Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du 8 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Administration générale et territoriale de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre délégué, chers collègues, nous nous réjouissons de l’augmentation sensible du budget de la mission « Égalité des territoires, logement et ville » et saluons le positionnement volontariste du Gouvernement. Néanmoins, certains éléments nous incitent à une extrême vigilance. Nonobstant sa population peu nombreuse, la Guyane souffre de la situation particulièrement dégradée de son parc de logements. On y dénombre 20 000 logements illicites, bien souvent indécents et insalubres. La situation est notablement aggravée par la situation d’une grande partie d’entre eux hors du périmètre des plans de résorption de l’habitat insalubre et des opérations programmées de l’amélioration de l’habitat. Outre le problème du logement illégal, la Guyane accuse à ce jour un retard de plus de 13 000 logements sociaux. Au rythme actuel de croissance démographique, on estime que 45 000 logements manqueront aux 500 000 habitants prévus en 2030.

Paradoxalement, la région compte au moins 5 000 logements vacants. Les besoins en logements sont tels qu’une part notable de la population ne trouve pas de solution dans le parc légal, ce qui entretient le cercle vicieux de l’habitat sans titre et des énormes difficultés d’aménagement du territoire qui en résultent. Le quotidien Le Monde a publié en 2011 un article intitulé « La terrible loi de l’immobilier en Guyane » tirant la sonnette d’alarme et pointant du doigt le diktat particulièrement lourd de la loi de l’offre et de la demande consécutif à la pénurie de logements. En voici un extrait : « Ce n’est pas Nice ou Cannes, mais simplement Cayenne et pourtant le prix de l’immobilier est vertigineux. Depuis longtemps, la mixité sociale est un leurre. D’un côté des logements sociaux, de l’autre des villas ou des résidences sécurisées. Entre les deux, des quartiers qui végètent parfois dans l’insalubrité, des squats ou des bidonvilles ». J’aimerais pouvoir dire aujourd’hui que ces propos sont obsolètes. Hélas ! La situation s’est passablement dégradée.

C’est pourquoi nous nous inquiétons fortement du relèvement à 5,5 % du taux de TVA pesant sur les opérations de construction et de rénovation des logements sociaux ainsi que sur les opérations d’accession a la propriété pour les ménages modestes. Une telle mesure, qui représente 80 millions d’euros destinés en partie à financer de CICE, cumulée à la fixation à 5 % du taux de LBU obligatoire pour chaque projet de logement social par le budget de la mission « Outre-mer », risque malheureusement d’avoir un impact négatif sur le nombre de mises en chantier et, inévitablement, sur l’amélioration du parc de logements disponible pour les Guyanais. Nos inquiétudes sont d’autant plus vives que nos bailleurs sociaux ont du mal à répondre à une demande de logements sociaux sans commune mesure avec celle qui est observée sur le reste du territoire national. Rappelons que 80 % de la population guyanaise est éligible au logement social.

De tels chiffres traduisent le contexte économique et social difficile vécu par la population guyanaise et au-delà par toute la population française, qu’elle soit ultramarine ou hexagonale. Ils nous font également craindre le gel des aides au logement social ciblant les personnes aux revenus les plus faibles ainsi que les étudiants. Leurs bénéficiaires reçoivent en moyenne 212 euros par mois, ce qui en fait la prestation la plus importante pour les ménages modestes. La revalorisation habituelle aurait ainsi permis de dégager 350 millions d’euros supplémentaires au lieu des 173 millions prévus par le budget. On peut malheureusement craindre que cette économie de 177 millions d’euros ne pèse lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages modestes, qui subissent en outre, dans nos territoires d’outre-mer, le handicap de la vie chère.

Nous nous étonnons aussi du mauvais signal que constitue l’introduction en commission des finances d’un prélèvement de 78 millions d’euros sur le fonds de roulement de la caisse de garantie du logement locatif social. Il sera lui aussi préjudiciable aux ménages les plus modestes, comme l’a d’ailleurs souligné notre collègue socialiste Jean-Louis Dumont. Comment, dès lors, ne pas nous étonner du détournement d’une partie des sommes collectées par le livret A de la Caisse des dépôts au profit des banquiers ? Ces sommes, de l’ordre de 30 millions d’euros, permettent à la Caisse des dépôts de financer la construction de logements sociaux, en particulier par des prêts à très long terme.

Offrir ces sommes à la finance ne revient-il pas à encourager la spéculation au détriment du logement social ? À quoi bon relever le plafond du livret A si c’est pour livrer cette manne non à des causes utiles et constructives, mais aux intérêts privés des établissements bancaires et financiers ? Aussi, alors que je soutiens activement, à titre personnel, le PLF pour 2014 présenté par le gouvernement, je ne puis me satisfaire des crédits de la présente mission, qui entraînent une baisse de 20 % des aides budgétaires à la production de logement social. En conséquence, je m’abstiendrai, tandis que mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront contre ces crédits.

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