Intervention de Michel Herbillon

Réunion du 4 novembre 2013 à 21h00
Commission élargie : culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Herbillon :

Madame la ministre, c'est le second projet de budget pour la culture que vous nous présentez depuis votre arrivée rue de Valois. Force est de constater que les années se suivent sous la présidence Hollande et que, pour la culture, elles ont une fâcheuse tendance à se ressembler ! 2014 s'annonce comme une nouvelle année noire : après 4 % de baisse en 2013, ce sera encore 2 % de moins en 2014 alors même que le budget de la culture représente 0,87 % du budget de l'État. François Hollande promettait un budget de la culture « sanctuarisé, préservé, protégé » ; ses engagements résonnent aujourd'hui de façon singulière et cruelle.

Le Président de la République et vous-même êtes désormais assurés de laisser, à votre manière, une trace dans l'histoire de l'action culturelle de notre pays car jamais, depuis la création du ministère de la culture, aucun Gouvernement n'avait osé lui faire subir une telle saignée. Alors, bien sûr, madame la ministre, vous vous efforcez de minimiser l'impact de ces coupes budgétaires. À vous écouter et à vous lire, nous devrions être soulagés car ces réductions sont conformes à la programmation budgétaire triennale. Tout est donc « normal » ! Dans le dossier de presse présentant le projet de budget, il est même écrit en gros caractères : « Les priorités de la mission culture : toujours la jeunesse, encore le patrimoine et plus que jamais la création. » On se pince pour le croire au regard des chiffres. Comment oser écrire « Plus que jamais la création », alors que les crédits qui lui sont dédiés vont être amputés de presque 4 % en 2014, et que les moyens alloués au spectacle vivant vont être réduits au détriment notamment des opérateurs nationaux ? L'Opéra de Paris, le Centre national de la danse, la Cité de la musique, la Grande Halle de la Villette seront par exemple impactés par ces baisses de subventions. Certains opérateurs connaîtront même, comme l'an dernier, un prélèvement sur leur fonds de roulement, alors que vous nous aviez assurés ici même il y a un an, madame la ministre, que cette pratique avait un caractère exceptionnel.

« Encore le patrimoine » écrivez-vous en exergue de votre document budgétaire ! Mais que va-t-il rester de la politique du patrimoine au rythme où vont les choses – après une baisse de 10 % des crédits en 2013, et une réduction de 4 % en 2014 ? En fait, le patrimoine est sacrifié sur l'autel de la rigueur budgétaire ; il est devenu une simple variable d'ajustement du budget de la culture. Les crédits dédiés au patrimoine monumental vont ainsi être réduits de plus de 12 % en deux ans.

Pour la politique muséale, si les crédits du « plan musée » en région sont maintenus, les coupes budgétaires dans les grands musées se poursuivent, que ce soit pour le Louvre, Pompidou, Orsay, Guimet, ou le quai Branly.

Non seulement, vous réduisez le budget de ces institutions mais, en outre, vous maintenez pour certaines les prélèvements sur leur trésorerie, les affaiblissant doublement alors qu'elles participent à l'attractivité de notre pays.

Les crédits pour l'enrichissement des collections publiques sont reconduits mais après avoir été amputés de 50 % en 2013.

Un tel désintérêt du Gouvernement pour ces questions nous inquiète, en particulier au moment où vous vous apprêtez, madame la ministre, à présenter un nouveau projet de loi sur le patrimoine. Nous craignons qu'il ne marque un vrai recul de l'action de l'État en matière de préservation et de valorisation du patrimoine.

Alors reste la politique en faveur de la jeunesse, dont vous affirmez faire une priorité depuis votre arrivée rue de Valois. Certes, il est vrai, et c'est une bonne chose, qu'un effort budgétaire sera réalisé en 2014 pour l'enseignement supérieur. Vous augmentez aussi de 5 millions d'euros les crédits consacrés à l'enseignement culturel et artistique pour accompagner le nouveau parcours d'éducation artistique et culturelle.

Mais, au-delà de 1'affichage politique, cette prétendue priorité donnée à la jeunesse a ses limites dans les faits. Vous réduirez ainsi l'an prochain de 8 millions d'euros la compensation par l'État de la gratuité des musées pour les jeunes de moins de vingt-six ans. Vous abaisserez également de 30 % les aides de l'État aux établissements d'enseignement spécialisé de danse et de musique marquant un nouveau désengagement de l'État à l'égard des jeunes talents mais aussi des collectivités locales.

En vérité, votre politique culturelle se résume depuis dix-huit mois à une gestion des restrictions et de la pénurie.

Abandon de tous les grands projets ; multiplication des coupes budgétaires ; renoncement à toute mesure ambitieuse et manque de véritable cap : cette réalité inquiète et interroge bien au-delà des rangs de l'opposition parlementaire. Elle inquiète les acteurs de la culture, les créateurs, les producteurs, les diffuseurs, et même les syndicats. Cet été, une déclaration a retenu mon attention dans le journal Le Monde à propos du budget de la culture. « Une fois de plus, les arbitrages budgétaires pour 2014 diminuent ses crédits au-delà du raisonnable.Mais gardons-nous que ce nouvel écrêtage des crédits de la culture n'ampute irrémédiablement des acquis nationaux. » L'auteur ajoutait : « Ne laissons pas le ministère de la culture s'affaiblir au point de ne plus pouvoir faire entendre sa voix, les générations futures ne comprendraient pas ce renoncement et nous le reprocheraient. »Madame la ministre, je ne saurais mieux dire nos craintes actuelles. Ce commentaire sombre quant à l'avenir de la politique culturelle de l'État ne vient pas d'un opposant à votre gouvernement mais de l'ancienne ministre socialiste de la culture, Mme Catherine Tasca, aujourd'hui sénatrice socialiste des Yvelines. Cela en dit long sur le désarroi actuel que fait naître l'absence d'ambition, de vision et de moyens en matière culturelle qui conduiront le groupe UMP à s'opposer à votre projet debudget.

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