Intervention de Jean-Marc Lacave

Réunion du 19 novembre 2013 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Marc Lacave, candidat au poste de président-directeur général de Météo France :

Monsieur le président, monsieur Olivier Falorni, je regrette la décision de France Télévisions – que j'ai apprise en tant que simple citoyen –, le choix de passer par un appel d'offres par lots conduisant à la parcellisation de l'information météorologique. En effet, si au niveau national France Télévisions s'appuie désormais sur un groupe anglais, les émissions régionales et le dispositif de vigilance continueront à être alimentés par Météo France. L'économie générale d'un tel système risque de s'avérer problématique. Certes, un établissement public cherche toujours à obtenir le meilleur prix en mettant en compétition plusieurs opérateurs, mais il doit avant tout essayer de construire un partenariat avec ses homologues. En arriver à faire appel à une entreprise privée signe l'échec de la coopération entre services publics. Je ne connais pas encore le contenu des offres, mais même si l'on m'indique que celle de Météo France était assez compétitive, il faudra chercher notre part de responsabilité dans ce résultat. Aussi devrai-je analyser très vite, avec les équipes, ce qui s'est passé, afin d'en tirer tous les enseignements nécessaires. Je souhaite, pour ma part, cultiver avec les autres services publics des relations confiantes, constructives et harmonieuses, afin d'éviter que les producteurs français perdent des marchés au profit d'opérateurs étrangers.

Madame Geneviève Gaillard, la coopération internationale – notamment européenne – est de plus en plus structurée. Elle s'exerce au sein de l'Organisation européenne pour l'exploitation des satellites météorologiques (EUMETSAT) et du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT), organisme collectif basé en Angleterre et rassemblant les services météorologiques nationaux de tous les pays d'Europe. L'observation météorologique et les calculs ne connaissent pas de frontières ; aussi prend-t-on de plus en plus l'habitude de travailler en commun. Les Français sont très bien implantés dans ces organes internationaux – des anciens de Météo France dirigent ainsi le CEPMMT – et se trouvent à l'origine de bien des initiatives de coopération. Tendre vers un service météorologique unique européen n'a pas de sens dans la mesure où la prévision reste un enjeu de sécurité nationale – ne serait-ce qu'en matière de défense ; en revanche, je crois à la mutualisation des outils d'observation et de calcul, qui permettrait d'éviter de juxtaposer les dépenses.

S'agissant du climat, je lis, comme tout un chacun, les rapports du GIEC. Plus personne ne conteste aujourd'hui le constat sans équivoque du réchauffement climatique. Le rôle de l'influence humaine dans ce processus – notamment par le biais des émissions de gaz à effet de serre – semble établi. Le réchauffement se poursuivra, accompagné de phénomènes extrêmes, mais également d'événements localement contradictoires. Il faut donc arriver à en prévoir les conséquences concrètes, à moyen terme, pour chaque région. Quel en sera l'impact, dans dix ans, en Poitou-Charentes ? On connaît la tendance générale, mais il faut apporter des réponses adaptées aux territoires.

En ce qui concerne les réformes à venir, monsieur Christophe Priou, j'entends suivre le COP qui fournit un socle de base au projet de réorganisation de Météo France. De 108, on passe en effet à 55 implantations ; 31 des 53 centres appelés à être fermés – soit plus de la moitié – le sont déjà. Je tâcherai de conduire à son terme cette réforme délicate, et m'en tiendrai là. La maison Météo France est sensible, elle possède une histoire et une culture forte ; je n'ai pas l'intention d'arriver avec des projets tout faits qui risqueraient de la déstabiliser davantage encore.

Monsieur Bertrand Pancher, à ce stade, je ne peux pas répondre à la question concernant les stations du réseau FREDON, destinées à aider les pratiques agricoles, et le désengagement de l'ONEMA et du ministère de l'agriculture. J'étudierai rapidement ce dossier, car perdre des outils d'observation ne peut qu'être préjudiciable à la qualité des services rendus. Il faudra donc trouver des solutions de substitution.

S'agissant de l'open data, beaucoup de données sont déjà ouvertes au grand public, voire aux professionnels. Dans ce domaine, la difficulté tient surtout à la nécessité de disposer d'outils informatiques suffisamment puissants pour supporter le transfert de grandes masses de données et le volume important de connexions. Il s'agit donc davantage d'un aménagement technique des outils de diffusion que d'une véritable révolution dans le statut des données ; en effet, les données payantes – qui rapportent quelque 3 millions d'euros par an – représentent une recette modeste. Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes ne propose pas beaucoup de pistes pour compenser la perte de cette ressource – tant pour l'IGN que pour Météo France.

Au sein d'un budget global de quelque 450 millions d'euros, la part des recettes commerciales – en légère baisse – passe de 40 à 35 millions, érodée par la concurrence, le caractère limité du marché et la faiblesse de la demande dans cette période difficile. Dans ces conditions, je chercherai surtout à maintenir ce montant, sans ambitionner de le multiplier par deux ou par trois. Pour cela, il nous faut cibler les personnes qui dépendent de la météo dans leurs activités quotidiennes ; j'en ai moi-même fait partie en tant qu'armateur, constructeur ou exploitant de routes, ou encore portuaire. Pour attirer de nouveaux clients, nous devons pouvoir leur apporter, plutôt que de la donnée brute, des réponses adaptées aux spécificités de leur métier, qui leur permettent de prendre des décisions opérationnelles.

J'estime qu'il faut résister à l'évolution qui se dessine pour le ciel européen, la volonté de désunir les services publics au nom de la compétitivité relevant d'un dogme. Travaillons à baisser les coûts par le biais des coopérations et de la réorganisation – notamment dans le domaine de l'aéronautique –, prenons la voie de l'amélioration de la performance ; mais ne sacrifions pas tout à l'objectif de la mise en concurrence. Les réformes internes devraient nous permettre de gagner du temps et d'échapper aux critiques.

Mon prédécesseur avait mis la recherche en tête des objectifs du COP, et je veillerai à ce qu'elle continue de s'épanouir. Je pense qu'il faut trouver, au cas par cas, les meilleurs partenaires pour chaque recherche – dans le domaine aérien, maritime, terrestre, portant sur les phénomènes extrêmes, le climat, les submersions, etc. Météo France est déjà bien outillée et organisée : élargir le champ de son activité avec des partenaires qui, sur chaque sujet, viendront compléter les efforts internes de recherche nous permettra de parvenir à un résultat plus rapide et meilleur encore.

Si en matière de réorganisation territoriale, nous devons simplement mener à son terme le projet de réduction du nombre de sites, bien davantage reste à faire sur le plan interne, pour assurer la répartition entre prévisionnistes amont et conseil, entre ceux qui s'impliquent dans la démarche commerciale par le biais de prestations spécialisées et ceux qui s'occupent de la prévision générale.

Enfin, s'agissant du rôle que l'établissement doit tenir vis-à-vis des collectivités territoriales, j'ai noté l'expérience, dans le Languedoc-Roussillon, de l'entreprise Predict – filiale de Météo France et du groupe BRL – qui se présente comme un outil de conseil météorologique régional. Sans savoir, à ce stade, si elle fonctionne bien, cette tentative de combiner la matière proposée par Météo France avec les besoins réels et concrets du terrain m'apparaît très prometteuse. Gageons que c'est par le biais de ce genre d'initiatives que l'on arrivera à se rapprocher de plus en plus des attentes des collectivités.

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