de 90 millions en 2014. Or, j'ai eu l'occasion de rappeler lors du débat sur la première partie de ce projet de budget que les taxes affectées constituant ses ressources ne sont pas des impôts d'État, mais correspondent à un système vertueux de mutualisation du financement de la création par les usagers du secteur. C'est pourquoi le Gouvernement a eu raison de ne pas en plafonner le montant car les ressources excédentaires éventuellement dégagées grâce à ces taxes n'ont aucune raison d'être durablement affectées au budget général. Elles ont vocation à être rétrocédées sous la forme d'un ajustement des taux ou d'un élargissement du financement de la création du secteur. Le même raisonnement s'applique au prélèvement exceptionnel, qui non seulement devrait effectivement demeurer exceptionnel mais devrait en outre être principalement affecté au secteur culturel, comme cela est heureusement réalisé en partie – mais en partie seulement – en 2014 au profit de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC).

Je conclurai mon propos par des remarques d'ordre général sur le budget de la culture.

Les financements alloués à ce secteur constituent des investissements fondamentaux, au même titre que ceux consacrés à l'éducation, à l'enseignement supérieur ou encore à la recherche. C'est d'ailleurs cette conception qui avait conduit au doublement du budget de la culture lors des quatre premières années de la présidence de François Mitterrand et son augmentation sous tous les précédents gouvernements de gauche. En outre, une partie importante des dépenses culturelles, et notamment celles qui bénéficient au spectacle vivant, sont soumises à ce que les économistes appellent la « Loi de Baumol ». En d'autres termes, les gains de productivité du travail y sont quasiment inexistants : la représentation du Médecin malgré lui ou l'interprétation de la Flûte enchantée nécessitent à peu près la même quantité de travail qu'à l'époque de Molière ou de Mozart, alors même qu'on produit vingt fois plus de biens aujourd'hui en une heure de travail qu'au début de la révolution industrielle et que les salaires ont augmenté dans les mêmes proportions. Cela signifie que ce secteur est par essence confronté à des coûts croissants, de sorte qu'on ne pourra le préserver que si l'on accepte de le soutenir par un financement public important et qui doit augmenter.

Loin d'ignorer à quel point le redressement de nos comptes publics est nécessaire, j'ai approuvé la réduction importante et sélective des dépenses publiques opérée depuis deux ans par le Gouvernement, bien plus pertinente que le rabot uniforme appliqué précédemment. Et c'est précisément au nom de cette sélectivité que je plaide inlassablement pour que le budget de la culture soit sanctuarisé, au même titre que celui de l'éducation et de la recherche. Car si la baisse du budget de la culture représente une goutte d'eau dans l'océan des déficits hérités de l'ancienne majorité, cette goutte, minuscule à l'échelle de nos déficits, peut avoir d'importants effets regrettables sur la créativité de notre pays. Lorsqu'en 1966, André Malraux défendait au sein de notre Assemblée la création des maisons de la culture dans les départements, il eut cette comparaison : « Mesdames et messieurs, ce que je vous demande, c'est exactement vingt-cinq kilomètres d'autoroutes ». Prolonger sur plusieurs années la baisse du budget de la culture serait un non-sens économique. C'est pourquoi je souhaite que le prochain budget marque un net changement d'orientation en ce domaine.

En conclusion, je salue votre action, madame la ministre, car vous parvenez, dans un cadre fort contraint à préserver les missions essentielles de votre ministère.

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