Intervention de Jean-Marie Le Guen

Réunion du 7 novembre 2013 à 15h00
Commission élargie : Écologie, développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Le Guen :

, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Le journal Les Échos s'interrogeait ce matin en ces termes : « Y aura-t-il de l'électricité à Noël ? ». Les énergéticiens ont déjà attiré notre attention sur les difficultés du marché de l'énergie en Europe. La Commission européenne a proposé des politiques successives et peu cohérentes en la matière : elle a d'abord privilégié le marché, puis s'est penchée sur le climat avant d'insister sur les problèmes de compétitivité. Dans le même temps, le prix du quota de CO2 s'est effondré. Cette situation dégradée résulte non seulement des errements de la gouvernance européenne, mais également des choix opérés en Allemagne depuis l'époque du gouvernement Schröder.

Des dysfonctionnements sont apparus dans le système énergétique de l'Allemagne : son coût, croissant, s'avère prohibitif ; il a conduit l'Allemagne à mettre en place pour son industrie – notamment ses électro-intensifs – des mécanismes d'exonération de charges, qui se situent à la limite de la légalité européenne et qui, répercutés sur les seuls ménages, font l'objet de très vifs débats publics. Dans le même temps, l'électricité issue des sources renouvelables a entraîné, en Allemagne et chez ses voisins, de graves problèmes pour les réseaux de transport, qui n'ont pas été conçus pour fonctionner de manière intermittente. Le marché de gros de l'électricité a subi un effondrement des prix, et l'abandon du nucléaire a induit un transfert vers le charbon et le lignite, qui constituent des énergies fossiles très polluantes. Ce modèle national non coopératif empêche tout développement d'une politique européenne de l'énergie.

Comment envisagez-vous, monsieur le ministre, la coordination et le dialogue entre les pays européens afin d'assurer la transition énergétique et, plus largement, la décarbonisation de l'économie ? À quelles conditions pourrions-nous maintenir une sécurité d'approvisionnement à un coût supportable en Europe ?

Quelle est votre vision d'une communauté européenne de l'énergie et de sa gouvernance ? Comment pourrait s'opérer une reconnexion de la production d'électricité renouvelable et du marché, compte tenu de la maturité du secteur ? Comment comptez-vous sécuriser les investissements de long terme économes en carbone ? Quelles sont les priorités européennes en matière de technologies du futur ?

Paris accueillera probablement la conférence des parties sur les changements climatiques (COP 21) en 2015 : celle-ci traitera de la limitation des émissions de gaz à effet de serre pour l'après-2020. Afin de ne pas rééditer l'expérience malheureuse de Copenhague, comment allez-vous préparer politiquement cette réunion ? Par ailleurs, nous devons attacher une attention particulière à l'avenir de la transition énergétique en Afrique subsaharienne : soutenez-vous l'idée d'en faire un sujet central de la COP 21, afin que des acteurs énergétiques majeurs – l'Europe, les États-Unis et la Chine – prennent des initiatives sur ce terrain ?

M. Jacques Krabal, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, pour la protection de l'environnement et la prévention des risques. Mes questions porteront sur les risques technologiques, le financement de la sûreté nucléaire et la lutte contre la pollution de l'air.

La loi du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable, dite loi DDADUE, a permis d'améliorer substantiellement le cadre applicable aux plans de prévention des risques technologiques, dont la généralisation se heurtait à des difficultés récurrentes. C'est ainsi qu'a été instituée une contribution des industriels et des collectivités au financement des travaux prescrits à hauteur de 25 % chacun, en complément du crédit d'impôt – ce qui porte donc à 90 % au moins l'aide apportée aux particuliers pour la réalisation de travaux de mise en sécurité de leur logement. La loi a par ailleurs introduit un ensemble de clarifications et de simplifications utiles. Pourriez-vous nous fournir des précisions sur le contenu de ces expérimentations, leur durée et le calendrier de leur éventuelle généralisation, si leur bilan se révélait concluant ?

S'agissant de la sûreté nucléaire, j'ai rencontré les 15 et 16 octobre dernier le président de l'ASN et le directeur général de l'IRSN. Dans un contexte budgétaire tendu, ces opérateurs ont pris acte de l'évolution de leurs budgets respectifs et souligné le maintien des crédits alloués à la mission de sûreté nucléaire. Ils estiment que ces crédits sont globalement sanctuarisés, malgré la baisse de 20 millions d'euros des crédits de recherche de l'IRSN relevant du programme 190. Il n'en reste pas moins que l'ASN a appelé l'attention sur l'accroissement de ses tâches dans la durée, qu'il s'agisse du contrôle des installations nucléaires ou du contrôle du domaine médical, en raison du recours accru aux rayonnements ionisants. Au-delà, elle considère que les moyens concourant au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ne peuvent être durablement assurés que par une refonte de ses sources de financement, sous le contrôle du Parlement, et elle renouvelle sa demande de création d'un programme budgétaire unique regroupant l'ensemble des moyens consacrés au contrôle, à l'expertise et à l'information en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection dans le domaine civil.

La présidente du conseil d'administration de l'IRSN, Mme Dominique Le Guludec, nous a indiqué que la coupe budgétaire de 20 millions d'euros subie par l'Institut était conjoncturellement soutenable – puisque les investissements dans le réacteur Cabri, à Cadarache, touchent à leur terme cette année. Elle a néanmoins ajouté que, si cette diminution des ressources devait perdurer, elle compromettrait les capacités de recherche de l'Institut, qui conditionnent elles-mêmes la valeur de son expertise.

Monsieur le ministre, quelle est votre position sur l'ensemble de ces sujets ? Que pensez-vous de l'idée de faire porter intégralement le financement de ces deux opérateurs par la taxe sur les installations nucléaires de base, dont le taux pourrait par ailleurs être arrêté annuellement par le Parlement et selon des modalités permettant de préserver l'indépendance réciproque de ces deux institutions ?

En ce qui concerne les moyens consacrés à la lutte contre la pollution de l'air extérieur, le Commissariat général au développement durable estime que la pollution de l'air coûte de 0,7 à 1,7 milliard d'euros par an au système de soins. À la suite de l'installation du Comité interministériel de la qualité de l'air (CIQA), le Gouvernement a présenté le 6 février 2013 un plan d'urgence, comprenant trente-huit mesures articulées autour de cinq priorités : favoriser le développement de toutes les formes de transport et de mobilité propres ; réguler le flux de véhicules dans les zones particulièrement affectées par la pollution atmosphérique ; réduire les émissions des installations de combustion industrielles et individuelles ; promouvoir grâce à la fiscalité des véhicules et des moyens de transport plus favorables à la préservation de la qualité de l'air ; informer et sensibiliser aux enjeux de la qualité de l'air. Quelles mesures réglementaires, techniques ou financières avez-vous déjà prises ou comptez-vous prendre prochainement en ce sens ? Selon quel calendrier ? Pourriez-vous nous fournir une estimation du coût total des actions engagées ou prévues et nous préciser les modalités de leur financement ?

Enfin, quant aux crédits demandés au titre des programmes 170 et 181, ils s'inscrivent dans une certaine continuité, largement justifiée par le caractère structurel des nombreuses actions menées par le Gouvernement.

J'émets donc un avis favorable à l'adoption de l'ensemble des crédits de la mission.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure pour avis de la commission du développement durable, pour les paysages, l'eau et la biodiversité. J'ai analysé avec soin le budget du programme 113, consacré aux paysages, à l'eau et à la biodiversité, mais aussi le programme 159, consacré à l'information géographique et cartographique.

Étant donné le contexte actuel, on ne peut que se féliciter de la relative stabilité des crédits du programme 159. Je constate néanmoins que, en 2013, les recettes commerciales de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) ont diminué de 1,7 million d'euros par rapport aux prévisions. Comment améliorer les recettes de cet organisme ? Comment en faire l'opérateur public privilégié en matière d'information géographique et cartographique ? Comment lui permettre d'intervenir dans le cadre de la transition écologique, et en particulier dans l'élaboration des trames vertes et bleues ? Enfin, monsieur le ministre, comment concevez-vous l'avenir de l'IGN face à de grands opérateurs comme Google maps ?

