Intervention de Rudy Salles

Réunion du 3 décembre 2013 à 17h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRudy Salles, co-rapporteur :

Je me réjouis également de ces décisions de la Commission européenne, d'autant plus quand je considère le chemin parcouru depuis notre rencontre, en janvier dernier, avec le directeur de la DG Concurrence qui nous avait accueilli tout juste poliment et avait développé une conception purement marchande de la culture. On mesure aujourd'hui le travail mené par la commission des Affaires européennes, les différents parlements nationaux et exécutifs qui se sont investis dans ces sujets.

La deuxième décision importante de la Commission européenne dans le secteur du cinéma est l'accord qu'elle a donné, le 20 novembre dernier, à la réforme de la taxe sur les services de télévision qui est perçue sur les diffuseurs, la « TST-D ».

La TST-D constitue en effet une ressource essentielle du fonds de soutien au cinéma, à l'audiovisuel et au multimédia, qui est géré par le CNC et est également alimenté par la taxe sur les services de télévision perçue sur les éditeurs, la taxe sur les entrées dans les salles de cinéma et la taxe sur les ventes de vidéos physiques et de vidéos à la demande.

La Commission européenne a ainsi validé le dispositif qui avait été adopté, à l'initiative du précédent Gouvernement, dans la loi de finances initiale pour 2012, afin d'éviter les comportements de contournement de la taxe et de garantir le financement du CNC.

Pour mémoire, cette taxe, qui vise les distributeurs de services de télévision – les distributeurs de télévision payante comme Canal +, les bouquets satellitaires, les câblo-opérateurs, les fournisseurs d'accès à Internet fixe et mobile… – avait vu son rendement fortement progressé entre 2007, année de sa création, et 2011. Son produit était ainsi passé de 94 millions en 2008 à 322 millions d'euros en 2011, à la suite du développement des nouveaux modes de distribution de la télévision et des offres « triple play » – téléphone, télévision, Internet).

Mais cette taxe avait vu son produit chuter à partir de 2011 à la suite du comportement de contournement de plusieurs opérateurs. En effet, alors que l'assiette de la taxe était composée des abonnements et sommes acquittés par les usagers en rémunération de services de télévision, ainsi que des abonnements à des offres composites (offres « triple play ») pour un prix forfaitaire incluant des services de télévision, certains opérateurs, comme Free, avaient mis en place des stratégies de contournement, qui réduisaient le produit de la taxe comme peau de chagrin.

Free dissociait en effet son option télévision de son offre Internet en la minorant – à 1,99 euros par mois, contre 15 euros auparavant, sur un abonnement total de 30 euros – alors même qu'il n'était pas possible d'accéder à Free télévision sans souscrire à un abonnement Internet. L'opérateur réduisait ainsi fortement sa contribution au CNC.

Aussi, le précédent Gouvernement avait-il proposé une nouvelle assiette permettant, d'une part, de contrer les pratiques commerciales d'opérateurs qui isoleraient artificiellement la distribution de services de télévision de leurs offres d'accès pour restreindre l'assiette imposable ; d'autre part, d'assurer une plus grande maîtrise du dynamisme de la taxe, grâce à une modération des taux, en tenant compte à la fois de la forte croissance des marchés liés à Internet et des besoins de financement du CNC.

C'est ce dispositif, adopté dans la loi de finances initiale pour 2012, que la Commission européenne a finalement validé, le 20 novembre dernier, après plus de deux ans d'échanges. Le dispositif prévu dans la loi de finances pour 2012 avait en effet fait l'objet d'une première notification auprès de la Commission européenne dès le 26 octobre 2011, afin de vérifier s'il était conforme à la réglementation européenne, et notamment à la directive « autorisation ».

À cet égard, il convient de souligner l'importance qu'a eue l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 27 juin 2013 dans la décision de la Commission européenne. En effet, la Cour de justice a validé la taxe payée par les opérateurs de télécommunications à la suite de la suppression de la publicité après 20 heures sur France Télévisions, en précisant qu'une taxe en rapport avec l'activité de l'opérateur, qui consiste à fournir des services de communications électroniques aux usagers finals en France, ne constitue pas une taxe administrative au sens de la directive et ne relève donc pas du champ d'application de celle-ci.

À la suite de cet arrêt, le Gouvernement a procédé, fin juillet 2013, à une nouvelle notification du régime de la TST-D prévu dans la loi de finances pour 2012 auprès de la Commission européenne en vue de son autorisation.

Dans sa décision récente du 20 novembre, la Commission européenne a autorisé ce dispositif jusqu'au 31 décembre 2017, considérant que le régime de la TST-D ainsi modifié n'entrait pas dans le champ de la directive « autorisation » et était compatible avec le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Ainsi, la taxe devrait pouvoir entrer en vigueur, dans sa nouvelle version, à partir du 1er janvier 2014.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2013 que nous examinons prévoit d'ailleurs, dans son article 16, de modifier les modalités de calcul des acomptes de la taxe due au titre de 2014, afin d'en accroître le montant et d'assurer la pleine et rapide effectivité de la taxe votée dans la loi de finances pour 2012.

Le projet de collectif budgétaire prévoit également d'élargir l'assiette de la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs aux revenus issus des publicités et du parrainage accompagnant les programmes visibles en « replay », ce qui devrait accroître de 2,5 millions d'euros le produit de cette taxe, et d'élargir le champ de la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes aux loueurs établis hors de France.

Au total, la décision de la Commission européenne du 20 novembre est importante à trois points de vue. Elle participe tout d'abord à la pérennité du financement du cinéma français. Elle garantit ensuite l'adaptation à l'ère du numérique du principe selon lequel ceux qui, en amont de la diffusion des oeuvres, en tirent bénéfice doivent contribuer à leur financement. Elle constitue enfin un signal important pour le financement du cinéma européen, puisque plusieurs États membres, comme l'Allemagne et la Roumanie, envisagent de mettre en place un dispositif de ce type pour financer leur création cinématographique et audiovisuelle.

En conclusion, on ne peut que se féliciter que la position française ait été entendue sur l'ensemble de ces sujets relatifs au financement du cinéma, alors que ce n'était pas gagné d'avance.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion