Intervention de Jean-Luc Laurent

Séance en hémicycle du 22 novembre 2013 à 9h30
Ville et cohésion urbaine — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Laurent :

…est une nécessité et une exigence.

Il y a d’abord une illusion statistique que je veux souligner. Le solide appareil statistique qui accompagne la politique de la ville mesure le décrochage des lieux et des quartiers, mais laisse échapper les individus, alors même que ces quartiers sont d’une grande mobilité. Il n’y aurait rien de plus faux que de souscrire à l’image de quartiers immobiles, où les générations s’entasseraient comme dans des ghettos. En réalité, des individus, des familles en sortent, d’autres arrivent, en général moins bien dotés en capital économique, culturel et social.

Au cours des trente années écoulées depuis 1983, la France a subi un mouvement continu de désindustrialisation et de mutation du travail, qui a frappé non seulement la France de l’est, mais aussi les grandes agglomérations, l’urbain et le périurbain, à commencer par Paris et sa région. Ces trente années ont aussi été marquées par le recul des grandes institutions, très verticales, très républicaines, hautement nécessaires et utiles. Je pense à l’École – que j’écris avec un grand E – mais aussi à l’armée, avec la suppression du service national ; je pense à la rationalisation des services publics qui, trop souvent, a marqué leur recul dans les communes et surtout dans les quartiers populaires.

La politique de la ville ne peut pas être jugée indépendamment de ce contexte plus large. Pendant ce temps, les fractures ont certes perduré, mais ces quartiers n’ont pas sombré pour autant. Autour de la politique de la ville, des acteurs locaux se sont mobilisés, obtenant de nombreux succès auxquels il faut rendre hommage. Souvent à l’initiative de maires entrepreneurs et soucieux de la cohésion sociale et urbaine, ces quartiers ont bénéficié d’investissements importants du bloc communal – auquel j’inclus les intercommunalités depuis la loi Chevènement.

Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous nous proposez non pas une refondation, mais une rénovation profonde. Elle est nécessaire. Tirée à hue et à dia, la politique de la ville s’est complexifiée jusqu’à la confusion en juxtaposant des dispositifs et en produisant une machinerie, en aboutissant à une ingénierie complexe – trop complexe. On entend déjà la critique reprochant au critère unique de la pauvreté de diluer la spécificité de la politique de la ville.

À entendre certains, la politique de la ville ne devrait viser que des quartiers décrochés dans des zones dynamiques. Mais les décrochages urbains et les inégalités ne sont pas moins violents dans les petites agglomérations moins dynamiques que les métropoles. Il est essentiel, à mes yeux, de prendre en compte les poches de pauvreté urbaine qui échappent au paysage traditionnel des cités HLM faites de tours et de barres. Cette pauvreté peut aussi être située en centre-ville, concerner des copropriétés et du parc social de fait, ou des espaces pavillonnaires.

Il faut saluer cette révolution mentale qui rapproche les représentations, la réalité et les politiques publiques, qui ont pour ambition de saisir le réel pour le transformer. Bien sûr, les enjeux seront toujours plus forts dans les métropoles. Le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui doit s’articuler avec le texte sur les métropoles, afin de traiter de ces enjeux. La légitimité d’une politique nationale de la ville sera renforcée par cette nouvelle géographie qui regarde la France telle qu’elle est ou, pour reprendre le titre d’un documentaire important diffusé récemment par le service public, qui regarde « la France en face ».

Nous avons besoin d’utiliser tous les leviers disponibles pour sortir notre nation de la crise que nous traversons – et, j’ose le dire devant la représentation nationale, pour « faire France ». Monsieur le ministre, votre projet de loi nous invite à aller de l’avant et c’est pourquoi nous le soutiendrons.

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