Les crédits du programme 113 sont eux aussi marqués par une apparente stabilité. Ce programme n'enregistre en effet qu'une légère baisse des autorisations d'engagement et des crédits de paiement. Il est cependant marqué par la suppression de 199 équivalents temps plein (ETP) correspondant à la contribution de cette mission à l'effort de réduction de la dépense publique. Cette stabilité apparente risque de freiner les actions menées en faveur de la protection des milieux, de la préservation et de la reconquête de la biodiversité et de la restauration des milieux aquatiques, qui ont connu une forte dégradation. Elle risque également de nous empêcher de tenir nos engagements nationaux, européens et internationaux, surtout si, comme l'an dernier, une partie des crédits votés sont gelés en même temps que des crédits supplémentaires sont imputés à ce programme.

Chaque année, la conservation et la reconquête de la biodiversité, l'amélioration de la qualité de l'eau et la reconquête des milieux font l'objet de nombreux discours sans que les engagements politiques trouvent la moindre traduction budgétaire. Il coûte cher, en effet, de maintenir les équilibres nécessaires à la vie sur terre et à la conduite des activités humaines, mais il nous coûtera plus cher encore de ne rien faire ! De tels gels et surgels budgétaires entravent considérablement l'action de l'État, de ses services déconcentrés et des opérateurs.

Un tel constat serait sans doute moins vrai si nous réfléchissions aux limites du principe d'universalité budgétaire, qu'illustre l'exemple des aires marines protégées : en effet, compte tenu de la hausse du coût de la protection du milieu marin, nous aurions besoin de 500 millions d'euros pour atteindre les objectifs que nous avons fixés à l'Agence des aires marines protégées d'ici à 2020. Nous devrions pouvoir affecter à ces objectifs des recettes suffisantes et conférer une sécurité budgétaire pérenne à nos actions en ce domaine. À l'image de la redevance cynégétique, il serait notamment possible d'instaurer une taxe sur la pratique de la plongée sous-marine et d'en affecter le produit à la conservation de la richesse sous-marine, dont dépend entièrement cette activité. De même, l'affectation à l'Agence d'une partie de la redevance domaniale sur l'extraction de granulat marin serait une source légitime de financement de la politique de conservation du milieu marin. Je constate d'ailleurs que nous avons validé ce type de procédé en affectant le produit de la taxe sur les bateaux à moteurs au Conservatoire du littoral. Si je me félicite d'une telle décision, ne serait-il pas plus logique d'affecter cette ressource à l'Agence ? Monsieur le ministre, seriez-vous favorable à ce type de proposition ? Ne pourrait-on pas constituer un groupe de travail sur le sujet ?

Je souhaiterais également évoquer la création de l'Agence française de la biodiversité (AFB), qui devrait voir le jour en 2015. Il fut envisagé un temps, pour garantir son financement et assurer sa pérennité, de prendre modèle sur l'ADEME qui, elle, bénéficie justement de recettes affectées. Or, s'il est désormais question d'allouer à l'AFB une palette variée de financements, on s'est encore une fois éloigné de la piste des recettes affectées, alors même que l'enjeu en cause est déterminant. Car, tant pour les organismes et opérateurs appelés à l'intégrer que pour les associations et acteurs environnementaux, ce projet d'agence, aussi bon soit-il, ne présente d'intérêt que s'il apporte une plus-value et garantit l'apport des moyens nécessaires à la conservation et à une meilleure connaissance de la biodiversité. Si le périmètre financier envisagé pour l'agence s'élève à 211 millions d'euros en 2015, parviendra-t-on à réunir ces crédits sans l'apport de recettes supplémentaires ? Les 1 200 personnes qui seront rassemblées au sein de cette agence bénéficieront-elles d'un statut unique ? Si oui, quel en sera le coût ?

J'émets un avis favorable à l'adoption de ce budget stable tout en soulignant l'impérieuse nécessité pour l'avenir de gagner en cohérence et de faire de cette mission une priorité budgétaire du Gouvernement. L'anticipation passe désormais par la budgétisation. Et l'écologie, c'est le social et l'économique. Le méconnaître nous conduirait tout droit dans le mur !

M. Denis Baupin, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, pour la transition écologique. Lors de la deuxième Conférence environnementale qui s'est tenue il y a quelques semaines, le Président de la République a déclaré que la transition énergétique ne constituait pas une contrainte, mais un choix stratégique. C'est dans cette optique que je souhaiterais aborder le débat sur l'énergie, qui fut l'an dernier une première historique, et qui doit à présent trouver sa traduction dans la loi.

