Intervention de Jean-Pierre Barbier

Séance en hémicycle du 25 novembre 2013 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Barbier :

Finalement, c’est un budget insincère qui a été adopté.

Cet épisode prêterait à sourire si le sujet dont nous débattons n’était pas aussi sérieux. Les Français ont constaté, médusés, l’incohérence de la politique du Gouvernement et de sa majorité, l’absence de cap, le rafistolage, l’improvisation dans la conduite des affaires publiques.

Enfin, cerise sur le gâteau, nous avons assisté au rejet par le Sénat du PLFSS à la suite d’une demande de vote bloqué. Une tentative de passage en force tout bonnement sanctionnée et, pour la deuxième année consécutive, un Sénat qui rejette le PLFSS : c’est un revers sans appel !

François Hollande cohabite de plus en plus avec les Français. Le Gouvernement cohabite, lui, avec sa majorité – ou ce qu’il en reste.

Dans ces conditions, nous ne pouvons que demander le renvoi du PLFSS en commission.

Après la forme, venons-en aux raisons de fond.

La grande fragilité politique du Gouvernement à l’égard de sa majorité explique en grande partie l’absence d’ambition réformatrice du PLFSS. Mme la ministre a beau user de tous les habillages rhétoriques possibles, enrober ses présentations, embellir ses propositions, sa communication se fracasse sur la réalité du PLFSS.

Cette réalité quelle est-elle ?

C’est d’abord une politique qui n’est faite d’aucune réforme structurelle

C’est ensuite une politique qui poursuit le matraquage et l’oppression fiscale des Français. Peut-on parler de modération de la pression fiscale quand vous taxez : les retraités, en reportant de six mois la revalorisation des retraites ; les actifs, en augmentant la cotisation vieillesse ; les familles, en modulant la prestation d’accueil du jeune enfant en fonction des revenus et en abaissant le quotient familial ; les épargnants, en augmentant les prélèvements sociaux sur les produits d’épargne ?

Dans votre PLFSS, il n’y a aucune audace mais beaucoup de facilités et de dogmatisme.

Dans votre PLFSS, il n’y a pas de perspectives, pas de stratégie, pas d’ambition. Enfin, si, il y a une perspective : celle de la hausse continue des impôts et taxes. Pour 2014, ce sont plus de 2 milliards d’euros de hausse de prélèvements dans le PLFSS qui s’ajoutent aux 12 milliards d’euros prévus dans le projet de loi de finances ! La politique sociale du Gouvernement est une politique fiscale. Or, augmenter les recettes n’a jamais fait une politique. Vous alourdissez les charges des familles et vous accablez les créateurs d’emplois. Vous n’épargnez personne : professions libérales, exploitants agricoles, artisans, commerçants, travailleurs frontaliers. C’est de l’acharnement à l’égard du monde du travail ! Au moment où il faudrait encourager les acteurs économiques et alléger leurs charges, vous faites l’exact contraire. Votre politique coûtera cher à la France.

Dans votre PLFSS, il n’y a pas de stratégie. J’en veux pour preuve vos mesures à l’égard de l’industrie du médicament.

Cet été, conformément à l’engagement du Premier ministre, le Conseil stratégique des industries de santé, le CSIS, s’était fixé une ligne de conduite prometteuse, avec pas moins de 44 mesures stratégiques que, pour la plupart, nous partagions, pour une industrie responsable, innovante et compétitive contribuant au progrès thérapeutique, à la sécurité sanitaire, à l’économie nationale et à l’emploi en France.

Plusieurs propositions auraient pu faire l’objet de discussions parlementaires dans le cadre du PLFSS. Or ce n’est pas le cas. Au contraire, vous sabordez purement et simplement ce rapport. Votre seule stratégie pour l’industrie du médicament consiste à lui mettre un boulet au pied pour courir dans la compétition mondiale. Vous faites ainsi peser l’essentiel des mesures d’économies du PLFSS sur le médicament. Le médicament représente 15 % des dépenses de santé mais il participe à hauteur de 56 % aux économies, soit 960 millions d’euros. Vous oubliez que l’industrie pharmaceutique est une industrie phare pour la France, pourvoyeuse de richesse.

Quelques rappels sur l’industrie pharmaceutique : 50 milliards d’euros de chiffres d’affaires, 25 milliards d’euros d’exportations, plus de 100 000 emplois directs et 190 000 emplois induits, soit un total de près de 300 000 emplois pour l’ensemble de la chaîne du médicament, 224 usines du médicament, une industrie jeune où l’âge moyen est de quarante-deux ans et qui offre des emplois de plus en plus qualifiés, une industrie qui investit 12,5 % de son chiffre d’affaires dans la recherche et développement contre 3,2 % pour le reste de l’industrie.

Comme je le disais ici même le 22 octobre dernier, l’industrie pharmaceutique est plus que jamais la variable d’ajustement de l’assurance maladie. Votre discours repose sur une communication culpabilisatrice et stigmatisante des médicaments et de tous les acteurs de la chaîne, de l’industriel jusqu’au pharmacien d’officine.

Par dogmatisme, vous laissez prospérer l’idée que ce sont les industriels qui fixent le prix du médicament, vous passez sous silence, madame la ministre, le fait que les prix des médicaments remboursables sont soumis à une réglementation prévue par le code de la sécurité sociale. Les prix fabricants hors taxes sont fixés par convention, entre le laboratoire et le Comité économique des produits de santé et, à défaut, par arrêté ministériel, donc par vous-même, madame la ministre.

Par dogmatisme, vous oubliez de dire aux Français que le prix moyen du générique par unité est en France de 4 % inférieur au prix moyen européen, comme le révèle une étude de juin 2013.

Par dogmatisme, enfin, vous ne dites pas que nous assistons en France, depuis 2000, à une puissante convergence avec les autres pays européens en matière de consommation de médicaments. La France se situe depuis 2011-2012 dans la moyenne européenne. C’est une bonne chose.

Plutôt que d’organiser l’excellence de l’industrie pharmaceutique et de créer les conditions de son développement au service de notre indépendance sanitaire, vous préférez vendre aux Français la mesure de la vente des médicaments à l’unité. Cette mesure populiste et démagogique, disons-le, n’apportera rien. Nous sommes tout à fait conscients qu’il faut lutter contre le gaspillage. Mais l’expérimentation lancée par le Gouvernement pour la classe des antibiotiques a été décidée sans réelle concertation avec les professionnels concernés et soulève de nombreuses questions : qu’en est-il de l’information et de la traçabilité, de la responsabilité des pharmaciens, des économies potentielles, ainsi que des conséquences pour l’industrie pharmaceutique ? Cette mesure aurait mérité plus de réflexion, tout comme celle sur les biosimilaires, cette classe thérapeutique majeure qui mérite que l’on se pose exactement les mêmes questions.

Par vos mesures sur le médicament, madame la ministre, vous prenez la responsabilité de mettre la France en situation de dépendance. L’Agence du médicament estime à quarante-cinq le nombre de spécialités concernées par des ruptures de stock et dix-sept sont en passe de le devenir. Vos mesures ne feront qu’accentuer cette situation.

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