Intervention de Christophe Léonard

Réunion du 13 novembre 2013 à 16h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Léonard :

Notre Nation connaît une période de fortes incertitudes, où, face aux évolutions démographiques et aux mutations du monde, notre identité et notre modèle économique et social sont en jeu.

Depuis le 6 juin 2012, le Gouvernement est mobilisé pour redresser, dans la justice et l'équité, une France surendettée, alors que les corporatismes, quotidiennement exacerbés par une opposition par trop politicienne, conduisent nombre de nos concitoyens à manifester leurs inquiétudes en se réfugiant dans l'abstention ou en votant en faveur de l'extrême-droite. (Interruptions de plusieurs commissaires du groupe UMP)

Dans ce contexte général, où aucune proposition ne semble pouvoir emporter l'adhésion, la loi de programmation militaire 2014-2019 devrait être l'occasion de nous rassembler derrière notre armée, les femmes et les hommes qui la composent et au-delà, les valeurs de notre République.

Il faut pour cela rappeler quelques vérités. La première est que les mesures contenues dans cette LPM ne sont pas « hors sol ». Elles sont au contraire la traduction législative des réponses apportées aux constats dressés dans le Livre blanc 2013 et donc aux besoins de notre pays pour se doter, dans un contexte géopolitique instable, d'un modèle d'armée cohérent, aux capacités opérationnelles adaptées.

La LPM 2014-2019 traduit aussi une volonté de corriger les insuffisances de la LPM précédente et les errements de gestion constatés dans sa mise en oeuvre : déploiement désastreux du logiciel Louvois, qui a provoqué des milliers d'erreurs dans le versement des soldes, désorganisation des soutiens, sous-dotation des bases de défense, dérive à la hausse de la masse salariale avec une augmentation de 3 % de la rémunération militaire globale de 2009 à 2012 alors que dans le même temps, les effectifs diminuaient de 9 %, report de charges cumulé de trois milliards d'euros à la fin 2012, pour ne citer que ces exemples qui impactent aujourd'hui lourdement les arbitrages nécessaires.

Le débat sur la future LPM devrait, me semble-t-il, être abordé avec modestie et mesure par chacun d'entre nous au nom des intérêts supérieurs de la France.

Voyons maintenant ce qu'il en est exactement de cette LPM.

Elle ne marque pas un passage en force comme le fut le déploiement du logiciel Louvois à partir d'avril 2011, alors que toutes les alertes concernant ses dysfonctionnements étaient au rouge. Que ce logiciel ait coûté quatre fois plus cher que prévu et qu'il se soit révélé catastrophique pour les personnels dans ses phases d'expérimentation n'a, hélas, pas empêché sa généralisation, exception faite de l'armée de l'air.

Elle ne traduit pas non plus de laisser-faire financier, dans lequel le manque de courage politique pour redresser la trajectoire du ministère en période de crise et renégocier les objectifs industriels et capacitaires en cohérence avec les moyens budgétaires réels nous engagerait sur une voie de garage comme aujourd'hui avec le report de charges de trois milliards d'euros laissé en héritage. L'ardoise est si lourde que l'hypothèse, fantaisiste, d'une résorption de ce décalage sur l'exercice 2014-2015 reviendrait tout simplement à détruire notre capacité de commandes futures. C'est pourquoi, afin de préserver les marges de manoeuvre indispensables, l'objectif fixé a été de stabiliser puis de réduire ce report de charge, le Gouvernement faisant ainsi la preuve de son sérieux budgétaire et marquant son souci de rendre la situation lisible.

Cette LPM ne remet pas non plus en cause l'équilibre structurant entre personnels civils et militaires au sein du ministère, à l'inverse de ce qu'avait fait le décret de 2009 relatif aux attributions du chef d'état-major des armées, qui excluait de droit le ministre de la Défense de certaines décisions concernant en particulier l'emploi des forces armées. Abrogé depuis, ce décret ne correspondait ni au code de la défense ni aux directives prises par le général de Gaulle en 1962 puis confirmées par François Mitterrand en 1982, qui organisaient le ministère autour de trois piliers, le chef d'état-major des armées (CEMA), le délégué général pour l'armement (DGA) et le secrétariat général pour l'administration (SGA).

Cette LPM n'est pas davantage l'expression d'un délitement comme le fut la gestion des ressources humaines de la défense entre 2009 et 2012, qui a eu pour conséquence une sévère amputation des crédits d'équipement militaire, tous éléments que la Cour des comptes a souligné dans un récent rapport.

Elle rompt avec la dégradation globale de la chaîne du soutien, consécutive à la création des bases de défense en 2010, lesquelles ont été généralisées en 2011, ce qui a abouti à une organisation territoriale complexe, des procédures inefficaces et illisibles pour les forces opérationnelles et les responsables de terrain, et une surcharge de travail permanente pour les personnels concernés. Afin de stabiliser, clarifier et simplifier le plus possible les dispositifs existants, il est urgent, d'une part de professionnaliser et d'unifier la chaîne du soutien sous l'autorité du commissariat aux armées, d'autre part de redonner sans délai un peu d'air aux bases de défense pour éviter l'embolie généralisée du système. L'enveloppe de 30 millions d'euros que vous avez débloquée récemment, monsieur le ministre, pour financer les besoins les plus urgents tombe donc à point nommé.