Notre inquiétude vis-à-vis du dérèglement climatique ne peut que s'accroître au vu des rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). En matière d'émissions de carbone, nous sommes particulièrement préoccupés par le développement de l'usage du charbon, qui vient se substituer non pas au nucléaire, mais au gaz, que ce soit en France, en Grande-Bretagne ou en Allemagne, aucun prix n'ayant été fixé en Europe pour le carbone. Quelle initiative la France compte-t-elle prendre pour y remédier ?

Nous sommes également préoccupés par le vieillissement de notre parc nucléaire et par tous les risques qu'il nous fait courir. Ce matin même, EDF a reconnu que la production nucléaire serait encore en baisse cette année en raison du nombre des arrêts fortuits et de la longueur des arrêts pour maintenance des centrales nucléaires. L'intermittence croissante du parc nucléaire pose de véritables problèmes au réseau qui doit disposer d'une capacité d'adaptation extrêmement forte.

Dans le même temps, l'ASN a elle-même émis, dans son dernier rapport, un jugement particulièrement sévère et pessimiste sur l'état de la sûreté nucléaire, l'estimant « globalement assez satisfaisant », et donc en dégradation continue. L'ASN a également rappelé que la prolongation de la durée de vie des centrales au-delà de quarante ans n'était nullement acquise et que l'on ne pourrait savoir avant 2015 les conditions éventuelles d'une telle prolongation. En outre, les perspectives de coût que cela impliquerait sont tout à fait fantaisistes. D'aucuns songent à amortir les centrales nucléaires sur cinquante ans : comment les comptes d'une société cotée en bourse et faisant partie du panier du CAC 40 pourraient-ils encore être considérés comme sincères si ses installations venaient à être amorties au-delà de leur durée de vie ? Quel avis l'Autorité des marchés financiers pourrait-elle émettre sur le cours en bourse d'une telle société ? Cela ressemble fort à de la cavalerie budgétaire ! L'exemple de l'EPR fait voler en éclats toute notion de rentabilité. Plutôt que de rente nucléaire, il faut parler d'un gouffre ! Si vraiment rente nucléaire il y a, pourquoi nous faut-il augmenter les tarifs de l'électricité ?

Face au dérèglement climatique et au risque nucléaire, il est donc impératif de développer les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique. Sur le premier point, la Cour des comptes a indiqué que nous n'étions pas du tout en ligne avec nos engagements. Monsieur le ministre, quels dispositifs la France compte-t-elle instaurer pour renforcer sa politique en la matière ? Vous avez indiqué que vous souhaitiez en revoir les mécanismes de financement : pourquoi pas ? Mais dans ce cas, comment pérenniser le développement des énergies renouvelables ? Comment favoriser les initiatives locales en ce domaine, de même que l'autoconsommation ?

S'agissant de l'efficacité énergétique, vous avez indiqué que vous rendriez d'ici à quelques jours des arbitrages en matière de certificats d'économie d'énergie. Quel en sera le coût futur ? Que comptez-vous faire en matière de mobilité ? En effet, seul 1 % des certificats sont utilisés en ce domaine – pourtant crucial si l'on prend en compte l'objectif, fixé par le Président de la République, de diminution de 30 % de notre consommation d'énergie fossile à l'horizon 2030. Où en sont les négociations en cours sur les émissions de carbone des véhicules à l'horizon 2025 ? Quelle est, dans ce cadre, la position de la France ?

Je défendrai par ailleurs en séance des amendements sur le CIDD afin de mettre un terme à des évolutions qui nous paraissent négatives, s'agissant notamment du photovoltaïque. Il me paraît nécessaire de mieux cibler les dispositifs soutenus et de mieux inciter à la réalisation de bouquets de travaux.

Outre le programme 174, cette mission comprend également deux programmes nouveaux, 403 et 404, qui témoignent du fait que, loin de relever d'une contrainte, les politiques de l'énergie constituent une véritable opportunité du point de vue industriel, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

S'agissant enfin de la qualité de l'air, le budget est marqué par une avancée importante en termes de fiscalité écologique avec la contribution climat-énergie. Mais la question du diesel n'a cependant pas été traitée : dans quel délai le sera-t-elle ? Il importe par ailleurs de soutenir les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (ASQUA) : quelles mesures comptez-vous prendre pour assurer la pérennité de leur financement ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion