Intervention de Emmanuelle Prada-Bordenave

Réunion du 19 novembre 2013 à 17h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Emmanuelle Prada-Bordenave :

Sur les procédures judiciaires en cours contre les autorisations délivrées par l'Agence depuis 2008 sur des projets de recherches sur les cellules souches embryonnaires, nous avons toujours onze procédures pendantes qui se poursuivent et qui avaient été introduites sous l'empire de l'ancienne loi. Nous n'avons pour l'instant aucune nouvelle procédure du fait de l'application de la nouvelle loi.

Concernant le don d'ovocytes, nous avons commencé hier une nouvelle campagne de promotion de proximité et avons enregistré cette année une nette augmentation de l'activité de dons, puisque nous sommes passés de 200 en 2008 à plus de 400 en 2012, mais en fait, selon l'estimation faite par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), il en faudrait 900 de plus. L'an dernier, un élément déterminant est intervenu : le financement de cette activité à l'hôpital été complètement remis à plat et a fait l'objet d'une nouvelle dotation de la Direction générale de l'offre de soins (DGOS). Or, c'est une activité très chronophage (recevoir la donneuse, prendre le temps de lui parler…) qui était mal prise en compte par la tarification, cela faisant hésiter les centres. Jusqu'à l'an dernier, selon l'IGAS, sur 32 centres autorisés, seulement une vingtaine organisait les dons et, aujourd'hui, tous sont engagés de manière volontariste. Nous sommes plutôt contents des premiers retours des media sur notre nouvelle campagne de promotion, qui semble bien perçue, notamment parce que de nombreuses Françaises se voyaient contraintes, compte tenu de la mauvaise organisation des dons en France, de recourir à des dons à l'étranger dans des conditions pas toujours convenables. La campagne se fait à proximité de chaque centre et s'appelle « Le don d'ovocyte près de chez vous ». On espère arriver à une assez forte augmentation des dons. En fait, ce sera assez facile de faire le bilan, car chaque centre devrait pouvoir « tracer » les appels des femmes et couples intéressés.

La vitrification ovocytaire commence à se développer en France, car elle n'a été autorisée qu'en 2011. C'est une technique compliquée et différente de celle utilisée auparavant, qui consistait en une baisse de température très lente et progressive, technique toujours utilisée pour les embryons et les spermatozoïdes. La vitrification, c'est l'inverse, elle se fait avec un produit plus gras et en quelques secondes on a une baisse de température considérable. On n'utilise pas les mêmes automates et pour les techniciens, c'est un grand changement. Les premiers résultats des équipes françaises en 2011, quand on a commencé, n'étaient pas très bons, mais les équipes sont en cours d'apprentissage et, d'ici deux ou trois ans, elles maîtriseront bien la technique. Ce sera très intéressant pour les femmes en attente et aussi pour les dons d'ovocytes. Certes, cela a fait naître des demandes de congélation de convenance ou de préservation de fertilité au cas où. Le conseil d'orientation de l'Agence ne s'est pas prononcé en faveur de cette pratique. En l'état actuel des techniques, demander à une jeune femme de moins de 30 ans de se prêter à un traitement de stimulation et donc de ne pas avoir de rapports sexuels et d'arrêter toute contraception pendant la durée du traitement, ne me paraît guère conforme aux bonnes pratiques si le seul but est de prélever les ovocytes pour les vitrifier. Il faut être raisonnable : après dix ans de recul, les résultats ne sont pas forcément très bons et ce n'est pas la même chose de dire que la technique sera utile pour les dons d'ovocytes comme pour les procédures d'assistance à la procréation en cours, et d'envisager sérieusement cette technique pour une préservation de la fertilité dans la durée. On n'en est pas là aujourd'hui.

Pour les prélèvements d'organes pour les personnes décédées d'un arrêt cardiaque, la loi ne les prévoit en principe que sur des personnes décédées en état de mort encéphalique, sauf si un protocole a été passé par l'Agence de la biomédecine pour autoriser des prélèvements de certains organes sur des personnes décédées d'un arrêt cardiaque. À ce stade, des protocoles ont été passés par l'Agence pour deux types d'arrêts cardiaques : l'arrêt cardiaque inopiné sur la voie publique ou inopiné à l'hôpital. Mais, après l'impulsion forte donnée par l'audition publique organisée par l'OPECST le 7 février 2013, la possibilité de prélever des organes sur des personnes dont l'arrêt cardiaque est survenu après un arrêt des thérapeutiques actives est en cours de discussion. Les sociétés savantes avaient déjà débattu de ce sujet depuis trois ans et le conseil d'orientation de l'Agence avait lui-même mené une réflexion. Après l'audition publique de l'OPECST, le conseil d'orientation de l'Agence a organisé une succession de réunions avec les parties impliquées : d'abord avec les réanimateurs, seuls, pour coordonner leurs protocoles de limitation et d'arrêt des thérapeutiques, mais sans évoquer le don d'organes, puis avec les coordinations hospitalières de prélèvement pour voir comment envisager le don après que la décision d'arrêter les traitements a été prise, en établissant bien une frontière étanche entre les deux décisions et, enfin, avec les greffeurs, pour se concerter sur leurs pratiques parce que les organes se dégradent très vite lorsque le coeur est arrêté . En janvier prochain, nous avons programmé une dernière réunion avec les associations de donneurs et de patients. Le conseil médical et scientifique de l'Agence se prononcera en février puis son conseil d'orientation, et notre objectif, dans un premier temps, serait de signer une convention avec un ou deux hôpitaux-pilotes qui s'engageraient sur la base du protocole construit depuis février dernier. Ce devrait être des hôpitaux motivés, ne présentant pas de risques, car nous sommes conscients de l'absence de droit à l'erreur. Toute mauvaise pratique aurait forcément un impact désastreux et fatal sur l'ensemble du don d'organes.

Quant au sang du cordon, il est certain que l'autosuffisance en France est impossible, à cause de la trop grande diversité génétique existant dans notre pays (au contraire du Japon par exemple, qui est très homogène et réalise 98 % de ses greffes avec des greffons japonais). L'objectif fixé est d'atteindre 50 % de greffes de sang placentaire avec des greffons français. Nous atteignons aujourd'hui 43 % et sommes par ailleurs le premier pays d'Europe exportateur de greffons de sang placentaire. Sans disposer d'un très grand stock (30 000), nous en exportons beaucoup, car les banques françaises et les maternités ont fait un gros effort sur la richesse cellulaire et les greffes sont aujourd'hui essentiellement pratiquées sur des adultes. Les greffons français sont très convoités et demandés à l'international.

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