Intervention de Arnaud Montebourg

Réunion du 6 novembre 2013 à 16:
Commission élargie : Économie, accords monétaires internationaux, prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif :

Le CICE est une mesure générale, uniforme et non conditionnée, qui bénéficie à quelque 10 000 entreprises pour un montant de 800 millions d'euros environ. Certains la critiquent pour son absence de ciblage. Or il faut savoir que, par le passé, la France a été condamnée par l'Union européenne pour des mesures ciblées. Ce fut le cas, souvenez-vous-en, du plan Borotra pour le textile – les entreprises ont dû rembourser les aides qu'elles avaient perçues, ce qui a provoqué des faillites en série dans le secteur et aggravé le mal au lieu d'y remédier. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons choisi de ne pas cibler la mesure, mais de faire confiance aux partenaires de l'entreprise – syndicats et personnels – pour discuter avec ses dirigeants de l'affectation de la ressource en fonction de la situation. Selon les cas, le dispositif permettra de financer un projet d'investissement mis en sommeil, une politique salariale ou une reconstruction des marges. À titre d'exemple, un représentant de la direction de Renault, qui a négocié les accords de compétitivité et la sécurisation de l'emploi au sein de l'entreprise, a fait état de l'utilité du CICE dans le choix de la relocalisation de la production de 200 000 véhicules sur le sol français. Le CICE est précieux au moment où le nombre de faillites d'entreprises, notamment de petites entreprises, a progressé de 7 % en un an.

Je réfute la distinction artificielle entre services et industrie. De nombreuses industries s'appuient sur les services fournis par les entreprises de proximité. Avec cet outil qui n'opère pas de distinction, nous sommes en mesure de répondre à l'affaissement des marges, qui sont les plus dégradées de la zone euro.

En ce qui concerne le travail des CRP, le nombre de dossiers traités tant par la cellule restructuration du ministère ou par le comité interministériel de restructuration industrielle rattaché à la direction du Trésor que par les CRP est un bon indicateur : depuis mai 2012, ce sont 1 075 entreprises en difficulté qui ont ainsi fait appel aux services de l'État. Mais certaines souffrent, voire meurent, en silence. Parfois la mobilisation des territoires ou des médias met en lumière le sort d'une entreprise quand celui d'une autre ne préoccupe personne. L'intérêt que les partenaires sociaux, les unions locales des syndicats, le patronat, les chambres de commerce, les parlementaires, les présidents de collectivités territoriales portent au devenir de l'entreprise est un bienfait que nous devons apprécier.

Pour les entreprises aidées, sur les 159 900 emplois concernés ou menacés, 139 449 ont été préservés. Cela signifie donc que 15 000 emplois ont été perdus en dix-huit mois : c'est beaucoup. Nous nous réjouissons néanmoins que, dans la plupart des cas, les outils industriels et les savoir-faire aient été préservés. Mais l'exercice est difficile. Notre méthode consiste à réunir autour de la table toutes les parties prenantes : aux banquiers et financiers, nous disons qu'ils doivent abandonner une partie de leurs créances ; aux dirigeants d'entreprises, qu'il est temps de passer la main ou de tirer les conséquences de leur mauvaise gestion ; à l'État, de faire preuve d'indulgence pour le règlement du passif fiscal et social ; aux salariés, que des sacrifices sont nécessaires, mais que tout sera mis en oeuvre pour leur reclassement. Chaque fois, nous pouvons compter sur des attitudes responsables de part et d'autre, qui permettent de surmonter les difficultés.

S'agissant de La Poste, le volume de courrier a baissé de 6 %. Elle doit donc concilier deux orientations politiques : développer de nouveaux métiers et rester présente sur tout le territoire. La recherche de nouveaux métiers, y compris grâce aux solutions les plus audacieuses, fait partie des missions que j'ai confiées à la nouvelle direction de l'entreprise. Dans certains pays, le choix a été fait de distribuer le courrier un jour sur deux et, par voie de conséquence, de dégrader le service public. Ce n'est pas celui que nous voulons faire. Nous entendons concilier l'évolution de la société et la mutation du service public, tout en maintenant ses missions. Nous souhaitons que les propositions des parlementaires, des partenaires sociaux et de tous les acteurs de terrain soient discutées. La mutation de ce bien collectif qu'est La Poste doit être l'oeuvre du plus grand nombre, afin de conserver un service public auquel les Français sont très attachés, qu'ils habitent dans les villes ou dans les campagnes.

En ce qui concerne les taxes affectées, nous sommes très attentifs au financement des centres techniques industriels (CTI), qui sont les outils des politiques menées par les filières. J'ai accepté un plafonnement des taxes, mais en exigeant qu'il soit limité à 4 %. Avec les CTI, les filières organisent elles-mêmes les actions dont elles ont besoin. Dans le secteur textile, par exemple, l'action « transfert » permet à des professionnels de former des jeunes qui entrent dans la profession et de mutualiser la capacité de recrutement. C'est ainsi que sont financés de nombreux projets, y compris en matière de recherche technologique.

M. Grellier m'a interrogé sur les comités stratégiques de filière et sur la manière dont allaient s'intégrer les PME dans les trente-quatre plans industriels présentés par le Président de la République, le 12 septembre. Avec les conseils régionaux, nous allons veiller à ce que les pôles de compétitivité proposent, dans le cadre de ces plans, des projets qui associent dans chaque territoire les PME qui se sentent parfois éloignées des centres de décision.

