Intervention de Jean-Yves le Drian

Séance en hémicycle du 26 novembre 2013 à 15h00
Loi de programmation militaire 2014-2019 — Présentation

Jean-Yves le Drian, ministre de la défense :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le rythme des crises internationales au cours des dernières années, comme l’ont encore démontré les derniers mois voire les derniers jours, nous impose des obligations quant à la sécurité de la France et de l’Europe. Il s’agit dorénavant d’une donnée permanente de notre défense. Il nous appartient d’en tirer les conséquences, tant à court terme grâce aux enseignements des crises récentes que j’évoquerai au cours du débat, qu’à long terme. Tel est l’objet de la loi de programmation militaire que j’ai l’honneur de présenter devant vous ce soir.

La croyance à la fin de l’histoire et à l’improbabilité de la guerre a caractérisé un bref moment de l’après-guerre froide. Elle a fait son temps. En 2013, notre pays évolue dans un environnement stratégique toujours plus complexe et incertain au sein duquel la place et le rôle du monde occidental sont remis en cause. Si les conflits changent de visage, ils n’autorisent pour autant aucun relâchement de la politique de sécurité et de défense, comme l’a rappelé le Président de la République chaque fois qu’il s’est exprimé en qualité de chef des armées. Les conflits et les crises nous concernent au premier chef. Certes, la France et l’Europe sont des espaces pacifiés, mais notre situation privilégiée ne doit pas nous amener à ignorer la réalité du monde qui nous entoure. S’il n’existe plus de menaces à nos frontières, chacun ici sait qu’il n’existe pas non plus de frontières aux menaces. Tel est le revers, désormais bien identifié, de la mondialisation.

La France, conformément à la tradition constante de la Ve République, n’a jamais cessé d’être vigilante. Elle a pris ses responsabilités chaque fois que cela s’est avéré nécessaire. Elle les a prises au Mali, où nous sommes engagés depuis le 11 janvier dernier dans le cadre d’une lutte déterminée contre les groupes djihadistes. Elle les a prises en Syrie. D’autres enjeux se dessinent, en République Centrafricaine, au Proche-Orient et au Moyen-Orient ainsi que dans les espaces maritimes menacés par la piraterie. Comment assurer à long terme les capacités militaires nous permettant d’être demain comme aujourd’hui à la hauteur des intérêts de sécurité de la France comme de ses responsabilités internationales ? Tel est l’objet de cette loi, qui prolonge le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale dont il a été débattu ici même le 29 mai dernier.

En 2013, cette question majeure se pose à nous avec une gravité particulière. En effet, alors même que les menaces pesant sur notre sécurité collective évoluent rapidement vers une diversification des risques d’atteinte à la nation, notre souveraineté financière a été mise en péril. En raison des crises économiques qui se sont succédé depuis 2008 et de la pression croissante d’une dette publique qui atteint des niveaux que nous n’avions jamais connus, la tension sur le budget de l’État et les finances de la nation est devenue extrême. Il est clair qu’il s’agit aussi là d’un enjeu de souveraineté. La combinaison de l’impératif militaire et de l’impératif budgétaire a suscité beaucoup de commentaires.

Pourtant, c’est du moins ma conviction et celle du Gouvernement, une telle articulation doit être assumée avec responsabilité. Sans contrôle de la dette publique, comment garder la maîtrise de nos choix stratégiques ? En arrêtant les grandes orientations du renouvellement de notre politique de défense, le Président de la République a fait un double choix, celui de notre autonomie stratégique et celui de notre souveraineté financière. L’une ne va pas sans l’autre. Afin de réaliser des économies faciles, nous aurions pu occulter tout un pan de risques découlant de notre environnement stratégique, ou prononcer des renoncements spectaculaires à certaines de nos responsabilités hors du territoire, comme certains nous y incitaient. Telle n’est pas notre conception de la préparation de l’avenir de la défense de la France.

Au contraire, nous nous en sommes tenus à un principe de strict réalisme pour la description des menaces comme pour la définition des moyens d’y faire face. Le premier pilier de la programmation que nous vous proposons, c’est le maintien d’un effort de défense significatif. Notre budget se maintiendra d’abord à son niveau actuel, c’est-à-dire 31,4 milliards d’euros courants, pendant trois ans. Dans un deuxième temps, entre 2016 et 2019, le budget augmentera progressivement pour atteindre 32,5 milliards d’euros courants. Les crédits budgétaires progresseront en valeur dès 2016 puis en volume à compter de 2018.

Les ressources programmées sur la période 2014-2019 totalisent ainsi 190 milliards d’euros courants, voire davantage si nous appliquons certaines dispositions de la loi, sur lesquelles je reviendrai.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion