Intervention de Gérard Sebaoun

Séance en hémicycle du 25 novembre 2013 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Sebaoun :

Bref, tout ce qui est excessif étant insignifiant, selon la célèbre phrase de Talleyrand que vous connaissez, il nous appartient de déconstruire sereinement ce discours, qui inquiète les patients à qui l’on promet une dégradation de leur prise en charge, mais également certains praticiens qui vivent déjà une activité compliquée, comme j’ai pu le constater récemment sur mon territoire. Il convient pour cela de rappeler quelques évidences. Il faut d’abord dire que la dépense de santé n’est pas une dépense ordinaire, car elle est socialisée pour une part, celle dont nous parlons, et mutualisée pour la part restante – c’est le chantier de la complémentaire pour tous ouvert par notre majorité dès cette année.

Il faut dire ensuite que le tiers payant est opérationnel depuis bien longtemps dans la quasi totalité des pays européens et dans les réseaux de soins américains. Il convient de rappeler, enfin, qu’en France il est de pratique courante dans les établissements de santé publics et privés conventionnés, dans les centres de santé, dans l’ensemble des pharmacies, dans la plupart des laboratoires biologiques médicaux et des cabinets de radiologie, et bien sûr chez les médecins libéraux généralistes ou spécialistes en secteur conventionné ou à honoraires libres, avec une prise en charge intégrale des accidents de travail, des maladies professionnelles, des ayants droits à la CMU-C ou à l’AME, ou même encore avec une dispense partielle, dans le cadre notamment d’accords locaux entre médecins généralistes et CPAM.

Alors pourquoi tant de passion autour de la généralisation d’une pratique utile aux Français et déjà bien ancrée dans leur quotidien ? Les opposants dénoncent sa complexité, une bureaucratie chronophage, le risque de retards de paiement des honoraires par les caisses, bref, un risque de perte financière. S’il y a des difficultés techniques ou pratiques, il appartiendra à la CNAM de les entendre pour les résoudre. Les opposants réfutent également le principe de la gratuité, qui serait selon eux inflationniste et déresponsabilisant pour les patients. À ces affirmations infondées, il convient d’opposer les études disponibles et la réalité des chiffres.

Je crois que l’une des clés de lecture de cette opposition se trouve dans une mauvaise interprétation des fondements de l’activité libérale, qui datent de la charte de 1927. Dans le cas du tiers payant, ni le secret médical, ni la liberté d’installation, pas davantage le choix du médecin par le patient ou la liberté thérapeutique du médecin ne sont remis en cause. Ce qui fait débat, le seul débat, c’est le dernier pilier, celui de l’entente directe pour les honoraires, c’est-à-dire le paiement à l’acte. C’est bien parce que la rémunération des professionnels est un élément important qu’elle ne doit plus être confondue avec un statut libéral mythique puisque, répétons-le, la dépense est socialisée.

Défendre le principe du paiement à l’acte peut s’entendre, mais il apparaît de plus en plus comme déconnecté, pour ne pas dire archaïque, au regard des véritables enjeux : celui de travailler, comme le font les syndicats représentatifs, avec les autorités de santé, avec les organismes obligatoires et complémentaires, à une meilleure organisation territoriale de la santé, au développement des parcours de soins, au travail collaboratif des équipes soignantes et à la régulation médicalisée pour des soins pertinents pour tous et au meilleur coût. Dans cette approche partenariale, que j’appelle de mes voeux, le tiers payant généralisé devra tout naturellement trouver sa place.

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