Dans cette optique, nous avons souhaité panacher les profils des chefs de projet : à côté de grands groupes leaders dans leur domaine figureront également des entreprises de taille intermédiaire (ETI), des PME et des start-up. En confiant le pilotage des projets à des chefs d'entreprise issus des secteurs concernés, notre but est de nous assurer qu'ils seront mis en oeuvre le plus rapidement possible, dans leur intérêt comme dans le nôtre.

Notre philosophie repose sur l'alliance des pouvoirs publics et du secteur privé, des financements publics et de l'investissement privé, des laboratoires publics et de la recherche et développement privée, des grandes entreprises et des petites entreprises. Nous avons confié l'intérêt général à des entrepreneurs privés, lesquels ont conscience d'agir pour la défense d'intérêts plus larges que les leurs. Cet échange de bons procédés devrait nous permettre d'intégrer dans le dispositif des concurrents moins directement concernés. Nous prônons la coopération et l'entente plutôt que la concurrence, dogme stupide dans une période où nous avons besoin de nous unir et non d'organiser notre division.

J'ai également été interrogé sur les problèmes de recrutement. Avec Vincent Peillon, nous oeuvrons, sous l'égide du Premier ministre, à faire se rejoindre le système éducatif et le système productif. C'est tout l'objet des campus des métiers, qui permettent à des entrepreneurs de travailler avec les collèges, les lycées et les écoles d'ingénieurs, tandis que, en parallèle, des professeurs interviennent dans les entreprises.

Cette mutualisation concerne l'ensemble de la chaîne de formation, depuis le primaire jusqu'à la formation continue ; elle s'applique aussi bien au CAP et aux formations courtes post-bac qu'aux formations universitaires plus longues, ce qui inclut la recherche et les écoles d'ingénieurs. C'est un travail de longue haleine, mais indispensable pour abattre les cloisons qui subsistent encore, même si, dans de nombreuses régions, les acteurs locaux ne nous ont pas attendus pour renforcer la coopération entre le monde de l'éducation et le monde de l'industrie.

Pour ce qui concerne le programme d'investissements d'avenir, mon ministère est chargé de la mise en oeuvre du programme 405 dédié aux projets industriels et doté de 420 millions d'euros.

La première action de ce programme concerne tous les projets industriels d'avenir, dans le financement desquels l'État va s'impliquer par le biais de prises de participation, d'avances remboursables ou de prêts, dans le cadre d'appels à projets ou de procédures de gré à gré. Nous ne faisons ici qu'instruire ; c'est la BPI qui opère et qui conventionne. La BPI est le bras armé de la réindustrialisation de la France.

La deuxième action concerne les prêts pour l'industrialisation, à hauteur de 30 millions d'euros. Par effet de levier, la BPI pourra, en s'appuyant sur cette dotation budgétaire, distribuer 270 millions de prêts non bonifiés.

La troisième action enfin, dotée de 60 millions d'euros, doit servir à financer notre rattrapage en matière de robotisation, puisque nous comptons 120 000 robots de retard sur l'Allemagne et 50 000 sur l'Italie. Nous allons nous appuyer, pour combler notre retard, sur les conseils régionaux. Ces derniers devront mobiliser les fonds du Fonds européen de développement régional (FEDER) pour financer la modernisation des appareils productifs. Ils nous aideront également à mieux cibler les besoins de chaque territoire et à atteindre les entreprises qui échappent à nos radars, mais que les élus de terrain savent identifier.

Le programme 406, dédié à l'innovation, doit permettre de financer les projets d'innovation de rupture, ainsi que les a définis Anne Lauvergeon dans son rapport. Le Fonds national d'innovation servira à financer le plan pour l'innovation présenté par Fleur Pellerin et le Premier ministre à Saint-Étienne il y a deux jours.

Je voudrais pour conclure dire un mot du Conseil national de l'industrie, assimilable à nos yeux au parlement de l'industrie. Je me félicite qu'il ait récemment adopté à l'unanimité un avis sur les conditions dans lesquelles doit se dérouler la transition énergétique. Le fait que tous les partenaires sociaux – CGT, FO, CFDT, CGC, CFTC, CGPME et MEDEF – aient approuvé cet avis démontre que le monde productif porte une vision de la transition énergétique qui n'est pas forcément celle du Parlement. Cela permet aussi de constater que, de la CGT au MEDEF, des gens s'accordent dans notre pays sur la question du nucléaire, du gaz de schiste ou des électro-intensifs et des gazo-intensifs.

Si les deux assemblées parlementaires sont représentées au Conseil national de l'industrie, nous ne sommes pas favorables en revanche à la présence d'élus dans les comités stratégiques de filière, où siègent déjà l'ensemble des organisations syndicales du secteur, toutes les fédérations professionnelles, les sociétés donneuses d'ordre et les PME représentatives du secteur. Il est préférable de ne pas alourdir davantage leurs réunions, sachant qu'elles font l'objet d'un rapport devant le Conseil national de l'industrie.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis. J'ai posé trois questions auxquelles vous n'avez pas répondu, monsieur le ministre. La première concernait le FISAC, la seconde les 50 millions d'euros de l'action n° 5, la troisième la disparition du CEFAC.

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