Sachons tirer collectivement les leçons des mauvaises expériences passées pour y remédier ensemble avec discernement. Attachons-nous à résoudre au plus vite et le mieux possible les difficultés qui subsistent du fait d'une gestion antérieure qui aurait été largement perfectible, mais surtout à mettre en oeuvre les orientations de la nouvelle stratégie militaire issue du Livre blanc de 2013.

Pour y parvenir, conformément aux engagements de Président de la République, les crédits de la Défense seront maintenus en 2014 à leur niveau de 2013 avec 31,4 milliards d'euros et les ressources allouées au ministère de 2014 à 2019 s'élèveront à 190 milliards d'euros courants.

Notre responsabilité politique et législative sera de conjuguer dans les futurs budgets de la Défense sur la période 2014-2019 les deux impératifs de souveraineté nationale que sont, d'une part, la sauvegarde d'une défense à même de garantir la sécurité de la France et ses responsabilités dans le monde et, d'autre part, le redressement de nos finances publiques.

Afin de répondre à ces deux exigences, des choix volontaristes traduisant la mise en oeuvre des priorités inscrites dans le projet de LPM ont déjà été opérés dans le budget de la mission « Défense » : équipement des forces, activités opérationnelles, renseignement et cyberdéfense.

Ainsi, pour assurer la nécessaire modernisation de nos armées et le renouvellement des matériels, la dépense d'équipement progressera de 16,5 milliards d'euros en 2014 à 18,2 milliards en 2019, soit une augmentation supérieure à l'inflation attendue.

En comblant nos lacunes capacitaires, particulièrement en ce qui concerne les drones, le renseignement et le ravitaillement en vol, en maintenant le montant des investissements, en augmentant les crédits de maintien en condition opérationnelle des matériels et les crédits d'entraînement, nous construisons, avec cette LPM, ce qui sera en 2019 avec 187 000 militaires et 55 000 civils, la première armée d'Europe, et maintenons une industrie d'armement parmi les premières du monde. On est donc loin du déclassement prétendu !

Priorité est aussi donnée à notre industrie de défense car il s'agit d'une industrie à forte valeur ajoutée qui recouvre 165 000 emplois directs et indirects, dont 20 000 hautement qualifiés. Tous les programmes industriels seront maintenus et tous les principaux secteurs de compétences de cette industrie préservés. Cet effort financier de l'État correspond à 102 milliards d'euros courants sur la période 2014-2019, soit un budget annuel de plus de 17 milliards d'euros courants.

Par ailleurs, 746 millions d'euros qui figurent dans le budget pour 2014 seront consacrés aux études-amont, en hausse de 10 % par rapport à 2012, afin de préserver les programmes existants et préparer les programmes de demain.

En outre, dès 2014, de nouvelles commandes seront passées, dont celle du quatrième sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda, tandis que seront lancés les programmes SCORPION et MRTT – multi-rôle transport tanker. Que ces programmes aient été trop longtemps repoussés nous a placés dans une situation d'extrême fragilité, comme l'a montré la crise malienne.

Garantir la sécurité de la France, c'est aussi engager la réception en 2013 des deux premiers A400M, suivis de quatre autres en 2014, indispensables pour moderniser enfin notre force aérienne. C'est aussi lancer, en coopération avec la Grande-Bretagne un nouveau programme comme le missile antinavire léger (ANL).

La modernisation passe aussi par la fin des atermoiements dans le dossier des drones, matériels pour lesquels la France accuse un retard industriel majeur alors qu'ils apportent de toute évidence une capacité opérationnelle fondamentale. La future LPM organise et finance l'acquisition de drones tactiques et de drones MALE, et prévoit un financement à hauteur de 700 millions d'euros du futur drone de combat.

Enfin, j'en terminerai par-là, une armée moderne est forte des femmes et des hommes qui la composent et la servent. Après que la précédente LPM a supprimé 54 000 postes, la programmation 2014-2019 prévoit d'en supprimer 23 500 autres. Mais, contrairement à ce qui a été fait précédemment, cette déflation s'accompagne d'une méthodologie transparente, organisée autour de cinq principes clairs : toucher le moins possible aux unités opérationnelles, et ce dans la limite du tiers des déflations opérées ; éviter au maximum les dissolutions d'unités ; prendre en considération les paramètres d'aménagement du territoire ; faire des choix cohérents avec le schéma d'organisation de nos forces ; intégrer les contraintes économiques, y compris pour ce qui est des aménagements existants dans les garnisons.

Par ailleurs, l'impératif de jeunesse et de renouvellement de nos armées sera bien évidemment préservé puisqu'il est prévu de recruter près de 17 000 jeunes par an jusqu'en 2019. Le ministère de la Défense restera donc l'un des principaux recruteurs de l'État.

Compte tenu de ces éléments qui doivent permettre à la France de conserver son rang dans le concert des nations, vu aussi que ce projet de loi de programmation 2014-2019 prévoit avant la fin de 2015 une actualisation de la programmation initiale, qu'il grave dans le marbre l'objectif de porter l'effort de défense à 2 % de notre produit intérieur brut dès retour à meilleure fortune et qu'il renforce les pouvoirs de la représentation nationale pour contrôler son exécution, les commissaires SRC de la Défense le soutiennent avec conviction.

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