Intervention de Aurélie Filipetti

Réunion du 5 novembre 2013 à 21h00
Commission élargie

Aurélie Filipetti, ministre de la culture et de la communication :

Le projet d'éducation artistique et culturelle fait partie des priorités du ministère de la culture. J'ai dégagé des moyens visant à financer 1 000 nouveaux projets chaque année durant trois ans, 30 % de ces projets étant destinés aux zones prioritaires de politique de la ville.

Madame Martinel, vous avez évoqué le rôle des radios associatives, notamment dans les quartiers. Le Fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER) accompagne 630 radios : j'ai veillé à ce qu'il soit maintenu à hauteur de 28,8 millions d'euros.

Monsieur Guillet, le bambara sera présent en 2014 sur RFI. Il est en revanche impossible d'assurer l'espagnol sur France 24 avant 2016, en raison du coût qui résulterait du recrutement de sept ou huit journalistes hispanophones. L'espagnol ne sera donc pas inscrit dans le COM de France 24, qui sera finalisé avant la fin de l'année et sera très prochainement transmis aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Monsieur Riester, vos critiques sont étonnantes. Vous appartenez en effet à un groupe politique qui reproche au Gouvernement d'augmenter les impôts pour rétablir l'équilibre des finances publiques, mais verrait d'un bon oeil des dépenses inconsidérées et nous accuse lorsque nous réduisons le coût dispendieux de certains de ses choix culturels. Le projet immobilier de l'INA aurait nécessité 55 millions d'euros, le projet initial du centre des réserves de Cergy-Pontoise 400 millions d'euros, la Maison de l'Histoire de France plus de 350 millions et l'Hôtel de la Marine 500 millions. Autant dire que le déficit des finances publiques serait devenu un abysse ! Vous ne pouvez pas tenir en permanence un double langage. Nous sommes contraints de gérer très strictement l'argent public pour éviter que des projets dispendieux ne retombent sur les contribuables et les générations à venir, sans oublier les frais de fonctionnement qui accompagnent toujours de tels investissements.

En l'occurrence, nous entendons traiter le problème de l'INA de manière rationnelle avant tout nouveau grand projet immobilier : nous répondrons aux besoins avec pragmatisme et dans le souci des deniers publics. En attendant, les bâtiments existants seront sécurisés et mis aux normes. C'est à mon sens la meilleure manière de gérer l'argent public.

De même, je suis choquée de vous entendre dire que l'Etat se défausse sur ses opérateurs. Dès lors qu'il s'agit aussi d'argent public, au nom de quoi les opérateurs du ministère de la culture – qui font partie de la sphère de l'Etat – devraient-ils être exonérés de l'effort de redressement des finances publiques, quand l'ensemble du pays est mis à contribution ? S'ils jouissent d'une certaine autonomie, ce qui est tout à fait légitime, ils ne sont pas pour autant des entreprises privées : ils fonctionnent sur fonds publics, à partir de collections publiques, et avec des personnels et des emplois publics. Il n'est donc pas acceptable qu'ils se constituent des fonds de roulement et des « bas de laine » de dizaines de millions d'euros au moment où l'on demande à l'ensemble de nos concitoyens de faire des efforts. Finissons-en avec cette hypocrisie ; j'assume une politique ambitieuse en matière culturelle, et responsable en matière de gestion de l'argent public.

Madame Attard, nous avons réduit le budget de la HADOPI car celle-ci dispose des moyens d'assumer ses missions – notamment la réponse graduée et la mission d'observatoire de l'offre publique et des comportements et des pratiques culturelles en ligne – dans l'attente de leur transfert au CSA, conformément à l'arbitrage qui a été rendu, par la prochaine loi sur la création. D'ici là, le budget de la HADOPI peut être diminué sans mettre en péril ses salariés et leurs missions, puisque la Haute autorité dispose de réserves. Il n'y a donc pas de transfert des crédits de la HADOPI vers le CSA, monsieur Tardy, mais bien une diminution de ceux-ci rendue possible par une politique d'économies budgétaires.

