Intervention de Pierre Ferracci

Réunion du 30 octobre 2013 à 16h30
Commission d'enquête relative aux causes du projet de fermeture de l'usine goodyear d'amiens-nord, et à ses conséquences économiques, sociales et environnementales et aux enseignements liés au caractère représentatif qu'on peut tirer de ce cas

Pierre Ferracci, président de SECAFI :

Dans ce dossier, nous avons toujours eu des relations compliquées avec l'ensemble des parties. Nous conseillons les représentants du personnel et, parce qu'il nous arrive d'intervenir aussi dans l'accompagnement des salariés après le plan social, nous travaillons aussi avec la direction. Nous essayons de travailler en bonne intelligence avec les uns et les autres. Ce n'est pas faire injure à la direction de Goodyear de penser qu'à un moment donné, les relations sociales étaient si compliquées et, les procédures judiciaires s'accumulant, le conflit si fort que, peut-être, tout en défendant le plan de reprise par Titan, la direction n'y a plus cru, jugeant que sa mise en place serait très difficile à réaliser. Peut-être aussi, ayant réussi la réorganisation d'Amiens-Sud, avoir une relation sociale aussi déséquilibrée à Amiens-Nord lui a-t-elle fait peur. Mon propos était sans doute un peu exagéré : la direction a porté le plan Titan, mais j'aurais préféré qu'un supplément d'enthousiasme se manifestât des deux côtés, puisque le plan représentait, du point de vue des syndicats, une opportunité considérable et qu'il permettait à la direction de s'extraire d'un guêpier social monumental.

Bien qu'au sein même de la CGT, des voix se soient élevées pour dire qu'il fallait examiner le plan Titan avec attention et ne pas l'écarter d'un revers de main, le conseil de SECAFI n'a malheureusement pas été suivi jusqu'au bout et je le regrette. Je n'en veux pas à ceux qui nous ont lâchés ; la position des syndicats dans une affaire de ce type est toujours extrêmement compliquée. Selon moi, le dossier a été trop politisé et trop judiciarisé. Or, la recherche d'un compromis équilibré ne passe pas forcément par la sollicitation des juges, aussi compétents soient-ils. La preuve en est que les magistrats, après avoir donné raison aux syndicats pendant des années, se sont retournés au cours de la dernière période, et presque tous les procès intentés ont été perdus. Il est parfois bon que le juge intervienne pour trancher et arbitrer, mais dans un débat de cette nature, qui concerne l'entreprise, les partenaires sociaux doivent se mettre d'accord, et ce n'est jamais facile.

Cette affaire me rend malade, car il est très rare, lors de la reprise d'un site de production, de trouver une solution industrielle qui sauve la moitié des emplois. Ainsi, chez Molex, de 5 à 8 % seulement de l'effectif a été sauvé par le plan de reprise. J'ai, comme tout le monde, été choqué par les déclarations tonitruantes du président de Titan, mais s'il fallait juger les groupes industriels à l'aune des déclarations de leurs dirigeants, on ferait parfois le ménage un peu vite. Il n'empêche que le plan de Titan était solide, ouvrait des perspectives durables et comportait l'engagement de maintenir 537 emplois pendant 2 ans. On peut considérer que cette durée, qui aurait sans doute été portée à 4 ans au terme de la négociation avec Goodyear, n'est pas suffisante. Cependant, demander à un repreneur le maintien de l'emploi pendant 7 ans dans un marché qui n'est pas aussi rose qu'on veut bien le dire, car l'automobile ne se porte pas très bien sur le plan mondial –, c'est créer les conditions pour que la négociation n'aboutisse pas. Je n'ai jamais vu des syndicalistes, dans des dossiers aussi compliqués que celui-là, exiger une garantie de l'emploi de 7 ans lors de la reprise d'un site industriel.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion