Intervention de Ségolène Neuville

Séance en hémicycle du 4 décembre 2013 à 15h00
Renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSégolène Neuville :

Nous nous apprêtons à voter un texte qui porte sur un sujet très grave : la situation dramatique des personnes prostituées en France.

Ce texte est le fruit d’un long travail parlementaire, commencé en septembre 2010 par Danielle Bousquet et Guy Geoffroy et poursuivi ensuite par Maud Olivier et Catherine Coutelle. C’est un texte qui transcende les législatures et les clivages politiques et qui a été l’occasion de nombreux débats dans toute la France, où chacun a pu intervenir : les personnes prostituées, les associations spécialisées, les pouvoirs publics, la presse, les clients et l’ensemble de la population.

Nous pouvons collectivement être fiers d’avoir été à l’origine de ce débat démocratique. Ici, à l’Assemblée nationale, chaque groupe parlementaire a apporté des améliorations pour aboutir au texte soumis à notre vote aujourd’hui.

Nous pouvons collectivement être fiers de ce texte, parce qu’il met fin à la plus vieille injustice du monde : depuis toujours et dans toutes les sociétés, les personnes qui se prostituent sont considérées comme des délinquantes et comme des coupables. Pourtant, depuis toujours, les personnes prostituées sont prisonnières de leur précarité économique, de réseaux criminels et de proxénètes. Pourtant, depuis toujours, les personnes prostituées sont exposées aux violences les plus extrêmes de la part de leurs clients, mettant leur vie en danger quotidiennement.

Aujourd’hui c’est à elles que je m’adresse, à ces femmes et à ces hommes qui vivent l’enfer de la prostitution et de la traite des êtres humains : désormais, vous ne serez plus des délinquants et des délinquantes, car nous abrogeons le délit de racolage. Désormais, les associations auront les moyens de vous aider, car nous créons un fonds spécial que l’État abondera à hauteur de 20 millions d’euros.

Désormais, vous aurez droit à une véritable alternative à l’activité prostitutionnelle, car ce texte prévoit un parcours de sortie de la prostitution avec un accès aux soins et aux services sociaux, une aide financière et une autorisation de travailler pour celles et ceux d’entre vous qui n’en ont pas. Désormais, pour celles et ceux d’entre vous qui poursuivront l’activité prostitutionnelle, le rapport de force avec le client sera inversé : c’est vous qui pourrez le menacer de le dénoncer à la police s’il cherche à vous contraindre ou s’il est violent.

Mes chers collègues, nous pouvons collectivement être fiers de ce texte, parce qu’il responsabilise la société tout entière vis-à-vis des personnes prostituées. Il responsabilise d’abord l’État, qui s’engage financièrement et je tiens à en remercier ici Mme la ministre des droits des femmes. L’État s’engage également en affirmant sa responsabilité dans l’accompagnement des personnes prostituées et dans la politique de prévention des risques sanitaires, sociaux et psychologiques.

Ce texte responsabilise, ensuite, les clients des personnes prostituées en créant une infraction pour tout achat d’acte sexuel. L’immense majorité des personnes prostituées en France sont étrangères et victimes de réseaux de traite des êtres humains. Poser cet interdit permet de faire prendre conscience aux clients qu’ils alimentent ces réseaux criminels avec leur argent. Ce texte responsabilise toute la société en affirmant des valeurs humanistes et de progrès : non, la prostitution n’est pas un métier comme un autre ; non, la domination d’un sexe par l’autre n’est pas une fatalité, pas plus que la domination des plus pauvres par les plus riches.

Mes chers collègues, nous pouvons être collectivement fiers de ce texte, car il participe à construire une Europe plus juste, où les citoyens les plus précaires des pays les plus pauvres ne seront plus réduits en esclavage par des réseaux criminels pour le plaisir de quelques-uns. Aujourd’hui, d’autres pays nous regardent : l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas s’interrogent. Ces pays qui ont laissé fleurir les maisons closes sont devenus des plaques tournantes de la traite des êtres humains et ils sont en train d’en prendre conscience.

L’enjeu est de taille : la France sera-t-elle un exemple pour toute l’Europe dans le combat contre les mafias et le proxénétisme ? C’est ce que nous souhaitons. La législation française sanctionne déjà très durement le proxénétisme. En 2012, cinquante-deux réseaux de proxénétisme ont été démantelés sur le territoire national. Avec ce texte, nous envoyons un message clair : la France n’est pas une terre d’accueil pour les réseaux criminels.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe socialiste votera ce texte avec une immense fierté.

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