Quant au Centre national de la musique, il s'agissait là encore d'un projet non financé. En l'état du projet, cet établissement public aurait été une coquille vide, qui aurait généré des frais de fonctionnement sans pour autant sécuriser les sources de financement pouvant être mobilisées en faveur du secteur de la musique. Bref, c'était encore une illusion. Ma méthode consiste à définir les modalités pertinentes pour soutenir le secteur avant de réfléchir au financement. Deux dispositifs sont d'ores et déjà mis en oeuvre : l'aide à la production phonographique des petites et moyennes entreprises, qui n'ont pas – ou très peu – accès aux aides existantes dans le secteur, pour répondre aux urgences liées au contexte de crise économique, et l'aide en direction des plateformes musicales, qui ne disposent pas de mécanismes de soutien à l'heure actuelle.

Les chiffres que vous évoquez au sujet de France Télévisions ne sont pas exacts, madame Buffet : il s'agit de supprimer non pas 650 emplois, mais 321 contrats à durée indéterminée (CDI), et dans le cadre d'un plan de départs volontaires.

Monsieur Pouzol, l'expertise conduite l'an dernier sur l'opération « Mon journal offert » a conclu à l'existence d'un effet d'aubaine. Il nous a donc semblé que les 5 millions d'euros consacrés à cette opération seraient mieux employés ailleurs, à savoir pour des projets d'éducation artistique, d'éducation à l'image et d'éducation à la presse, touchant notamment à la pratique de la presse via les nouveaux outils numériques. L'éducation à l'information, c'est aussi le sens du travail du Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (CLEMI) et de la réorientation vers l'innovation et les nouveaux supports, afin que les jeunes puissent lire sur les supports numériques qui leur sont familiers.

En ce qui concerne la médiathèque numérique et l'édition, madame Dessus, une étude sur l'offre commerciale de livres numériques à destination des bibliothèques de lecture publique, qui procède à des comparaisons internationales, l'étude IDATE, a été publiée en mars dernier. Suite à cette étude, nous avons lancé un groupe de travail qui réunit les éditeurs, les auteurs, les libraires et les bibliothécaires, afin de définir les bonnes pratiques en la matière. Il rendra ses conclusions au mois d'août, au moment même où le Congrès international des bibliothèques, l'IFLA – International federation of library associations –, se tiendra à Lyon. Vous serez bien entendu associée à cette réflexion.

M. Rogemont m'interroge sur France Télévisions en région. La régionalisation peut se faire sans hausse des coûts, par une évolution des organisations et une réflexion sur la place des émissions nationales de France 3. Les modalités d'élargissement des plages régionales peuvent prendre plusieurs formes : il appartiendra à la mission Brucy d'explorer les différentes pistes, aucune n'étant à ce jour privilégiée. Le développement des commandes auprès de producteurs régionaux fait bien entendu partie des perspectives à envisager.

En ce qui concerne la chaîne pour enfants, vous constaterez que j'ai veillé à ce que les programmes pour enfants soient davantage représentés sur France 4 à l'avenir. Même si nous n'avons pas encore de chaîne dédiée à proprement parler, la part des programmes destinés aux enfants et à la jeunesse s'est accrue, en complément de ce qui existe déjà sur France 3 et France 5.

La transparence des aides à la presse que M. Tardy appelle de ses voeux existe déjà : les aides directes à la presse sont rendues publiques sur le site internet du ministère de la culture, titre par titre ; elles le seront également en 2014. La Conférence annuelle des éditeurs se réunira également prochainement sous ma présidence, afin que ces aides soient connues et partagées par toute la profession.

J'en viens au fonds Google d'aide à la presse et à son impact sur la profession. Le fonds Google résulte d'un accord privé. L'État n'a pas à définir sa politique en fonction des stratégies d'autres acteurs privés. Le règlement intérieur du fonds prévoit qu'il ne pourra pas soutenir de projets ayant déjà bénéficié du soutien du fonds stratégique ; L'Etat sera tenu au courant des projets qui seront aidés.

Les librairies indépendantes ne bénéficieront pas seulement de 9 millions d'euros, madame Genevard. Cette somme recouvre l'ensemble des aides à la trésorerie et à la reprise. Il convient d'y ajouter les 2 millions qui viennent abonder les aides du CNL, et les 7 millions apportés par les éditeurs. Nous arrivons donc à 18 millions supplémentaires, ce qui est très important.

L'appui méthodologique des libraires physiques au numérique sera assuré grâce aux 2 millions d'aide supplémentaires du CNL, qui nous permettront notamment de financer des actions de formation des libraires. La dimension interministérielle est pleinement prise en compte puisque le projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises que défendra Mme Pinel comporte une disposition sur le lissage de l'augmentation des loyers qui permettra de soutenir les librairies. Nous travaillons par ailleurs ensemble sur le dossier des librairies Chapitre.

L'État tient ses engagements internationaux en matière de soutien à TV 5, monsieur Loncle. Compte tenu du contexte, celui-ci est particulièrement important cette année, avec une hausse de 1,6 % de la contribution de la France au budget de TV 5, soit 1,2 million d'euros. Nous sommes bien sûr très soucieux de l'avenir de TV 5.

Monsieur Allossery, je vous remercie d'avoir salué la création du médiateur du livre dans la loi sur la consommation. C'était l'une des annonces du plan d'aide aux librairies indépendantes. Ce médiateur sera installé en 2014.

En matière de livre, il existe deux types de contrats : les contrats territoires lecture, qui portent sur la lecture publique et les médiathèques, qui sont les lieux naturels de ressources culturelles, avec notamment les ressources numériques, et les contrats de progrès, qui sont davantage centrés sur la filière économique du livre. Quatre contrats de progrès ont déjà été signés.

J'en viens au cadre législatif du livre numérique, monsieur Léautey. Le contrat d'édition à l'ère numérique a été signé par les représentants des auteurs et des éditeurs il y a quelques mois, grâce à la médiation de M. Pierre Sirinelli. Une loi d'habilitation est nécessaire pour modifier le code de la propriété intellectuelle. En l'absence d'autre véhicule législatif, il faudrait qu'elle soit intégrée au plus tard dans le projet de loi sur la création.

En ce qui concerne l'augmentation de l'offre de livres numériques, nous continuons à oeuvrer à l'augmentation de l'offre légale par la numérisation du domaine public à la Bibliothèque nationale de France via Gallica, pour 6 millions d'euros par an. Pierre Lemaitre a d'ailleurs salué le rôle important qu'avait joué Gallica dans l'écriture de son dernier roman, Au revoir là-haut, pour lequel il vient de recevoir le prix Goncourt. L'augmentation de l'offre est aussi assurée par l'aide à la conversion des catalogues non numérisés apportée aux éditeurs via le CNL, pour 4 millions d'euros par an, et par le développement de mécanismes juridiques innovants, notamment la gestion collective des droits pour les oeuvres indisponibles.

Puisque Mme Buffet a évoqué la liberté de la presse, je rappelle que pour sécuriser l'autonomie et le financement de l'AFP au regard du droit communautaire, nous restons mobilisés dans le cadre du contentieux avec la Commission européenne. L'AFP bénéficie dans le cadre de ce budget d'un traitement qui lui permet d'assumer toutes ses missions. Elle est un instrument essentiel pour donner un regard français sur le monde, et un bel exemple d'information de qualité et de défense de la liberté de l'information.

Je conclurai en rendant à mon tour hommage aux deux journalistes de RFI – Ghislaine Dupont et Claude Verlon – qui ont été assassinés au Mali, dont les corps ont été rapatriés ce matin. Je vous remercie de l'avoir fait, et souhaite redire notre soutien à leurs familles, ainsi qu'à la grande famille de RFI.

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