Intervention de Isabelle Bruneau

Réunion du 3 décembre 2013 à 17h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Bruneau, rapporteure :

Après plus de dix ans de discussions sur la question du droit à réparation en matière de concurrence, la Commission européenne a publié une proposition de directive qui vise à faciliter l'indemnisation des préjudices causés par des pratiques anticoncurrentielles. Selon la Commission européenne, la nécessité de renforcer l'action privée se justifierait au regard du très faible nombre d'actions intentées par les victimes d'infractions en matière d'entente et d'abus de position dominante, notamment les PME et les consommateurs.

Cette proposition de directive constitue un apport important à l'amélioration de l'indemnisation des préjudices, bien que certaines dispositions apparaissent discutables.

Ce texte a été très bien accueilli par l'Autorité de la concurrence française. Elle estime que cette proposition de directive s'inspire du droit français, et permettra d'aider à la réparation des préjudices car le surcoût de prix généré par les cartels est évalué à 25 % du prix acquitté par le consommateur.

La proposition de la Commission est très largement compatible avec le « projet de loi Hamon » relatif à la consommation. En effet, en l'état actuel de cette proposition, il faudrait attendre que la faute soit constatée par une décision de l'autorité de la concurrence devenue définitive (c'est-à-dire purgée des recours juridiques), pour que l'action engagée par la victime d'une infraction au droit de la concurrence et la réparation de celle-ci puisse être engagée devant le juge national, ce qui garantit une certaine sécurité juridique.

Aujourd'hui, relativement peu d'actions en réparation sont intentées par les victimes. La plupart des instances sont introduites par de très grandes entreprises qui obtiennent souvent une indemnisation significative, par la voie de procédure amiable. Ce texte rétablit ainsi une réelle égalité entre les parties, qu'elles soient de petite ou de grande taille. En effet, autoriser une action privée est favorable aux victimes qui doivent pouvoir accéder aux preuves recueillies au cours de l'enquête de l'autorité de la concurrence, ce qui est toujours délicat dans ce type de litige.

Par ailleurs, le choix de la Commission européenne de conférer aux décisions des autorités de concurrence nationale l'autorité de la chose décidée, vis-à-vis des juridictions nationales appelées à se prononcer sur la réparation du dommage concurrentiel, constitue une forte incitation pour les victimes à engager des actions en dommage et intérêts.

La mise en place d'une règle de la responsabilité solidaire « allégée » pour les « demandeurs de clémence » constitue un avantage certain pour les professionnels. Le privilège accordé par la Commission au « demandeur de clémence », qui pourra voir alléger sa facture de dommages, constitue un compromis nécessaire : il est de plus en plus difficile d'apporter la preuve de l'existence de cartels, aussi dans ce domaine le système des « repentis » est-il le plus efficace.

La proposition de directive est à présent équilibrée, grâce aux modifications obtenues par notre pays lors des négociations. Par exemple, afin d'éviter des coûts administratifs élevés, l'article 6 sur l'accès au dossier de l'autorité de concurrence prévoit désormais que la recherche de preuve se fera en priorité au sein des entreprises avant d'être mise en oeuvre dans les autorités nationales de concurrence. De plus, lors des négociations, il a été obtenu que la décision d'une autorité de concurrence, devenue définitive, constitue une présomption irréfragable de faute. En outre, afin de conserver son attractivité, lorsqu'une procédure de non contestation des griefs est mise en place, la déclaration de non contestation ainsi que le procès-verbal contenant les griefs sont protégés. Enfin, les articles 11 et 12 tels que négociés permettent d'empêcher tout enrichissement sans cause du demandeur à réparation.

Un des éléments les plus débattus de cette directive est la possibilité donnée aux victimes d'accéder aux dossiers constitués par les autorités de la concurrence, qui peuvent contenir des renseignements confidentiels.

La proposition prévoit que seules « les déclarations d'entreprise effectuées en vue d'obtenir la clémence » ne pourront pas faire l'objet d'une injonction de divulgation. Les documents antérieurs à la demande de clémence et ceux recueillis par l'autorité de concurrence après la demande de clémence pourront être divulgués risquant ainsi d'affecter l'attractivité du programme de clémence. Toutefois, selon l'Autorité de la concurrence, un bon équilibre a été trouvé entre la protection des victimes et le maintien de l'attractivité du programme de clémence.

Lors de la transposition de la directive, une attention particulière devra être portée à la présomption irréfragable découlant de l'autorité de la chose décidée des décisions des autorités de concurrence afin que cette présomption bénéficie aux actions individuelles. Enfin, l'article 13 relatif aux acheteurs indirects devra être transposé dans notre droit national, pour faciliter la production par les parties de document permettant l'identification du surcoût.

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