Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Réunion du 7 novembre 2013 à 15h00
Commission élargie : Écologie, développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel :

, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'énergie. On pourrait qualifier le budget du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » d'anecdotique, car il ne s'élève qu'à 592 millions d'euros, dont 550 millions sont consacrés à la gestion de l'après-mines.

Les financements publics ne sont pas pour autant absents de la politique énergétique. Empruntant d'autres canaux, ils représentent des montants importants et méritent donc d'être placés au centre de la discussion de ce PLF pour 2014.

La CSPE constitue l'instrument privilégié du financement des énergies renouvelables ; le blocage de la contribution demandée aux consommateurs entre 2004 et 2010 s'est traduit par l'accumulation d'une dette à l'égard d'EDF estimée à 4,25 milliards d'euros à la fin de 2012. Depuis 2011, le mécanisme de fixation de la contribution unitaire a évolué pour permettre une augmentation annuelle quasi automatique de 3 euros le mégawattheure ; ainsi, en 2013, le niveau de la CSPE, fixé à 13,5 euros le mégawattheure, devrait permettre de couvrir les coûts de l'année et de stabiliser la dette, avant de commencer à la résorber à partir de 2014. Le Gouvernement s'est engagé auprès d'EDF à ce que l'intégralité du déficit de compensation soit remboursée à l'horizon 2018 et à assumer les coûts de portage associés à cette créance. Le mécanisme de fixation du montant de la CSPE est cohérent avec l'engagement de couverture du déficit de compensation d'ici à 2018. Cependant, la prise en compte des coûts de portage devra faire l'objet d'une disposition législative : sera-t-elle inscrite dans le futur projet de loi sur la transition énergétique ?

La résorption du déficit de couverture des charges de CSPE ne résout pas le problème de la hausse de la facture pour les consommateurs sur le long terme. Selon les calculs du ministère, la CSPE devrait atteindre 10 milliards d'euros par an en 2020 ; pour absorber une telle hausse, la contribution unitaire devrait doubler.

L'une des solutions envisagées consiste à élargir l'assiette de la CSPE à l'ensemble des sources d'énergie ; une telle solution s'avère cohérente avec la réalité physique du système énergétique, dans lequel les énergies sont interdépendantes : quelle est votre opinion sur ce sujet, monsieur le ministre ? Favoriser l'acceptabilité de la hausse de la CSPE pour les ménages renforcera bien entendu le développement des énergies renouvelables.

Le dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE) est un succès : 405 térawattheures cumac (cumulés et actualisés) de certificat ont été délivrés depuis le 1er juillet 2006 et les objectifs fixés aux fournisseurs d'énergie ont toujours été dépassés.

La troisième période du dispositif, débutant au 1er janvier 2015, devrait voir un doublement de l'effort demandé aux fournisseurs, les cibles passant à 200 térawattheures cumac par an ; il s'agit d'un véritable changement d'échelle qui pose une question de coût. En effet, on observe que les fournisseurs d'énergie se sont d'abord concentrés sur les gisements d'économies les plus rentables, comme les changements de chaudière. À l'inverse, les opérations d'isolation des combles ou des toitures n'ont représenté que 9 % des économies générées. De tels résultats ne sont pas surprenants, dans la mesure où ces actions sont bien plus complexes et demandent des apports financiers importants – de l'ordre de 10 000 à 20 000 euros. Par conséquent, n'existe-t-il pas de risque que les fournisseurs d'énergie soient contraints d'accroître considérablement le montant des primes distribuées pour parvenir à réaliser leurs objectifs et d'en répercuter le coût sur la facture des consommateurs ? La CDC propose un système alternatif dans lequel les fournisseurs abonderaient un fonds destiné à la rénovation : cette solution vous semble-t-elle pertinente ?

Il convient d'ériger la rénovation thermique du parc de logements privés au rang de priorité nationale, en poursuivant quatre objectifs : la diminution des émissions de gaz à effet de serre, la lutte contre la précarité énergétique, le développement d'emplois verts non délocalisables et le rééquilibrage du mix énergétique. Actuellement, les dispositifs de soutien public ne donnent pas pleinement satisfaction : l'éco-PTZ est en perte de vitesse, puisque seuls 34 000 prêts ont été accordés en 2012 – chiffre dix fois inférieur à l'objectif annuel de rénovation de logements privés, fixé à 380 000 par le Président de la République –, et le CIDD, mal calibré initialement, a été progressivement recentré vers une logique de performance énergétique globale.

L'une des pistes envisagées pour faciliter l'accès des particuliers à la rénovation thermique consiste à relier ces dispositifs entre eux afin d'élaborer une offre globale. Un premier pas a été réalisé en 2012, et il est désormais possible de cumuler le bénéfice du CIDD et de l'éco-PTZ pour les ménages dont le revenu fiscal de référence ne dépasse pas 30 000 euros : envisagez-vous d'approfondir ce mouvement nécessaire ?

On observe également que la répartition des tâches entre les différents acteurs n'est pas assez claire et que les ménages ne sont pas suffisamment accompagnés : comment pourrait-on donner corps à la notion de guichet unique de la performance énergétique ?

Enfin, la rente nucléaire a été évoquée comme source de financement possible de la transition énergétique ; il ne s'agit en aucun cas de préempter les décisions de l'ASN ou de court-circuiter le débat sur la transition énergétique, mais de disposer de tous les éléments sur lesquels fonder une réflexion objective.

Nos analyses montrent que l'idée de capter la rente nucléaire pour financer la transition énergétique semble aujourd'hui illusoire, car cette rente se situe à un niveau historiquement bas compte tenu des prix de marché actuels ; en outre, elle est déjà captée en très grande partie par d'autres mécanismes, comme ceux des tarifs réglementés de vente et de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH). En revanche, le prolongement de la durée comptable d'exploitation du parc aurait un impact économique, car les investissements d'EDF pourraient être étalés sur dix années supplémentaires, ce qui permettrait de réduire la hausse du tarif de l'électricité de 3 points ; de plus, le report de dix ans des obligations en matière d'actifs dédiés permettrait à EDF de reprendre une partie des montants déjà provisionnés, à hauteur de 3,3 milliards d'euros. Cette reprise de provision donnerait lieu au versement d'un supplément d'impôt sur les sociétés de 1,3 milliard d'euros en 2013. Ces estimations sont-elles exactes ?

Enfin, si la décision du prolongement du parc était prise, pourriez-vous vous engager à ce que l'argent récupéré soit fléché vers la transition énergétique ? Dans tous les cas, cette décision doit entrer dans le cadre, fixé par le Président de la République, de diminution de la part du nucléaire à 50 % du mix énergétique.

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